Le difficile pari de Nokia dans les smartphones

En ressuscitant sa marque dans le marché ultra-concurrentiel des terminaux intelligents et des tablettes, le géant finlandais affiche sa volonté de redevenir une marque grand public. Mais les analystes sont pour le moins dubitatifs sur ses chances de succès.
Pierre Manière
Nokia a cédé les droits de sa marque pour dix ans à une nouvelle société finlandaise, HMD Global. C’est elle qui supervisera l’élaboration des smartphones et tablettes, et se chargera de leur commercialisation.

Nokia n'a toujours pas fait son deuil. Après avoir loupé le virage des smartphones à la fin des années 2000, l'ex-numéro un mondial du mobile se relance dans les terminaux intelligents. La semaine dernière, le géant finlandais l'a annoncé : malgré ses cuisants échecs passés, et après s'être fait tailler des croupières par Apple et Samsung, le voilà de retour sur le marché des smartphones et des tablettes. Pour autant, le groupe, aujourd'hui reconverti en équipementier télécoms après avoir vendu son activité mobile à Microsoft en 2014, ne se mouille pas trop. C'est peu dire.

Concrètement, Nokia a cédé les droits de sa marque pour dix ans à une nouvelle société finlandaise, HMD Global. C'est elle qui supervisera l'élaboration des smartphones et tablettes, et se chargera de leur commercialisation. La production, elle, sera assurée par une filiale de l'industriel taïwanais Foxconn, qui fournit des composants électroniques à toute la planète high-tech. Dirigé par Arto Nummela, un ancien de Nokia, HMD Global compte investir 500 millions de dollars sur trois ans. Aux yeux du géant finlandais, il s'agit d'un investissement sans risque, puisqu'il ne figure pas au capital de la société. En clair, Nokia se contentera d'engranger les royalties sur les ventes des produits portant son logo.

« La marque n'est pas assez forte »

Dans ce contexte, les nouveaux smartphones Nokia ont-il une chance de faire leur nid ? Analyste chez Gartner, Annette Zimmermann se montre pour le moins sceptique :

« Nokia mise beaucoup sur sa marque et ses succès passés sur le marché du mobile. Mais je pense qu'elle n'est pas assez forte. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes ne savent pas qui est Nokia... De plus, Nokia revient dans les smartphones alors que le marché, de plus en plus concurrentiel et difficile, ralentit. L'an dernier, d'après nos chiffres, il n'a progressé que de 7%... »

Pour Annette Zimmermann, HMD Global va devoir travailler finement son positionnement s'il veut avoir une chance de relancer la marque finlandaise. Elle fait notamment référence à Wiko, une marque française de smartphones low-cost :

« Il y a deux ans, cette marque était totalement inconnue. Aujourd'hui, leurs ventes ont bien progressé. Ils commencent à s'exporter dans plusieurs pays en Europe et en Afrique, tout en cherchant à monter en gamme. Ce succès, ils le doivent à leur stratégie, qui consiste à viser les jeunes technophiles, mais qui ne peuvent mettre beaucoup d'argent dans leur smartphone. »

Analyste chez Sanford Bernstein, Pierre Ferragu, juge aussi qu'il sera très difficile pour Nokia de devenir un grand nom des smartphones. Mais d'après lui, ce n'est de toute façon pas l'objectif du groupe, qui se montre ici très « pragmatique » :

« Nokia possède une marque avec une certaine aura dans le monde du mobile, mais qui ne rapporte rien dans la configuration actuelle du groupe. En céder les droits à un partenaire extérieur qui se charge de tout, y compris des investissements, apparaît donc comme une manière d'entretenir cet actif. Et si, avec les royalties, Nokia y gagne 50 ou 100 millions de dollars par an, ce sera déjà très bien : il ne faut pas cracher dans la soupe. En outre, pour le groupe, c'est également un moyen de continuer à engranger de l'expérience sur ce marché. »

« C'est compliqué »

Nokia ne l'a d'ailleurs jamais vraiment caché. L'été dernier, alors que les rumeurs d'un retour sur le marché des smartphones se faisaient de plus en plus pressantes, le groupe s'est fendu d'un communiqué. Dans cette missive, Robert Morlino, un porte-parole, expliquait :

« La question revient tout le temps : Nokia reviendra-t-il dans les terminaux mobiles ? La réponse : c'est compliqué. »

Robert Morlino rappelait alors que Nokia s'est séparé d'actifs-clés pour rivaliser avec les autres leaders du secteur, à savoir ses capacités de productions, de marketing et de distribution. Dans ce contexte, il cherchait donc « un partenaire de classe mondiale » pour prendre en charge ces responsabilités. Avec HMD Global, Nokia dispose maintenant d'un moyen pour relancer sa marque. Quoi qu'il en soit, il faudra atteindre 2017 et la sortie de ses premiers smartphones pour voir si celle-ci a encore du crédit aux yeux des consommateurs.

Pierre Manière

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Commentaires 2
à écrit le 25/05/2016 à 13:19
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Le pseudo-Français Wiko est Chinois. Le premier smartphone a été le Communicator N 9000 de ...Nokia !

le 26/05/2016 à 11:35
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Non. Le premier smartphone fut le Simon d'IBM, même si Nokia est arrivé peu après (4 ans) avec l'excellent N9000 et ses descendants., jusqu'au regretté N900...

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