Les consommateurs circonspects sur les objets connectés dans le commerce

Apple Watch et autres objets connectés ont suscité de grands espoirs dans la distribution. Mais si ces mouchards numériques se répandent auprès des particuliers, leurs usages commerciaux restent limités.
Marina Torre
La montre connectée d'Apple a été lancée sur le marché en avril 2015.

Grigris, gadgets ou vrais gages de transformation? La question se pose dans bien des domaines lorsqu'il est question d'objets connectés. C'est particulièrement le cas en ce qui concerne leurs applications dans la distribution.

Certains de ces nouveaux produits avaient pourtant suscité beaucoup d'espoir auprès de ces derniers. A commencer par la tant attendue et quoique parfois décriée Apple Watch, qui célèbre le 24 avril sa première année d'existence.

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Boutons-télécommandes et listes de courses automatiques

Estampillée Apple ou non, la montre connectée n'est qu'un symbole parmi d'autres de ces objets bourrés d'électronique, capables de "converser" avec d'autres objets du même genre. Donc d'envoyer des messages de toute nature, y compris pourquoi pas des commandes, des paiements ou des appels au service après-vente. Ces derniers usages apparaissent même comme les plus "logiques" a priori pour les e-commerçants.

Dans l'électroménager, cela se traduit par exemple par les "boutons-télécommande" d'Amazon à placer sur une machine à laver le linge qui permettent par exemple de commander des recharges de lessive. Chez Carrefour, cela prend la forme d'une "douchette", sorte de scanner de caisse à domicile qui vise à enregistrer à l'avance une liste de course en enregistrant des code-barres. Courses que d'autres acteurs comme Samsung et Mastercard tentent d'automatiser avec leur réfrégirateur "intelligent" présenté cette année à la grand messe de l'électronique mondial de Las Vegas.

Toujours les mêmes produits dans le panier

Ces tentatives d'applications dans le commerce présentent toutefois des limites. En premier  lieur parce qu'elles tendent à "figer" la liste des marques auxquelles les utilisateurs peuvent s'adresser. C'est ce qui transparaît notamment dans une étude de prospective du cabinet Ovum, spécialisé dans les nouvelles technologies, et qui porte sur la distribution du futur. Ses auteurs écrivent :

"Pour certains consommateurs, les applications de paiement ou d'e-commerce de l'internet des objets peuvent susciter (...) de la frustration quand les services de réapprovisionnement sont restreints à une liste de fournisseurs imposés".

Une limite déjà observée dans le cas des "Drive", ces hypermarchés semi-virtuels, qui impliquent d'enregistrer ses courses en ligne et dont le changement se révèle souvent fastidieux.

'Chez ceux qui font leurs courses en ligne, 63% achètent tout le temps à partir de la même liste'', indiquait ainsi à la Tribune Carole Walter, qui dirige le comparateur en ligne Monsieur Drive.

De quoi contenter les marques qui parviennent à s'imposer dans les cuisines ou placards connectés des consommateurs, mais beaucoup moins ceux qui tentent de s'y faire une petite place.

Réfrigérateurs, réveils, sextoys...

L'autre grand type d'usage de ces objets dans le commerce est bien plus indirect. Car des réfrigérateurs aux réveils en passant par les machines à laver et même les sextoys, ces objets sont aussi capables de capter des milliers d'informations sur nos faits et gestes.

Le nombre total de ces espions du quotidien appelés à être adoptés fait débat. Pour Ovum, il y en aurait 650 millions d'ici 2020, tandis que GfK en prédit 2 milliards d'objets connectés en France. Soit... au moins trente par personnes! Mais pour l'heure, les ventes ne semblent pas vraiment s'envoler.

>> Pourquoi les objets connectés ne décollent pas (encore)

Mesurer le monde

"Le marché a peut-être réagi avec un enthousiasme exagéré", aux promesses de objets connectés, reconnaît Gilles Giudicelli, responsable de la recherche chez le champion français de la publicité ciblée Criteo.

"Nous pensons que les objets connectés vont se répandre mais que leur usage dans le commerce ne sera pas pour autant massif. Pour nous, il peut surtout avoir un intérêt pour la collecte de données", indique-t-il.

Parmi les applications possibles, celles qui concernent le suivi de l'activité physique susciteraient beaucoup d'espoirs. Elles permettront par exemple aux équipementiers de proposer du matériel. Quant aux outils de localisation,ils peuvent renseigner sur le temps qu'il fait, donc par exemple permettre d'anticiper des commandes de produits alimentaires ou de vêtements.

Consommateurs méfiants

L'incontournable question des données privées se pose une fois de plus. "Aurais-je envie de partager toutes ces informations? Peut-être, si j'ai l'impression d'obtenir quelque chose en retour", estime Gilles Giudicelli. Ce dernier souligne également "des questions de sécurité très importantes", ces systèmes pouvant se révéler très vulnérables.

Les consommateurs français se montrent apparemment circonspects vis-à-vis de l'usage qui peut-être fait de leurs données. Du moins c'est ce qu'une majorité d'entre eux déclarent dans les enquêtes d'opinion menées sur le sujet. L'une des plus récentes en date, menée entre 29 février et le 2 mars 2016 par Harris Interactive, le confirme. Celle-ci portait plus généralement sur les "Big Data" - terme au passage connu par seulement 6 Français sur 10.

Réseaux sociaux et grands acteurs du web sont ceux auxquels les sondés accordent le moins leur confiance en matière d'usage des données. Juste après viennent les acteurs de la grande distribution: quelque 70% des personnes interrogés disent ne pas leur faire confiance. Ils sont 60% à partager cette opinion concernant les acteurs de la vente en ligne.

Marina Torre

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Commentaires 2
à écrit le 22/04/2016 à 9:12
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Ce n'est que le début, et pour l'instant les objets dits connectés sont plus en conformité avec les appétits des annonceurs et des fabricants, qu'en phase avec les attentes des consommateurs. Après quelques bouillons bien sentis, l'offre s'améliorera...

à écrit le 22/04/2016 à 9:08
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Objets connectés à un flot de pubs permanent? Quel intérêt? Des objets commandés dont on ne veux pas? Qui reçoit les infos?

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