Yves Riesel, Qobuz : "Il faut sortir du système soviétique de Deezer et Spotify"

Le destin du service français d'écoute de musique en ligne Qobuz, en redressement judiciaire, repose dans les mains du tribunal de commerce de Paris. Yves Riesel, son cofondateur et président du directoire, explique sans détour à "La Tribune" les difficultés Qobuz et sa vision du marché du streaming musical.
Sylvain Rolland
Yves Riesel, le co-fondateur et président du Directoire de Qobuz, critique le manque de maturité du secteur du streaming musical en France.

A 57 ans, Yves Riesel ne s'embarrasse plus du politiquement correct. Pas sûr, d'ailleurs, qu'il s'en soit déjà soucié. Producteur et distributeur de musique depuis les années 1980, ce mélomane aux goûts éclectiques -classique, rock, jazz, chanson française, électro, musiques du monde- et à la culture encyclopédique, se bat pour préserver la richesse du "patrimoine musical" à l'heure de la révolution digitale, qui change radicalement la consommation de la musique.

Farouche défenseur des labels indépendants, l'ancien vice-président du Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), également chevalier des Arts et des Lettres depuis 2011, considère le numérique comme "une chance incroyable" pour l'industrie de la musique. A condition, selon lui, de "domestiquer la technique". Et de créer plusieurs modèles économiques dans le streaming musical, aujourd'hui dominé par des plateformes comme le français Deezer, le suédois Spotify et l'américain Apple Music. "Des services qui proposent tous la même chose au même prix, qui considèrent la musique comme un business et non comme un patrimoine et qui ne s'adressent pas aux passionnés", tacle-t-il.

Depuis 2008, Qobuz, le service qu'il a créé avec son ami Alexandre Leforestier, joue une autre partition. Son slogan annonce la couleur : "Vos goûts ne sont pas ceux de tout le monde, les nôtres non plus". Pour se distinguer et survivre dans un marché embouteillé, Qobuz mise sur la qualité du son, la combinaison streaming/téléchargement, un parti pris éditorial qui favorise les artistes indépendants, et plusieurs types d'abonnements, de 9,99€ par mois à 219 euros par an.

Malgré la forte progression de son chiffre d'affaires (+55% sur un an) et de son nombre d'abonnés en 2015, Qobuz n'a pas réussi à lever les "quelques millions d'euros" nécessaires à son développement. A court d'argent dans un contexte où même les leaders du secteur peinent à atteindre la rentabilité, Qobuz a été placé en redressement judiciaire début novembre. Désormais, son destin repose entre les mains du tribunal de commerce de Paris, qui tranchera d'ici à la mi-décembre entre quatre offres de reprise.

Yves Riesel revient pour La Tribune sur l'histoire de Qobuz, ses difficultés et sa vision de l'industrie du streaming musical. Un entretien sans langue de bois.

LA TRIBUNE - Après une procédure de sauvegarde d'un an, Qobuz a été placé en redressement judiciaire le 9 novembre. Depuis, quatre repreneurs potentiels se sont manifestés. Mais si le tribunal n'en retient aucune, Qobuz risque de mettre la clé sous la porte. Que pensez-vous de ces quatre offres ?

YVES RIESEL - J'espère que le tribunal de commerce, qui devrait se réunir à la mi-décembre, en choisira une. Et de préférence, l'une des deux que nous considérons comme bonnes. La situation est simple : deux repreneurs potentiels ont compris nos valeurs, notre esprit, notre modèle économique, et veulent investir de manière raisonnable, tout en reprenant l'intégralité ou presque des 37 employés et des deux dirigeants.

A l'inverse, les deux autres propositions sont carrément insultantes. Ce sont des gens qui disent qu'ils adorent ce qu'on fait mais ils veulent le faire avec cinq personnes. Ce n'est pas très correct. Dans cette histoire, mon devenir m'importe peu. Le repreneur travaillera avec moi s'il le souhaite, mais je n'irai pas travailler avec quelqu'un qui détruira la boîte. Je serai parano jusqu'au moment où le tribunal fera son choix.

Dans tous les cas est-ce la fin du Qobuz tel qu'il existe aujourd'hui ?

Je ne pense pas. Si le tribunal retient l'une des deux offres que nous soutenons, la transition se fera sans douleur pour les utilisateurs et Qobuz ne perdra pas son âme. Bien sûr, l'idéal aurait été, dans le cadre de la procédure de sauvegarde, de trouver quelqu'un qui recapitalise la société à hauteur de 11 millions d'euros. Mais nous n'avons pas réussi à lever ces fonds, indispensables pour notre développement et pour atteindre la rentabilité.

Atteindre la rentabilité dans le secteur du streaming musical est très difficile, même pour les leaders que sont Spotify est Deezer. Le modèle économique de Qobuz, qui revendique 21.266 abonnés et plus de 100.000 utilisateurs actifs par mois contre 6,3 millions d'abonnés pour Deezer et 16 millions pour Spotify, est-il viable ?

Absolument ! J'en suis persuadé, et nos éventuels repreneurs aussi. Nous ne proposons pas du tout le même service. Qobuz est une plateforme de streaming haut de gamme, qui s'adresse à une minorité de passionnés, un public exigeant mais prêt à payer, parfois beaucoup, pour écouter de la musique. Nous l'attirons avec la meilleure qualité d'écoute du marché, un son qualité CD et haute définition. L'utilisateur peut aussi payer pour télécharger de la musique en excellente qualité, ce qui séduit ceux qui conservent un attachement aux supports physiques. Nous proposons aussi un catalogue riche, exigeant, basé sur une curation approfondie dans chaque secteur -musique classique, rock, électro, chanson française etc-, pour suggérer des titres pertinents et personnalisés de manière beaucoup plus fine que ce qui se fait sur les services concurrents. Pas de risque qu'on vous propose du Justin Bieber si vous aimez le jazz !

Cette qualité globale, unique sur le marché, se paie. Contrairement à ce que le redressement judiciaire suggère, notre modèle fonctionne ! Sur l'exercice 2014-2015, notre chiffre d'affaires a progressé de 55%, à 7,4 millions d'euros. Et malgré nos problèmes, nous recrutons de nouveaux abonnés tous les jours.

Comme la concurrence, nous proposons un forfait premium à 9,99€, mais la moitié de nos abonnés souscrit au forfait Qobuz Hifi, à 19,99€ par mois. 18% paient même le forfait Qobuz Sublime, à 219 euros par an, qui leur permet aussi de payer moins cher des téléchargements. Par conséquent, notre ARPU [revenu moyen par utilisateur actif, NDLR], qui comprend aussi les utilisateurs qui paient occasionnellement mais ne sont pas abonnés, est très élevé : 106 euros par an. Il atteint même 909 euros pour les abonnés à l'offre Qobuz Sublime. C'est considérable, quatre à six fois supérieur au marché ! Nos 22.000 paires d'oreilles abonnées sont certes peu nombreuses, mais elles paient. Notre modèle est créateur de valeur.

Dans ce cas, pourquoi n'arrivez-vous pas à être rentable ?

Pour être rentable, il nous faut atteindre un seuil critique d'utilisateurs. Dans notre cas, nous n'avons pas besoin de millions d'abonnés car notre revenu moyen par utilisateur est très fort, il soutient notre modèle économique. Mais il nous faut davantage qu'une centaine de milliers d'utilisateurs et 22.000 abonnés. Pour cela, il faut aller dans plusieurs pays car on ne peut se restreindre au marché national, et faire beaucoup de marketing et de communication, comme l'a fait Deezer.

Aujourd'hui, nous sommes présents dans neuf pays, c'est une taille de marché où Qobuz peut être rentable. Reste à investir dans le marketing pour gagner des clients. Mais comme nous n'arrivons pas à lever les quelques millions d'euros qui nous manquent, nous continuons à perdre de l'argent. C'est comme si j'avais une très belle voiture qui peut aller à 220 km/h, mais plus de carburant, donc je roule à 20km/h sur l'autoroute. C'est ce qui nous arrive depuis 2012. Cela nous handicape énormément.

Pourquoi les investisseurs ne croient-ils pas en votre modèle ?

La force de Qobuz est sa différence, mais cela fait peur aux investisseurs. Spotify lève plus de 500 millions d'euros car il s'adresse au grand public. Deezer, c'est la même chose. Nous, nous faisons le choix de la segmentation -les passionnés de musique à fort pouvoir d'achat- et du haut de gamme. Nous sommes et nous voulons rester une PME de l'industrie musicale.

En réalité, le problème de Qobuz le dépasse. Notre problème, c'est celui du financement des sociétés culturelles de taille intermédiaire ayant rapport avec l'Internet. C'est celui du financement de la musique en général et de la musique en ligne en particulier. Comme nous ne prétendons pas faire gagner des milliards à nos investisseurs avec un projet à la con destiné à tout le monde, personne ne veut nous financer. Aujourd'hui, nous vivons dans une ère où il faut être une startup "disruptive" qui promet la lune à ses investisseurs pour espérer lever des fonds. C'est navrant.

Le tout payant représente-t-il un frein pour attirer les investisseurs dans un marché qui n'est pas encore arrivé à maturité et où le gratuit domine toujours dans l'usage ?

Oui. Qobuz est trop en avance par rapport au marché. Notre projet est de "seconde génération". Il est viable dans un contexte où il est établi que l'accès à la musique se paie. Ce n'était pas le cas en 2008, l'année de notre création. Je pensais que cela arriverait vers 2010-2011, mais malheureusement, le marché a évolué très lentement. Le consentement à payer pour écouter de la musique commence à peine à entrer dans les mœurs. Le marché de la musique en ligne est encore terriblement immature, alors qu'il existe une clientèle prête à payer.

44% des utilisateurs de Qobuz ont entre 40 et 60 ans. C'est un chiffre très surprenant étant donné que vos concurrents attirent surtout des jeunes...

Dans quelques années, tout le monde consentira à payer pour écouter de la musique. Mais aujourd'hui, ceux qui sont le plus disposés à le faire sont les 40-60 ans. Ce sont des gens qui achetaient de la musique dans les GSS, les Grandes Surfaces Spécialisées comme la Fnac. A la grande époque du disque à la Fnac, chaque rayon était excellent, avec beaucoup de choix et des conseils avisés. La Fnac était un multi-spécialiste. Vous pouviez aller très profond en classique, en hard rock, et ainsi de suite. Aujourd'hui, c'est fini. A la fois à la Fnac, mais aussi sur les nouvelles plateformes de musique en ligne.

Nous, on est un peu la Fnac d'avant, mais au XXIe siècle numérique. L'immaturité et l'illisibilité du marché du streaming vient en partie du manque de culture musicale des Deezer et Spotify. Ces entreprises ont été créées par des petits jeunes, pas du tout mélomanes, pas du tout issus du monde de la musique. Cela m'a stupéfait. J'avais l'impression de voir des fans de base qui créent un service de musique en ligne basé sur des algorithmes et plein de technologies, mais sans aucun regard critique ni aucune connaissance des modèles économiques de la production musicale.

Que leur reprochez-vous exactement ? De proposer les mêmes services au même prix et d'avoir longtemps privilégié le gratuit ?

Tout à fait. Ils confondent le mode d'usage et le modèle économique de la musique en ligne. Le streaming, c'est-à-dire le stockage de la musique dans le nuage informatique et l'accès à la demande, est à l'évidence le mode d'usage du futur. Mais à l'intérieur du streaming, il doit y avoir des modèles économiques différents. Or, les services actuels proposent tous une offre à 9,99€ pour un accès illimité. Où sont les offres segmentées, les services spécialisés dans certains genres de musique, les offres haut de gamme ?

Quand on veut acheter des chaussures, on a le choix entre la paire à 400€ fabriquée en Italie avec des matériaux de qualité, et la production de grande série réalisée en Asie du Sud-Est. Je schématise, mais c'est l'idée. Partout, le consommateur a du choix. Dans la musique en ligne, nous sommes les seuls à détonner, à proposer un modèle différent. Il existe une sorte de pensée unique sur le modèle économique du streaming musical. Par conséquent, nous avons toutes les peines du monde à trouver des investisseurs.

Comment avez-vous financé Qobuz jusqu'à présent ?

Le fonds Innovacom nous a aidé à nous lancer en 2008, et le fonds Sigma Gestion nous a rejoint en 2012. Au total, nous avons été financés à hauteur de 13 millions d'euros. Ce n'est pas mal, mais rien en comparaison des centaines de millions d'euros engloutis par Spotify et Deezer.

Il est désolant que personne n'ait pris le relais des fonds qui nous ont soutenus. D'autant plus que le soutien de nos utilisateurs n'a jamais été aussi important. Le mois de novembre est d'ailleurs le meilleur de l'histoire de Qobuz, avec un chiffre d'affaires encore en progression.

Deezer a été créé en 2007, Qobuz en 2008. Souffrez-vous d'être arrivé en deuxième position ? Votre notoriété est très faible si on la compare à celle de Deezer.

On a en souffert pendant longtemps. D'autant plus qu'on ne se battait pas à armes égales. Déjà, la presse a fait de Deezer son chouchou dès le début. Ensuite, Deezer a bénéficié d'une énorme exposition grâce à son partenariat avec Orange, depuis 2010, qui lui a apporté des millions d'abonnés sur un plateau. C'est d'ailleurs un vrai scandale. A l'époque, Deezer était à bouts de capitaux, un peu comme nous aujourd'hui. C'est une instruction politique qui a envoyé Deezer chez Orange. Nous aussi on discutait avec eux, mais du jour au lendemain, nos discussions ont été interrompues.

Je pense que ce partenariat a handicapé le secteur. Deezer et Orange ont cannibalisé le marché en donnant la musique gratuitement, pendant des années, à certains abonnés Orange. Du coup, ils ont ralenti l'évolution naturelle du marché vers le consentement à payer. Beaucoup de services sont morts à cause de cette concurrence déloyale. Beaucoup de nouveaux acteurs ne se sont pas créés non plus. Si les marchés anglais et allemand du streaming sont plus développés que le marché français, c'est parce qu'ils n'ont pas eu un Deezer dans leur pays.

Pourtant, proposer un service de streaming dans le cadre d'un forfait téléphone-Internet-télévision a du sens pour évangéliser le marché. Etes-vous juste déçu de ne pas en profiter ?

Le problème n'est pas les partenariats entre les opérateurs télécoms et les plateformes de streaming, mais l'absence de choix. Récemment, nous avons fait une enquête sur la consommation de la musique en ligne. Beaucoup d'utilisateurs disent qu'ils utilisent peu le service auquel ils ont accès avec leur abonnement télécoms. Ce n'est donc pas si apprécié que ça.

Seriez-vous contre un partenariat avec un opérateur télécom ?

Je n'ai pas dit ça. Qobuz est très bon sur le très haut-de-gamme. Mais nous n'avons pas les moyens de nous battre sur l'offre à 9,99 euros. Si un opérateur voulait un service à 9,99 euros, mais de meilleure qualité que les autres, on serait ravis de le faire.

Récemment, SFR a lancé Zive, sa propre plateforme de streaming vidéo pour concurrencer Netflix et CanalPlay. Evidemment, cette initiative concerne le streaming vidéo et non le streaming musical. Mais la démarche révèle la volonté de SFR de ne pas recourir aux acteurs traditionnels et de développer sa propre plateforme en interne. Craignez-vous que les opérateurs télécoms soient tentés de faire la même chose pour le streaming musical ?

Les opérateurs télécoms ont beaucoup de clients, mais ils n'ont pas l'expertise de la musique ni de la vidéo. Donc je ne pense pas que le développement de plateformes internes se généralise. En revanche, ils veulent proposer à leurs abonnés de plus en plus de contenus. SFR propose même de la presse maintenant [L'Express à certains abonnés, NDLR].

Je pense qu'à l'avenir, les opérateurs télécoms devront rompre avec la logique du partenariat exclusif avec Deezer pour Orange, Spotify pour Bouygues et Napster pour SFR. Car lorsque le consentement à payer pour écouter de la musique et regarder un film sera acté, et c'est pour bientôt, le consommateur voudra avoir le choix. Sa question sera : quel service vais-je choisir ?

Si son opérateur ne lui propose qu'un seul choix, cela ne va pas lui plaire. A ce moment-là, notre stratégie payera. Les opérateurs télécoms devront proposer plusieurs services de streaming à leurs abonnés. Il faut sortir du régime soviétique dans lequel tout le monde écoute Deezer ou Spotify pour entrer dans un monde où le consommateur a vraiment le choix.

Pourquoi les consommateurs aspireraient-ils à davantage de choix si Deezer, Spotify, Apple Music, Tidal ou tous les autres services similaires leur apportent satisfaction ? L'amélioration constante de leurs algorithmes de prédiction et de recommandation vise justement à adapter l'offre de musique aux goûts de chacun.

Mais non ! Spotify, Deezer et consorts sont des services conçus pour le grand public. Quand vous les utilisez, on ne vous propose pas uniquement la musique qui vous plaît ! Comme ils s'adressent au grand public, ils mettent en avant les artistes des grands studios et les morceaux les plus populaires. Si j'écoute Sydney Bechet, Adamo, du rap américain et du tango, j'en ai rien à cirer qu'on me propose Rihanna et Justin Bieber ! Il n'y a aucune vraie segmentation dans ces services, ce qui révèle l'immaturité du marché.

Ces derniers mois, de nombreux nouveaux acteurs sont apparus. Tidal, du rappeur Jay-Z, Apple Music, et même des services de géants de la grande distribution comme E.Leclerc. Qu'en pensez-vous ?

Ce sont plus des concurrents pour Deezer et Spotify que pour Qobuz, car ils proposent exactement la même chose qu'eux. Ces nouveaux acteurs pensent que le marché semble promis à un bel avenir, alors ils veulent une part du gâteau et proposent la même soupe.

Je lis ici où là qu'il y aurait trop de services de streaming musical aujourd'hui. Au contraire, je pense qu'il n'y en a pas assez et qu'il y en aura encore davantage dans le futur. L'enjeu est de proposer des offres différentes, pour donner le choix au public et l'encourager à payer. Quand Spotify était au sommet de sa gloire, il y a deux ans, certains disaient qu'il deviendrait l'OS musical du monde entier. Quelle connerie ! Comme dans tous les autres secteurs économiques, celui de la musique en ligne devra se diversifier pour réaliser son potentiel.

L'arrivée d'Apple Music, le 1er juillet, a fait peur aux leaders du secteur, Deezer et Spotify, en raison du nombre phénoménal de clients Apple et de sa force de frappe commerciale. En quatre mois, Apple Music a même doublé Deezer. Avez-vous constaté un impact sur Qobuz ?

Je suis ravi de l'arrivée d'Apple Music ! Apple a un gros défaut : ils font payer tout le monde. Pas de gratuité chez eux. Et c'est formidable pour nous, et pour le secteur de la musique en ligne en général. Ils sont très bons camarades pour établir le consentement à payer chez les utilisateurs. Je ne pense pas qu'Apple Music soit vraiment dangereux, y compris pour Deezer et Spotify. Ils vont surtout convertir de nouvelles personnes au streaming et contribuer à imposer le payant. Que du bon, donc.

L'arrivée d'Apple Music ne vous a pas fait perdre d'abonnés ou ralenti le rythme de vos recrutements ? Ce serait très surprenant...

Si, bien sûr. Mais rien sur le long terme. J'étais très inquiet, évidemment. Lorsque Deezer s'est allié avec les enceintes Sonos, en mars, nous avons connu une stagnation du nombre d'abonnés. Le même phénomène s'est produit lorsque Tidal est arrivé, toujours en mars, et lorsqu'Apple Music s'est lancé, en juillet. Mais nos recrutements sont repartis à la hausse dès septembre. Les gens essaient, mais ils reviennent. Si le service est bon...

Revenons sur la technique. La recommandation de morceaux en fonction des goûts des utilisateurs est cruciale dans votre modèle économique, qui repose sur une offre différente. Comment vous-y prenez-vous ?

On utilise des algorithmes, comme tout le monde, mais pas uniquement. La clé, c'est la curation interne, réalisée par des gens qui s'y connaissent et qui aiment la musique, pas des businessmen de 30 ans. Sur Qobuz, si vous aimez Léo Ferré et Glen More, on va vous proposer du Gilles Servat, du Morice Benin ou du Maurice Fanon. On essaie de vous faire découvrir des choses. Sur Deezer et Spotify, n'y comptez pas ! Pour séduire les mélomanes et leur faire écouter des choses qu'ils sont susceptibles d'aimer, il faut bien s'y connaître. Le métier de Qobuz, c'est de faire plaisir aux amateurs de musique, et pour cela, il faut des algorithmes ET une bonne curation.

Vous ne croyez pas au potentiel d'amélioration des algorithmes ?

Honnêtement, Qobuz est assez faible sur les algorithmes. Je ne crois pas qu'ils soient très efficaces. La technique doit être domestiquée, ce n'est pas la solution à tout. La technologie est formidable, mais on ne doit pas perdre de vue que rien ne remplace l'humain.

Je crois très profondément que la musique est une industrie de l'offre, pas de la demande. L'intérêt de la musique en ligne n'est pas d'écouter en boucle les mêmes artistes et de recevoir des recommandations sans surprise basées sur ce que tout le monde écoute, mais d'utiliser les goûts de chacun pour découvrir autre chose, ouvrir ses horizons.

Propos recueillis par Sylvain Rolland

Sylvain Rolland

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Commentaires 11
à écrit le 10/09/2016 à 13:36
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Bonjour, C’est certain avec Qobuz la qualité est là mais j’aimerai quand même écouter les disques que je choisis !! Car entre ceux dont les auteurs ne souhaitent pas diffuser sur le site, les écoutes partielles et les disques dont on ne peut écoute...

à écrit le 25/06/2016 à 0:42
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Quand je lis un monsieur se vanter du fait qu'il a une installation valant le prix d'une voiture mais affirmant qu'il n'est pas prêt à payer le prix pour écouter autre chose que du MP3, je ris. Equipé en haut-parleurs Focal Utopia Be alimentés en am...

à écrit le 16/12/2015 à 0:03
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"un public exigeant mais prêt à payer, parfois beaucoup, pour écouter de la musique" C'est peut être ça le problème... je fais parti de ces passionnés qui ont investi parfois le prix d'une voiture dans leur installation , mais ça ne signifie pas p...

le 18/12/2015 à 19:00
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Bonjour Monsieur, Là vous m’intéressez! Les pistes sont à votre avis toujours en 24/192? J'ai lu que visiblement c'est pas toujours le cas à la source? Entendez-vous sur votre chaîne au prix d'une voiture la différence entre un 16/44.1 et un 24/...

à écrit le 06/12/2015 à 9:54
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Plutôt que critiquer la concurrence, il ferait mieux de se remettre un peu plus en question, si il y a quelque chose datant de l'ère soviétique, c'est bien leur site et leur app mobile. Dommage, mais ce naufrage n'est pas surprenant, depuis que j'ai ...

à écrit le 06/12/2015 à 0:44
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C'est juste dommage pour Qobuz mais en même temps je n'ai pas envie de pleurer ce monsieur tellement il est irritant à mettre des batons dans les roues de Deezer et tellement ce que j'ai lu de ce qu'il a dit est la plupart du temps faux : - Si bea...

à écrit le 03/12/2015 à 23:08
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Ça s’appelle le capitalisme et il a tendance à éradiquer le petit patronat ! L'un de ces qques(!!!!) avantages par ailleurs. Bon j'y vais découvrir des titres sur soundcloud qui ne serai pas parvenue à l'oreille d'une centaine de personne sans ce ...

à écrit le 03/12/2015 à 21:47
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C'est dommage. Personnellement je préfère payer pour de la musique de qualité (et payer pour la culture en général), je n'aime pas cette idée de gratuité comme si tout était dû. J'ai 34 ans, j'ai profité de l'abonnement Orange avec Deezer inclus pend...

à écrit le 03/12/2015 à 14:30
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La croisade de YR est intéressante. Enfin... devrait l'être pour certains: comme le Ministère de la Culture... plutôt que de dépenser des millions à Versailles ou Place Vendôme... Dans le domaine qui m'intéresse, (bien éloigné de celui de Toto), le c...

à écrit le 03/12/2015 à 10:23
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Je trouve ce monsieur un peu pretentieux... il denigre Spotify et Deezer pour leur caractere grand public et non specialise. Et bien monsieur sachez que j'ecoute du Black Metal, une style de niche dans un style de niche a savoir le Metal et je trouv...

le 04/12/2015 à 0:30
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Pour le matériel et en réponse à Toto, j'au un lecteur HD à 200 euros (moins cher donc qu'un smartphone ou Ipod) et je n'écoute plus que du Flac parce que maintenant je sais qu'il n'y a pas photo avec du mp3. La musique, soit on l'entend, soit on l'é...

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