Jack Dorsey saura-t-il remettre Twitter sur le droit chemin ?

Après trois mois de suspense, Jack Dorsey, l’auteur du tout premier tweet et PDG par intérim depuis le départ de Dick Costolo, devrait prendre les rênes du réseau social. Sa tâche sera difficile : trouver un modèle économique clair et stimuler la croissance, au ralenti depuis le début de l’année.
Sylvain Rolland
Le nouveau patron de Twitter, déjà évincé du même poste en 2008, a été rappelé à la rescousse pour définir une stratégie de croissance claire, apte à rassurer les investisseurs inquiets.

C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures, paraît-il. C'est en tout cas la voie choisie par le réseau social Twitter, sans patron depuis trois mois et en pleine crise existentielle. Jack Dorsey, premier PDG de l'oiseau bleu de 2007 à 2010, est rappelé à la rescousse. Son intérim depuis l'éviction, fin juin, de son prédécesseur Dick Costolo, se transforme donc en poste permanent.

Twitter en pleine tempête

"Super Jack" aura du pain sur la planche, car Twitter traverse actuellement la crise la plus profonde de son histoire. Le réseau social n'arrive plus à séduire en masse de nouveaux utilisateurs, ni à installer un modèle économique pérenne, provoquant l'inquiétude de Wall Street.

Au deuxième trimestre, le réseau social affichait 304 millions d'utilisateurs actifs dans le monde, contre... 302 millions trois mois plus tôt. Une progression microscopique que Jack Dorsey lui-même qualifiait d' "inacceptable". Cette stagnation est d'autant plus embarrassante lorsqu'on compare Twitter avec ses concurrents Facebook (1,5 milliard d'utilisateurs au deuxième trimestre, 100 millions de plus par rapport au premier trimestre) et même Instagram, qui vient de franchir le palier symbolique des 400 millions d'utilisateurs à peine neuf mois après avoir atteint celui des 300 millions.

De quoi désespérer les investisseurs, d'autant plus que Twitter affichait une perte nette de 136,7 millions de dollars au deuxième trimestre, contre 144,6 millions de dollars un an plus tôt, et que son chiffre d'affaires progressait moins qu'au premier trimestre.

>> Lire : Départ de Dick Costolo : Twitter à la recherche d'un second souffle

Homme providentiel ou choix par défaut ?

La nomination de Jack Dorsey, qui doit encore être validée par le conseil d'administration, n'est pas une surprise. Les investisseurs, inquiets pour la santé de l'oiseau bleu au point que le titre retombait le 20 août à son niveau d'entrée en Bourse, réclamaient son retour avec insistance.

Le milliardaire Chris Sacca, l'un des investisseurs les plus influents de Twitter, s'était même lancé dans un lobbying intense en sa faveur. Le 7 août dernier, il publiait une rafale de tweets tous plus élogieux les uns que les autres: "[Jack Dorsey] a le soutien total des acteurs-clés chez Twitter et de ses plus gros investisseurs", affirmait-il. "Au nom de nombreux investisseurs, analystes, utilisateurs, annonceurs, médias partenaires et des employés de Twitter, le nom du futur PDG paraît évident". Et ainsi de suite...

>> Lire : L'annonce du retour de Jack Dorsey fait bondir le titre en Bourse

Il faut dire que Twitter ne pouvait plus attendre. Depuis l'éviction de Dick Costolo, le titre a perdu 22% en Bourse et plusieurs cadres ont fui le navire, à l'image de Todd Jackson, parti pour Dropbox, et Christian Oestlien, débauché par Google.

Même si Twitter reste un symbole de la réussite de la Silicon Valley, les prétendants effrayés par l'ampleur de la tâche ne se sont pas bousculés au portillon pour le poste. Malgré l'aide des chasseurs de têtes de chez Spencer Stuart, l'oiseau bleu n'a pas réussi en trois mois à dénicher la perle rare: un homme doté d'une expérience significative dans la high tech, capable de définir une vision stratégique claire et ambitieuse pour retrouver le chemin de la croissance et monétiser le service.

Sentant la menace, Google, Apple, Facebook et Microsoft ont fait leur possible pour s'assurer la loyauté de leurs cadres les plus en vue en leur donnant de nouveaux défis, à l'image de Sundar Pichai, un temps envisagé selon le Wall Street Journal, puis promu PDG de Google lors de la réorganisation du groupe, en août. Twitter a également approché une dizaine d'autres candidats potentiels, sans succès, y compris Jim Lanzone, ancien de Cisco et actuel directeur de CBS Interactive.

Seconde chance pour Jack Dorsey

Dans ce contexte, le choix de Jack Dorsey apparaît à la fois comme le plus simple et le plus sûr. L'homme jouit d'une belle réputation dans la Silicon Valley. Il connaît surtout très bien Twitter puisqu'il a cofondé le service et en a été le premier PDG. Il a même eu l'honneur de publier le tout premier tweet, en 2007.

Mais la lune de miel se termine brutalement dès 2008. Sa personnalité fantasque (il se consacrait pendant des heures à des cours de yoga, de dessin et de stylisme) et l'impatience des investisseurs, agacés par de trop maigres retours sur investissement, lui coûte sa place du jour au lendemain, même s'il devient président du conseil d'administration en guise de consolation. Ironie de l'histoire, Dick Costolo a été débarqué en juin dernier avec la même brutalité et pour la même raison: son incapacité à mettre en place une stratégie de monétisation claire.

Pendant ce temps, Jack Dorsey retombait sur ses pieds grâce au succès de sa société de service de paiement Square, qui vient de lever 100 millions de dollars et prépare son introduction en Bourse. Son retour devrait s'accompagner de quelques changements dans l'organigramme. Adam Bain,en charge des ventes, pourrait devenir le nouveau directeur des opérations (COO), tandis qu'Anthony Noto, l'actuel directeur financier, pourrait être directement rattaché à Dorsey. De son côté, Dick Costolo devrait quitter le conseil d'administration.

Des révolutions à venir ?

Lors de l'éviction de Dick Costolo, la société avait promis que le nouveau PDG définirait une stratégie de croissance claire. La firme devrait donc annoncer prochainement de quelle manière elle compte monétiser son service et attirer de nouveaux utilisateurs.

Les actions de ses derniers mois montrent toutefois que Twitter a quelques idées derrière la tête pour tenter de rendre l'expérience utilisateur plus attractive. Le service a annoncé mercredi une véritable révolution: la fin de la limite des 140 caractères, sa marque de fabrique depuis sa création.

Ce projet, baptisé "140 Plus" en interne, viserait selon le site spécialisé Re/code à encourager les utilisateurs à poster de plus longs formats. Les médias, par exemple, pourraient ainsi publier directement leurs articles sur le fil d'actualité plutôt que de poster un lien, tandis que les stars pourraient mieux communiquer avec leurs fans en leur adressant des messages plus longs. De quoi séduire de nouveaux utilisateurs... et gonfler la valeur des publicités.

Sous l'impulsion de Jack Dorsey, la société expérimente aussi la possibilité de republier d'anciens tweets susceptibles d'intéresser les utilisateurs. Autrement dit, revenir sur la chronologie des publications, qui est pourtant au cœur de Twitter... tout comme les 140 caractères. Enfin, le projet Lightning permettra bientôt de suivre des événements en direct en proposant un fil dédié, plus facile à suivre.

Sylvain Rolland

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