Pinterest, Instagram, Facebook… les réseaux sociaux à l’assaut du commerce en ligne

L’application américaine Pinterest, qui permet d’épingler des photos liées à ses centres d’intérêts, se lance dans le commerce en ligne avec l’introduction, pour l’heure uniquement aux Etats-Unis, d’une épingle "acheter" sur plus de deux millions de produits. Twitter et Instagram, notamment, développent des services similaires. Une tendance de fond qui voit ces plateformes tenter de monétiser leur audience et les données qu’elles possèdent pour pérenniser leur modèle économique.
Sylvain Rolland
L’objectif de Pinterest est avant tout d’attirer les annonceurs… et de les inciter à investir davantage dans la publicité.
L’objectif de Pinterest est avant tout d’attirer les annonceurs… et de les inciter à investir davantage dans la publicité. (Crédits : AFP)

La frontière entre réseau social et site marchand devient de plus en plus floue. Ce mercredi, l'application américaine Pinterest, qui permet d'épingler sur son profil des photos liées à ses centres d'intérêts, a carrément franchi le Rubicon.

Le réseau social aux 70 millions d'utilisateurs dans le monde va ajouter "dans les prochaines semaines" des "épingles e-commerce" sur la page de grandes marques et de vendeurs indépendants. Si l'utilisateur découvre un produit qu'il désire acheter, il lui suffira d'appuyer sur l'épingle « Buy it » et le paiement s'effectuera via le système Apple Pay ou sa carte de crédit. Le tout sans quitter l'appli.

Admirer, partager... et acheter

Dès le lancement, plus de deux millions de produits seront équipés de l'épingle bleue permettant de déclencher l'achat. "C'est un moyen simple et sécurité d'acheter des produits directement depuis Pinterest", expliquait Ben Silbermann, le co-fondateur et patron de la société, lors de la présentation du service, mardi soir à San Francisco.

Les produits proposés à la vente seront issus de partenariats que le réseau social a noué avec des grandes marques comme les chaînes Macy's, Neiman Marcus ou encore Nordstrom. Des commerçants indépendants et des spécialistes du commerce en ligne comme Shopify seront aussi de la partie. Ils permettront à la nouvelle épingle d'être utilisée par des milliers de marques locales aux Etats-Unis.

Pour encourager l'achat, Pinterest mettra en ligne un moteur de recherche interne qui classera les produits par prix. Pour l'heure, seuls les utilisateurs situés aux Etats-Unis et surfant sur un iPhone ou un iPad pourront utiliser le service. La firme fait miroiter des versions adaptées aux ordinateurs et aux appareils mobiles utilisant Android, le système d'exploitation de Google, mais sans donner de calendrier. Idem pour un éventuel développement à l'international.

Bien évidemment, le réseau social se défend de tout opportunisme mercantiliste. L'ajout de l'épingle "acheter" serait une demande du public, selon Ben Silbermann. La firme précise que 93% des utilisateurs actifs utiliseraient l'application pour prévoir des achats, et 87% auraient déjà acheté un produit après l'avoir vu sur Pinterest. Si le public le veut...

Une opportunité en or pour les marques

Greg Zemor, le co-fondateur et directeur de Neteven, qui fournit du conseil pour la stratégie e-commerce des entreprises l'affirme :

"La démarche est logique. Avec Instagram, Pinterest s'affiche probablement comme le réseau social le plus adapté pour basculer dans le commerce en ligne".

Ce n'est pas un hasard si Pinterest est pris d'assaut par les marques davantage que n'importe quel autre réseau social. La plateforme fonctionne sur l'image que ses membres veulent se donner et transmettre aux autres. C'est une vitrine qui permet à chacun d'afficher ses goûts, les endroits qu'il visite et les produits qu'il aime. Une cible de choix pour les entreprises, qui ne se privent pas, elles aussi, de mettre en scène leurs produits sur leur propre page.

Le magot que représentent les 70 millions d'utilisateurs les fait donc saliver. Notamment dans le secteur de l'alimentaire: les photos d'anonymes ingurgitant de la nourriture représentent la première catégorie de contenus postés sur le réseau social. Les marques de vêtements peuvent aussi se frotter les mains. Quelle meilleure publicité que tous ces corps exhibant fièrement leurs derniers achats ?

En plus d'être gigantesque, l'audience du réseau social a aussi l'immense qualité, aux yeux des publicitaires, d'être très facilement identifiable. La moitié des utilisateurs a des enfants, soit 35 millions de personnes. Encore mieux: 80% des membres sont des femmes, avec un pouvoir d'achat supérieur à la moyenne aux Etats-Unis. Le rêve des publicitaires, comme l'explique Greg Zemor :

"Les marques s'intéressent de plus en plus à la multiplication de leur canaux de vente et de marketing. L'histoire des marques sur Internet montre qu'elles ont commencé par vendre sur leur propre site. Puis, elles se sont étendues sur les places de marché transactionnel, comme La Redoute pour le textile, ce qui leur a permis de démultiplier leur volume de vente. Désormais, les réseaux sociaux, riches de millions d'utilisateurs dont on peut connaître les goûts et les habitudes de consommation grâce à leurs données personnelles, représentent une opportunité assez formidable pour les marques".

Du gagnant-gagnant, donc. A la fois pour la marque, qui pourra bénéficier de l'effet "coup de cœur" sur Pinterest, et aussi pour le réseau social, qui trouve là un moyen, en théorie, de conserver ses utilisateurs plus longtemps sur sa plateforme... et donc d'améliorer son audience et ses revenus publicitaires.

Pas de commission, mais davantage de publicité

Du côté de Pinterest, les enjeux sont sensiblement différents. La startup promet que le système d'achat en ligne n'occasionnera aucun frais pour les internautes comme pour les commerçants. Car l'objectif est avant tout d'attirer les annonceurs... et de les inciter à investir davantage dans la publicité.

La raison est simple : le modèle économique de Pinterest repose intégralement sur la publicité depuis son introduction, l'an dernier. Avec succès, puisque l'entreprise a été valorisée à près de 11 milliards de dollars lors de son dernier tour de table, mi-mars. Mais si Pinterest reste l'une des startups les plus en vue de la Silicon Valley et pourrait envisager bientôt une entrée en bourse, la pression de pérenniser son modèle économique se fait forte.

Les rois des réseaux sociaux que sont Facebook, Pinterest, Instagram, Twitter ou encore Snapchat sont prêts à tout pour retenir leurs membres le plus longtemps possible sur leur plateforme, et donc engranger davantage de revenus publicitaires. Avant Pinterest, Facebook et Twitter ont déjà testé, dès l'été dernier, leurs propres boutons "acheter", intégrés à certaines publicités. Ce mardi, Instragram, filiale de Facebook et concurrent de Pinterest, a lui aussi annoncé vouloir mettre en place sa propre option d'achat direct "dans les prochains jours".

"Les valorisations à coups de milliards de dollars de Pinterest, Facebook, Twitter, Instagram ou Snapchat, des startups qui dégagent peu ou pas du tout de bénéfices, leur mettent la pression, confie Thomas Husson, analyste chez Forrester Europe. Ils doivent à la fois prouver leur valeur publicitaire, leur capacité à attirer toujours plus d'annonceurs, mais aussi mieux monétiser leur gigantesque audience. Avec l'objectif de consolider leur modèle économique à l'heure où beaucoup s'interrogent sur leur surévaluation par les marchés."

Le passage au e-commerce, un risque pour les réseaux sociaux

Cette tendance de fond devrait encore fragmenter l'écosystème du commerce en ligne. Mais les réseaux sociaux pourraient-ils menacer les Amazon et autres Showroomprivé qui dominent actuellement le marché ?

Matthieu Aubusson, analuse Digital Services au cabinet de conseil PwC, ne le croit pas.

"Pinterest, Snapchat, Facebook et Twitter sont avant tout des réseaux sociaux. Leur succès repose sur les interactions sociales, ils ne peuvent bouleverser complètement leur business model pour entrer en collision avec les mastodontes du e-commerce. Ils pourront leur grignoter des parts de marché, oui, mais à une petite échelle".

Pour Greg Zemor, la diversification des activités des réseaux sociaux dans le e-commerce, le paiement en ligne ou dans la presse, à l'image de Facebook qui s'apprête à lancer Instant Article pour permettre à ses membres de lire la presse sans quitter le site, nécessite beaucoup de prudence.

"Convertir des visiteurs en acheteurs est un réel challenge. L'ajout de services marchands est un risque car les réseaux sociaux pourraient y perdre leur ADN. Lorsque Facebook a lancé aux Etats-Unis le Facebook Store -qui n'a pas été un succès-, beaucoup de personnes se sont désinscrites. Il est possible que le succès des réseaux sociaux soit lié au fait qu'ils n'aient rien à vendre".

Tout l'enjeu pour Pinterest et les autres sera donc de réussir leur transformation d'un simple réseau social en un véritable écosystème, qui offre des services divers, sans perdre leur identité. Pour cela, ils devront aussi convaincre leurs utilisateurs de leur crédibilité en tant que vendeurs. Selon une enquête menée par l'institut Harris Interactive, les réseaux sociaux n'inspirent toujours pas la confiance des consommateurs. 42% des utilisateurs de Facebook et de Twitter effectueraient bien des achats via ces réseaux sociaux... s'ils étaient sûrs de la sécurité des informations de leur carte de crédit.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 16/03/2017 à 17:38
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Bonjour, Article très intéressant. Je souhaite partager et recommander un site en particulier: RealFollowers.fr, lequel ma permis d'acheter des followers Instagram sans soucis et surtout sans pertes de followers. Vous pouvez tester le servi...

à écrit le 11/06/2016 à 1:51
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Tres bon article, a vrai dire c'est difficile de se faire demarquer face a des millions de profils et publications.. selon mon experience que je me permet de partager avec vous.. faut un petit coup de pouce. En ce qui me concerne, j'étais septiqu...

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