La modélisation numérique 3D au secours des récifs coralliens

La Fondation de l'éditeur de logiciels de design Autodesk contribue à la modélisation numérique des coraux. Une démarche destinée à faciliter la recherche scientifique et la protection de ce patrimoine naturel menacé par les activités humaines.
Giulietta Gamberini
La prochaine étape pourrait être la création d'une plate-forme mondiale alimentée de manière collaborative par les photos de la communauté des plongeurs.

Les humains sont tous des êtres visuels, incapables de croire, et encore plus d'aimer, ce qu'ils ne peuvent pas voir. Mais les beautés naturelles, y compris celles cachées au fond de la mer, peuvent aujourd'hui devenir bien plus accessibles grâce aux nouvelles technologies, et notamment à la 3D. Telle est la conviction qui a poussé le biologiste marin Sly Lee en 2013 à chercher l'aide du géant du développement de logiciels de design Autodesk pour son projet: la modélisation numérique des récifs coralliens, menacés par la pollution, le changement climatique et la surpêche. Son organisation à but non-lucratif, The Hydrous, a obtenu le soutien de la fondation de l'éditeur de software, dont la mission est de mettre les nouvelles technologies au service des projets philanthropiques.

Le précédent des fossiles humains

Sly Lee et Autodesk ont notamment travaillé main dans la main à l'adaptation aux besoins de la biologie sous-marine de ReMake, logiciel permettant de convertir en modèles 3D des images photographiées ou scannées. Ce software, initialement destiné aux ingénieurs et designers, et louable à un prix compris entre 300 et 500 euros par an, est en effet aujourd'hui en train de dévoiler un potentiel bien plus large, grâce à la démocratisation de caméras, scanners voire de drones - y compris sous-marins- , munis de capteurs de plus en plus sensibles, ainsi qu'à la simplification continue de son interface.

Modèle coraux 3D

Dans le domaine culturel, une première expérience avait notamment déjà été menée autour de la modélisation des fossiles humains collectés an Afrique par la famille Leakey, et exposés au Musée national de Naïrobi. "L'objectif était de faciliter l'accès aux scientifiques du monde entier à ce patrimoine", explique à La Tribune Tatjana Dzambazova, ancienne architecte et aujourd'hui technology whisperer ("missionnaire technologique") chez Autodesk. De cette collaboration avec le docteur Louise Leakey du Musée de Nairobi et du Turkana Basin Institute est ainsi née la page AfricanFossils.org, "dont la configuration interactive vise aussi à rendre l'apprentissage plus ludique", souligne l'experte.

De nouvelles découvertes en vue

La collaboration entre The Hydrous et Autodesk a permis d'aller encore plus loin dans cette démarche, notamment grâce au développement de nouvelles fonctionnalités de ReMake. Les modèles 3D développés à partir des images des coraux peuvent désormais faire l'objet de diverses mesures (surface, distance etc.), ainsi que de comparaisons en ce qui concerne tant leurs formes que leurs couleurs. "De nouvelles connaissances pourront naître des nouveaux liens qu'on pourra ainsi facilement établir", parie Tatjana Dzambazova.

Modèle 3D coraux

L'objectif ambitieux d'observer l'évolution dans le temps de l'ensemble des coraux de la planète semble notamment plus que jamais atteignable. The Hydrous travaille justement sur la création d'une plate-forme mondiale alimentée de manière collaborative par les photos de la communauté des plongeurs. Gérée par le logiciel d'Autodesk Project Play, elle pourrait intégrer, en plus de plusieurs contenus multimédias, une frise chronologique, multipliant le potentiel scientifique comme pédagogique de la démarche.

Les modèles 3D meilleurs que des chiffres pour convaincre

La création par The Hydrous de modèles 3D des coraux qui peuvent facilement être imprimés, a d'ailleurs produit ses premiers effets: plus efficaces que des chiffres ou des textes complexes, ces images ont par exemple convaincu le gouvernement des Maldives d'intervenir pour mieux réglementer la pêche locale, témoigne Tatjana Dzambazova. Le monitorage via la 3D de la taille de ces petites îles menacées par la montée des eaux intéresse aussi les autorités et populations locales.

En matière environnementale, des applications plus pratiques de la modélisation 3D ont d'ailleurs déjà prouvé leur efficacité : la Fondation Autodesk a notamment aidé la société Hardshell Labs à trouver une solution pour protéger les tortues du désert, proches de l'extinction en raison de la multiplication des corbeaux. La collaboration a abouti à la production de répliques des tortues équipées de senseurs qui, lorsqu'attaquées, émettent un spray non toxique décourageant leurs prédateurs.

Tous les sens au service du patrimoine

À l'avenir, Tatjana Dzambazova imagine des expériences de plus en plus immersives et enrichies de la réalité augmentée au service de la conservation du patrimoine naturel et culturel. "Tous les sens pourront être numérisés : le goût, le toucher", estime-t-elle. Une opportunité à saisir au plus vite face aux menaces (terrorisme, changement climatique, etc.) croissantes auxquelles ces biens communs sont exposées.

Mais si la démocratisation des nouvelles technologies permet désormais "aux petits joueurs de jouer le grand jeu", le rapport reste néanmoins gagnant-gagnant, souligne l'experte. La création de nouvelles fonctionnalités nécessaire pour adapter les logiciels aux besoins des ONG pousse aussi les frontières du développement technologique, et la collaboration avec les scientifiques inspire de nouvelles inventions.

Giulietta Gamberini

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