Le marché indien du mobile en ébullition

Depuis début septembre et le lancement du réseau 4G de Reliance Jio, le secteur des télécoms essuie un vrai big bang en Inde, où tout reste à faire dans l'Internet mobile.
Pierre Manière
Le siège de Reliance Jio à Bombay.

Sur le marché indien des télécoms, les opérateurs sont en plein branle-bas de combat. Le 5 septembre dernier, le puissant conglomérat Reliance Industrie a lancé Reliance Jio, son tout nouveau réseau 4G. L'idée ? Proposer des offres Internet à prix cassés, couplées à des appels gratuits. À l'initiative du projet, le milliardaire et première fortune d'Inde, Mukesh Ambani, à la tête du conglomérat, a tout misé sur une démocratisation à grande vitesse de l'accès à l'Internet mobile. Lequel est, en l'absence de réseaux Internet fixe dignes de ce nom, de loin le premier canal d'accès à la Toile pour les populations.

D'après l'Idate, un think tank spécialisé dans les télécoms, si l'Inde compte plus de 900 millions d'abonnés mobiles pour 1,25 milliard d'habitants, seuls 333 millions d'entre eux ont accès à la Toile. Mukesh Ambani, qui a consacré quelque 20 milliards de dollars à ce projet, ne compte pas perdre son temps. Son ambition : couvrir 90% de la population d'ici à 6 mois, et atteindre les 100 millions de clients à horizon un an.

Une concurrence menacée

Chez les opérateurs concurrents, l'initiative fait jaser. Primo : elle menace leurs revenus qui reposent encore largement sur les appels classiques. Ainsi chez Barthi Airtel, le leader du secteur (avec 254 millions de cartes SIM), pas moins de 70% des revenus proviennent de la voix. Secundo : tous ces opérateurs se retrouvent de facto embarqués dans une guerre des prix. Sachant que chez Reliance Jio, un gigaoctet de données coûte 50 roupies (66 centimes d'euros), contre 249 roupies (3,32 euros) chez Barthi Airtel et 255 roupies (3,4 euros) chez Vodafone. Pour éviter que leurs fidèles ne mettent les voiles, plusieurs experts récemment cités par l'AFP s'attendent à ce que les concurrents du nouvel arrivant abaissent leurs tarifs de 30% à 40%.

Outre un effort sur les prix, les opérateurs seront probablement contraints d'investir pour moderniser leur réseau et améliorer sensiblement leur couverture. De fait, à la différence de ses rivaux, Reliance Jio mise très fort un grand réseau de fibres optiques pour relier ses antennes entre elles et assurer une connectivité optimale. D'après India Today, l'opérateur a déjà déroulé 300.000 km de fibre à travers le pays. Au quotidien, un responsable de la société argue que « même si tous les Indiens consommaient 10 gigaoctets de données par mois, le réseau tiendrait le coup ».

Cultiver « une image sexy »

Cette nécessité d'investir pourrait bien pousser plusieurs opérateurs à se marier. Sur ce front, les grandes manœuvres ont déjà commencé. La semaine dernière, l'opérateur Reliance Communication, détenu par le milliardaire Anil Ambani (qui n'est autre que le frère cadet de Mukesh Ambani, à la tête d'une branche détachée de l'empire familial) a annoncé sa fusion avec Aircel. En joignant leurs forces, ces deux acteurs, respectivement numéro quatre et six du secteur, devraient se hisser juste derrière Barthi Airtel et Vodafone, avec une part de marché de 18%.

Pour mettre toutes les chances de son côté et couper l'herbe sous les pieds de la concurrence, Mukesh Ambani et Reliance Jio ont lancé dans une vaste campagne de communication.

« Face aux acteurs historiques, ils veulent se donner une image d'opérateur un peu sexy, constate Roland Montagne. Pour leur communication, ils utilisent beaucoup les stars de Bollywood, et visent une clientèle jeune [et plus amatrice de smartphones et de contenus en ligne, NDLR]. »

Mieux, trois jours avant le lancement de son offre, Reliance Jio s'est offert une publicité très controversée en « Une » des quotidiens Times of India et Hindustan Times. En guise d'ambassadeur pour promouvoir son nouveau réseau, l'opérateur ne s'est payé rien de moins que le Premier ministre indien, Narendra Modi... Un « soutien » qui lui a valu une avalanche de critiques sur les réseaux sociaux. Reste que la concurrence est prévenue : le nouvel arrivant a le bras très long et compte visiblement bien pousser tous les leviers politiques et économiques à sa disposition pour faire le ménage.

Pierre Manière

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