iPhone : Apple sur la voie de l'indépendance vis-à-vis de ses fournisseurs ?

InVisage Technologies, qui développe une technologie unique au monde de capteurs pour appareils photo. Il s'agit de la sixième emplette d'Apple dans le domaine des semi-conducteurs depuis 2008. Un signe de plus que la Pomme compte produire elle-même ses composants plutôt que de les acheter à prix d'or à ses fournisseurs ?
Sylvain Rolland
L'internalisation de la production des composants des smartphones va dans le sens de l'histoire pour tous les grands constructeurs, qu'il s'agisse d'Apple, mais aussi du sud-coréen Samsung ou du chinois Huawei.

Apple aurait tort de se priver : avec un trésor de guerre de 268,9 milliards (!) de dollars au troisième trimestre 2017, la firme de Cupertino peut bien se permettre quelques emplettes. Ce week-end, un porte-parole a confirmé au site Techcrunch sa dernière acquisition, la 54e depuis 2007 et l'arrivée de l'iPhone. Il s'agit de InVisage Technologies, une startup de la Silicon Valley spécialisée dans les capteurs photo.

Cet achat -dont le montant est tenu confidentiel- est intéressant à plus d'un titre. D'abord parce que sa technologie, basée sur des nanoparticules appelés "quantom dots", est unique au monde. Elle permet à la caméra de l'appareil photo d'obtenir une très bonne qualité d'image même lorsque la luminosité est très faible, ce qui est actuellement le point faible de nombreux smartphones, y compris ceux d'Apple.

Bouleversement à venir dans le monde des semi-conducteurs ?

Surtout, cette acquisition montre à nouveau la volonté d'Apple de se couper progressivement d'une grande partie de ses fournisseurs pour produire lui-même la majorité de ses composants. Ce qui pourrait bouleverser, à terme, le marché des semi-conducteurs. D'après l'institut Gartner, Apple est le 2e acheteur mondial de puces électroniques en 2016, juste derrière Samsung. La firme de Cupertino a dépensé 30 milliards de dollars en puces en 2016, soit 8,8% du marché total (9,3% pour Samsung).

     | Lire aussi. Les ventes d'iPhone X vont-elles résister aux "bad buzz" en série ?

Les atouts d'InVisage Technologies

Fondée en 2006, InVisage Technologies emploie une cinquantaine de personnes à Menlo Park, en Californie, et dans son usine de production, à Taïwan. La société commercialise le QuantumFilm, une technologie de capteur d'images capable de mieux absorber la lumière. Selon la startup, il s'agit d'une "couche photosensible" composé de "points quantiques" ou "quantum dots", c'est-à-dire des nanoparticules qui rendent ses capteurs plus sensibles, y compris en cas de très faible luminosité. Cette technologie est notamment utilisée dans certains téléviseurs haut-de-gamme pour mieux restituer les couleurs.

Le rachat de InVisage Technologies pourrait permettre à Apple de mieux maîtriser le circuit de production de son iPhone. Depuis 2011, la Pomme achète ses capteurs d'appareils photo à Sony Semiconductor, la référence de nombreux constructeurs de smartphones.

Maîtriser les composants, un levier d'innovation crucial

Cette stratégie de réduction de la dépendance d'Apple à ses fournisseurs de semi-conducteurs est déjà appliquée à d'autres composants. Il s'agit pour Apple d'un levier d'innovation crucial pour affirmer son leadership en terme de qualité et d'expérience utilisateur. Surtout à l'heure où les concurrents, notamment Samsung, montent en gamme et rivalisent sérieusement avec l'iPhone, quand ils ne le dépassent pas dans certains domaines. Par exemple, Samsung est régulièrement loué par la presse spécialisée pour la qualité de l'image et de la vidéo sur ses derniers smartphones, ainsi que ses innovations sur ses écrans, entre autres.

Avant InVisage Technologies, Apple a ainsi racheté ces dix dernières années pas moins de cinq startups dans le domaine des semi-conducteurs. Avec l'objectif d'intégrer leur technologie à ses produits. P.A Semi, acquise pour 278 millions de dollars en 2008, lui a permis d'améliorer la qualité de ses processeurs. Intrinsity, avalée en 2010 pour 121 millions de dollars, l'a aidé à améliorer l'efficacité des puces. Toujours en 2011, Apple a racheté pour 390 millions de dollars l'un de ses fournisseurs, l'israélien Anobit, afin d'augmenter la capacité de stockage des mémoires flash de ses iPhones. En 2013, Apple a mis la main, pour un montant non-dévoilé, sur Passif Semiconductor, spécialisé dans la conception de puces Bluethooth basse consommation.

Enfin, toujours en 2013, Apple a racheté l'israélien PrimeSence, spécialisé dans les capteurs de mouvements 3D. La firme s'est notamment servie de cette innovation pour développer le système d'authentification faciale et de déverrouillage de l'iPhone X. Un modèle considéré, malgré des retours utilisateurs mitigés, comme le plus innovant depuis le tout premier iPhone, en 2007.

     | Pour aller plus loin. iPhone X : Apple a-t-il relevé le défi de l'innovation ?

Apple est déjà un géant des semi-conducteurs

L'internalisation de la production des composants des smartphones va dans le sens de l'histoire pour tous les grands constructeurs, qu'il s'agisse d'Apple, mais aussi du sud-coréen Samsung ou du chinois Huawei. Ce qui donne des sueurs froides aux acteurs de l'industrie, dont la santé financière dépend en grande partie des monstrueuses commandes des géants des téléphones.

Pour les analystes, ce mouvement est non seulement logique, mais inéluctable. Selon IDC, les géants du Net ont pris conscience de l'absolue nécessité d'augmenter leurs capacités dans les semi-conducteurs pour s'adapter à l'ère de l'intelligence artificielle.

"Même si vous êtes Apple ou Google, l'important avec l'intelligence artificielle est de maîtriser les matériaux qui permettent de bâtir des algorithmes et des logiciels pour vos nouvelles applications, afin de construire votre écosystème dans lequel vous intégrez autant de partenaires que possible", explique Shirley Tsai, analyste pour IDC, citée par le Nikkei Asian Review.

Tim Cook, le Pdg d'Apple, ne s'en cache pas. La part de la firme dans les semi-conducteurs ne cesse d'ailleurs d'augmenter. Selon IC Insights, la Pomme était déjà, fin 2016, le 4è producteur mondial de puces électroniques, devant Nvidia et juste derrière les leaders mondiaux Qualcomm, Broadcom (le deuxième vient de lancer la plus grande OPA de l'histoire de la high tech sur le premier) et MediaTek. En un an, Apple a même amélioré son chiffre d'affaires dans les puces de 17%, signe d'une forte accélération de son activité dans le domaine.

Une mauvaise nouvelle pour ses fournisseurs

L'achat de InVision Technologies pourrait être une très mauvaise nouvelle pour Sony Semiconductor, qui lui fournit depuis 2011 ses capteurs d'image. Car une commande d'Apple équivaut à un gain considérable de chiffre d'affaires. Le franco-italien STMicroelectronics en est un bon exemple. Après avoir remporté un appel d'offres pour fabriquer pour Apple des imageurs 3D, l'entreprise a annoncé un milliard d'euros d'investissements dans ses capacités de production, notamment en Isère, en France.

D'autres ont connu la fortune inverse, à l'image d'Imagination Technologies. En avril dernier, Apple a annoncé la fin, à l'horizon 2018, de sa collaboration avec ce fournisseur de puces britannique car "Apple travaille indépendamment et séparément sur sa propre puce", d'après son propre communiqué. Problème : Imagination Technologies réalise près de la moitié de son chiffre d'affaires avec Apple, et son cours en Bourse s'est effondré de 60% le jour de l'annonce.

Sylvain Rolland

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