Logiciels et services Internet : une croissance forte, mais…

Les 100 premières entreprises françaises du digital accélèrent leur croissance en 2014, avec un bond de leur chiffre d’affaires de 13% par rapport à 2013. Une progression forte qui montre la consolidation des secteurs des services Internet et du logiciel mais qui révèle aussi les difficultés des entreprises, qui encouragent le secteur privé à investir plus massivement.
Grands gagnants de ce "Top 100 digital", les éditeurs de logiciels se taillent la plus grosse part du gâteau. Ils représentent ainsi 5,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit 61% des revenus du top 100

Cocorico ! Le secteur du digital français se porte bien, très bien même. Selon le palmarès 2015 réalisé par l'Association française des éditeurs de logiciels (Afdel) avec la société de conseil Pwc et le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), les 100 premières entreprises hexagonales du digital enregistrent un chiffre d'affaires de 8,8 milliards d'euros, soit une croissance de 13% en moyenne en 2014. Une nette accélération par rapport à l'an dernier, où la progression était plus mesurée (6%).

Parmi les raisons de se réjouir, les trois secteurs étudiés, c'est-à-dire les services Internet, le jeu vidéo et les éditeurs de logiciels, affichent des taux de croissance qui feraient pâlir bien des secteurs: 27% pour les services Internet, 13% pour le jeu vidéo et 10% pour les éditeurs de logiciels. Comme l'an dernier, l'éditeur de logiciels Dassault Systèmes domine le classement, avec un chiffre d'affaires de plus de 2 milliards d'euros (+8,2%). Il est suivi par l'éditeur de jeux vidéo Ubisoft (1,4 milliard d'euros, +14.6%) et le géant de la publicité en ligne Criteo (745 millions d'euros). Mais l'analyse détaillée des résultats montrent de grandes disparités et révèle certains défis qui attendent le secteur dans les années à venir.

Les services Internet en pleine (re)structuration

Derrière la croissance impressionnante des entreprises spécialisées dans les services Internet (+27% de CA en 2014 par rapport à 2013) se cachent de fortes disparités. A lui seul, le leader Critéo progresse de 68% par rapport au dernier classement, en partie grâce à son entrée sur le Nasdaq en octobre 2013. Avec un CA de 745 millions d'euros, il écrase la concurrence: Critéo pèse 43% du chiffre d'affaires total des 25 acteurs les plus performants de son secteur. Autre succès notable, le groupe Teads, ancien E-Buzzing, dégage un chiffre d'affaires en nette hausse, à 77 millions d'euros. Son PDG Pierre Chappaz, qui ambitionne de s'introduire sur le Nasdaq au second semestre 2015, a réussi son virage stratégique, marqué par la vente de la plateforme Oberblog au secteur Digital du Groupe Fimalac, pour se concentrer sur la monétisation des publicités vidéo sur la toile.

En revanche, les autres sociétés du classement connaissent des sorts moins enviables.

"La croissance contrastée des vingt entreprises leaders des services Internet, de +68% à -30%, montre que ce secteur est en pleine structuration, explique l'Afdel. Tous les acteurs de l'Internet ne se sont pas préparés aux nouveaux enjeux, notamment la montée en puissance des usages mobiles et la maîtrise de l'analyse des données".

L'évolution rapide du secteur de l'e-paiement, notamment sur le plan technologique, a aussi contraint plusieurs sociétés à des remises en question et à des restructurations. C'est le cas de BD Multimedia (-30% de CA), Rentabiliweb (+0% de CA) ou encore de Hi Media Group (-10% de CA), qui a finalisé une réorganisation complète en vue d'une cotation séparée de ses activités de publicité digitale et de solutions de paiement sur internet.

Quant aux plateformes de diffusion de contenus comme Deezer (12è sur 100, CA de 100 millions d'euros*), Dailymotion (34è sur 100, 40 millions d'euros) ou du réseau social Viadeo (52è sur 100, 28 millions d'euros), elles n'ont toujours pas trouvé un modèle économique pérenne dans un contexte très concurrentiel.

De fortes disparités dans le logiciel

Grands gagnants de ce "Top 100 digital", les éditeurs de logiciels se taillent la plus grosse part du gâteau. Ils représentent ainsi 5,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit 61% des revenus du top 100, et une croissance spectaculaire d'un tiers en quatre ans. Leur bonne santé est liée à l'excellence française dans les domaines du cloud et du data, mais aussi dans le SaaS [logiciel en tant que service, ndlr], qui progresse de 15% en un an.

"L'activité logicielle est devenue l'un des principaux vecteurs de création de valeur de l'économie française, explique Pierre Marty, associé au cabinet de conseil Pwc. Les entreprises et les organisations repensent leurs offres de produits et services à partir des promesses de la technologie, en particulier dans la création, la capture et l'exploitation de données".

Mais si de plus en plus de startups se lancent dans le logiciel et que les acteurs déjà installés améliorent leur chiffre d'affaires de 10% en moyenne, la domination de Dassault Systèmes tend à relativiser ces performances. Comme Criteo dans les services Internet, le leader incontesté du classement se détache de très loin. Dassault Systèmes, qui investit notamment dans l'usine du futur, représente ainsi, à lui seul, 30,8% du chiffre d'affaires global de l'industrie française du logiciel, estimé à 6,5 milliards d'euros ! Ou comment une seule entreprise éclipse un écosystème composé de 2500 éditeurs.

Le défi de la taille et du financement

Les rangs des "gros", ces entreprises qui dégagent un chiffre d'affaires colossal et rachètent des startups à tour de bras, peinent à s'étoffer. Les marges de progression des secteurs du logiciel et des services Internet sont pourtant énormes. Surtout si on prend en compte les bouleversements liés aux innovations technologiques que sont le cloud, le data ou encore les objets connectés, qui créent de nouvelles opportunités.

Pour de nombreuses entreprises et startups du digital, le principal obstacle reste le financement. Les entreprises françaises peinent à lever des fonds pour accompagner leur croissance. Pour les chefs d'entreprises réunis à l'occasion d'une conférence-débat après l'annonce du palmarès, le véritable problème vient de la frilosité des investisseurs du secteur privé.

"Pour exister et grandir dans de bonnes conditions, il faut atteindre une taille critique en devenant une ETI, explique Olivier Novasque, le président de Sidetrade, un éditeur de logiciel en mode SaaS classé 100è. Le problème est qu'il est extrêmement difficile pour les petites et moyennes entreprises de lever des fonds en France. Même si les entrepreneurs sont bien accompagnés au moment de la création de leur startup, il manque des fonds d'investissements privés, des business angels qui posent plusieurs millions d'euros sur la table, et des entreprises françaises suffisamment fortes pour les racheter, comme cela se passe aux Etats-Unis".

Appel au secteur privé

Pourtant, aux côtés des nombreuses initiatives du secteur public comme La French Tech, les incubateurs de startups, les dispositifs d'aide aux entreprises comme le Crédit impôt recherche et le statut de Jeune Entreprises Innovantes, ou encore l'action de la BPI, qui va injecter 8 milliards d'euros dans l'économie française d'ici à 2017 grâce à ses différents programmes d'investissements, le secteur privé se réveille. De plus en plus de vedettes du CAC 40 comme Orange, Vinci, Total, Axa ou Air Liquide, ainsi des grandes entreprises internationales comme Microsoft avec son programme d'incubation et d'accélération Microsoft Ventures, n'hésitent plus à soutenir des jeunes pousses.

Des efforts louables mais insuffisants selon de nombreux entrepreneurs, qui pointent du doigt la difficulté du deuxième ou du troisième tour de table. La BPI le sait, elle qui a lancé en 2014 le fonds Large Venture, destiné aux opérations de capital-risque de plus de 10 millions d'euros.

"La France est un eldorado pour créer des startups, c'est le premier écosystème d'Europe, a rappelé mercredi soir Paul-François Fournier, directeur exécutif de la direction Innovation de BPI France. Notre industrie du capital-risque se structure, mais il est vrai qu'il faut faire bouger les lignes pour obtenir des levées de fonds plus importantes. En espérant que l'initiative de la BPI va lever certains freins dans le secteur privé.

*Deezer a contesté auprès de l'Afdel le montant de son chiffre d'affaires.

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