Et si Twitter devenait une coopérative détenue par les twittos ?

Le réseau social dans la tourmente va-t-il être racheté par ses propres utilisateurs ? Lancée à l'automne dernier, l'idée fait son chemin. Au point que le sujet a été officiellement placé à l’ordre du jour de la prochaine réunion annuelle des actionnaires, prévue fin mai.
Sylvain Rolland
Le texte soumis aux actionnaires stipule que si le vote est un succès, Twitter devra « préparer un rapport sur la nature et la faisabilité de vendre la plateforme à ses utilisateurs via une coopérative ou une structure similaire».

Au dernier trimestre 2016, Salesforce, Google, Disney, Apple et Microsoft ont tous envisagé, plus ou moins sérieusement, de racheter Twitter, réseau social au plus bas en Bourse et désespérément déficitaire aux yeux de ses actionnaires. Mais tous ont finalement décliné. En revanche, un acheteur potentiel n'a toujours pas jeté l'éponge : la communauté des utilisateurs. Si bien que le sujet a officiellement été placé à l'ordre du jour de la prochaine réunion annuelle des actionnaires, qui se tiendra fin mai.

Un signe que Twitter, qui revendiquait 319 millions d'utilisateurs fin décembre (+4% sur un an), s'ouvre à toutes les idées qui se présentent pour sortir de l'ornière. Depuis plus d'un an, l'entreprise traverse une forte période de turbulences, entre résultats financiers décevants, un déficit chronique, des départs en cascade au plus haut niveau, des polémiques sur les « fake news » et la propagation des contenus haineux, et des réformes qui n'engrangent pas les résultats espérés. Ses performances à Wall Street s'en ressentent, flirtant avec ses plus bas niveaux historiques, entre 14 et 15 dollars l'action contre plus de 40 dollars lors de son introduction en Bourse, en octobre 2013, soit une capitalisation boursière de plus de 10 milliards de dollars.

     | Lire. Twitter : l'année 2017 sera-t-elle pire que 2016 ?

Les actionnaires se prononcent pour étudier un rachat par les utilisateurs

Mais Twitter reste le réseau social du temps réel, un formidable moyen de communiquer partout dans le monde et un média indispensable pour ses centaines de millions d'utilisateurs, qui louent son utilité démocratique. Et si les actionnaires perdent progressivement l'espoir de voir l'entreprise devenir rentable, de nombreux utilisateurs, eux, ne peuvent se résoudre à la voir sombrer.

D'où l'idée, lancée le 24 septembre dernier par le journaliste Nathan Schneider, d'un rachat de Twitter par ses propres utilisateurs, pour en faire une coopérative. Le texte a été si populaire qu'un mouvement, baptisé #WeAreTwitter (#NousSommesTwitter) ou #BuyTwitter (#AchetonsTwitter), s'est monté dans la foulée.

Une pétition, qui compte près de 3.500 signatures sur la plateforme Change.org, a été lancée pour convaincre les actionnaires d'envisager cette option. Le texte soumis à débat stipule que si le vote est un succès, Twitter devra « préparer un rapport sur la nature et la faisabilité de vendre la plateforme à ses utilisateurs via une coopérative ou une structure similaire». Cela ne signifie donc pas que Twitter s'engagera sur la voie d'une vente à ses utilisateurs, mais que la plateforme étudiera sérieusement cette option.

La coopérative, un modèle fructueux pour d'autres entreprises

Le mouvement s'appuie sur le constat que Twitter est moins une entreprise « classique », c'est-à-dire dominée par une logique de la rentabilité, qu'une plateforme d'intérêt public.

« Wall Street pense que Twitter est un échec parce qu'il ne permet pas aux actionnaires d'engranger assez de profit. Par conséquent Twitter est en vente et il existe un vrai risque que le nouveau propriétaire ruine notre plateforme bien-aimée en voulant absolument faire du profit ou gagner de l'influence », écrit le mouvement.

Pour convaincre les actionnaires, le mouvement prend l'exemple de plusieurs autres entreprises « populaires, résilientes et rentables » qui fonctionnent sur le modèle de la coopérative, à l'image de la ligue professionnelle de football Green Bay Packers, de la coopérative de consommateurs REI (Recrational Equipment Inc) et du média Associated Press. Il existe aussi de nombreux autres modèles à explorer, comme celui de la plateforme de photos Stocksy United, détenue par ses propres photographes, de Wikipedia, qui vit grâce aux dons, ou de la fondation Mozilla.

Selon le mouvement, un Twitter détenu par la communauté supprimerait « la pression à court terme des marchés » et permettrait de stimuler l'innovation, de bâtir un meilleur produit pour, in fine, « assurer un juste retour sur investissement aux investisseurs existants ».

Pour Nathan Schneider, l'un des formats les plus pertinents est celui d'Associated Press. Dans un entretien au site Re/code, le journaliste proposait qu'une partie des actions avec droit de vote de Twitter soient mises de côté dans une fiducie contrôlée par des utilisateurs. Ces actions contrôleraient également quelques sièges au conseil d'administration, ce qui créerait une gouvernance hybride.

Quelles chances de succès ?

Mais si l'idée a réussi se frayer une place à l'ordre du jour de la prochaine réunion des actionnaires, rien ne dit que ces derniers accepteront d'aller plus loin. Cela serait même très surprenant étant donné que le conseil d'administration de Twitter s'y oppose fermement:

« Cette proposition n'est pas dans les meilleurs intérêts de Twitter et de nos actionnaires. Nous pensons qu'engager des consultants pour préparer un rapport sur la nature et la faisabilité de vendre la plateforme, surtout à ses utilisateurs, serait une mauvaise allocation de nos ressources et une distraction pour notre conseil d'administration au détriment de la construction d'une valorisation de long terme de Twitter », écrit-il dans un avis publié lui aussi dans l'ordre du jour.

Malgré ses déboires, Twitter est toujours valorisé plus de 10 milliards de dollars. L'entreprise se persuade aussi qu'elle peut toujours trouver le chemin de la rentabilité. Dans son avis, le conseil d'administration insiste sur la croissance du nombre d'utilisateurs (+4% en 2016), sur la simplification du service amorcée depuis l'an dernier et sur le recentrage de ses investissements sur son cœur d'activité (fermeture de Vine et revente de la plateforme pour développeurs Fabric à Google au début de l'année). Le réseau social pense aussi que l'émergence de l'intelligence artificielle va renforcer l'attrait de Twitter pour l'aider à conquérir un nouveau public.

Autrement dit, le réseau social n'est pas encore désespéré. Le temps de la solution de la coopérative, perçue comme l'option de la dernière chance, n'est peut-être pas encore venu.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 11/04/2017 à 14:09
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Si on parle d'un capital immatériel, parfois qualifié d'humain, fait-on un conflit à la personne? Pourquoi ne ferait-on pas le buzz avec un 4*100m sur les réseaux pour gagner des compléments de salaire à ne rien faire comme des eavanies pour une erep...

à écrit le 11/04/2017 à 8:50
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"Au dernier trimestre 2016, Salesforce, Google, Disney, Apple et Microsoft ont tous envisagé, plus ou moins sérieusement, de racheter Twitter, réseau social au plus bas en Bourse et désespérément déficitaire aux yeux de ses actionnaires. Mais tous on...

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