Logement d’urgence : Airbnb, un tremplin pour l'aide aux réfugiés

Toujours en quête de volontaires dans le cadre de leurs programmes d’aide aux réfugiés politiques et climatiques, trois associations ont décidé de participer à la plateforme Open Homes que vient de lancer Airbnb. Un moyen pour elles d’accéder à un public beaucoup plus large. Airbnb espère aider 100.000 personnes dans les cinq ans à venir.
Sylvain Rolland
Les associations et ONG spécialisées dans l'aide et l'accueil des réfugiés voient dans la plateforme Open Homes d'Airbnb l'occasion de toucher un public beaucoup plus large.

Airbnb n'est pas le meilleur ami des hôteliers, qu'il concurrence, ni des municipalités qui tentent, un peu partout dans le monde, de lui mettre des bâtons dans les roues. En revanche, il pourrait devenir le grand allié des associations et ONG d'aide aux réfugiés. Depuis le début du mois, la plateforme de location entre particuliers a lancé en France son nouveau service, Open Homes. Ce site satellite permet à des utilisateurs d'Airbnb d'ouvrir leurs portes, gratuitement et temporairement, à des réfugiés politiques ou climatiques.

     | À lire. Airbnb lance Open Homes, sa plateforme d'hébergement pour les réfugiés

Une solution provisoire pour les réfugiés

Assis côte-à-côte sur un canapé design du nouveau siège parisien d'Airbnb, Tenzin, réfugié tibétain de 35 ans, et Laëtitia, son hôte francilienne ces six derniers mois, se sont rencontrés grâce à Open Homes. En novembre 2016, Airbnb a envoyé un courriel à tous ses utilisateurs qui louent une chambre dans leur domicile. Laëtitia, son mari et son fils, qui vivent sur une péniche en région parisienne, font partie de la liste.

« Nous avons quatre chambres : une pour mon mari et moi, l'autre pour mon fils, la troisième pour Airbnb. Il en restait une. Après avoir vu les images violentes à la télévision des migrants en Méditerranée, j'ai voulu faire quelque chose », explique Laëtitia.

Quelques jours après avoir manifesté son intérêt, Laëtitia a été contactée par le programme Elan, développé par le Samu Social de Paris, qui vise justement à faire héberger des réfugiés par des particuliers afin de les aider à mieux s'insérer dans leur société d'accueil. Quelques entretiens plus tard avec l'association, Tenzin aménageait fin décembre.

Condamné à mort au Tibet pour avoir prêté allégeance au Dalaï-Lama, le réfugié de 35 ans est resté six mois avec la famille de Laëtitia. Pendant ce temps, il a développé son français, passé son code de conduite, trouvé un travail et progressé patiemment dans le labyrinthe administratif, jusqu'à obtenir son propre appartement. Les deux parties ne tarissent pas d'éloges sur le programme. Laëtitia et sa famille louent « l'expérience humaine » et le sentiment d'avoir contribué à quelque chose d'utile. Isolé depuis son arrivée en France, en 2013, Tenzin a apprécié le support moral et le sentiment de retrouver un foyer, même provisoire.

« Airbnb nous permet de toucher un public beaucoup plus vaste »

Pour l'heure, trois associations et ONG d'aide aux réfugiés ont rejoint Open Homes : le Samu Social de Paris avec son récent programme Elan, l'ONG Singa créée en 2011, et l'association Réfugiés Bienvenue, lancée en 2015. Toutes trois avaient déjà investi le créneau de l'hébergement temporaire de réfugiés par des particuliers et brandissent, chiffres à l'appui, leurs résultats. À savoir que lorsque les réfugiés sont hébergés par des citoyens, ils s'intègrent mieux, et plus facilement. « Depuis 2015, la moitié de nos 500 participants au programme CALM [Comme A La Maison, NDLR] ont retrouvé un emploi, soit davantage que la moyenne des réfugiés », indique Vincent Berne, le directeur du programme.

L'ONG Singa n'a pas beaucoup hésité avant d'accepter la proposition d'Airbnb de rejoindre Open Homes.

« Nos programmes d'aides aux réfugiés résonnent auprès d'un public investi, militant. Mais Airbnb, c'est l'aide accessible à tous. Le public qu'on peut toucher via Airbnb est beaucoup plus vaste », explique-t-il.

Le système séduit par sa souplesse. Airbnb contacte ses utilisateurs qui répondent aux critères (ceux qui louent une chambre dans le logement qu'ils occupent). Ceux qui acceptent publient leur annonce sur la plateforme et entrent dans une base de données qu'Airbnb rend accessible uniquement aux associations et ONG partenaires. Ces structures, qui sont en contact avec les réfugiés, rencontrent les volontaires, les intègrent dans leur propre programme, et font la mise en relation. Autrement dit, les réfugiés et les utilisateurs d'Aibnb ne sont pas en contact direct, tout passe par les associations.

« Airbnb nous fournit la base de données, mais nous laisse gérer seuls, car nous sommes les professionnels. Cela nous permet de rencontrer les volontaires et d'interroger leurs motivations. Il arrive que certains voient le projet comme l'occasion de récupérer un employé de maison sans rien payer... Il faut donc faire un tri. Ceux que nous sélectionnons rencontrent ensuite un réfugié avec lequel nous pensons que le courant passera, et si c'est le cas, alors il peut l'héberger », raconte Nadège Letellier, la responsable du programme Elan du Samu Social de Paris.

La solution Open Homes est provisoire : d'une semaine à six mois, voire plus de manière exceptionnelle. C'est gratuit : les hôtes ne sont pas payés pour la mise à disposition de leur chambre. En revanche, ils peuvent recevoir un dédommagement. Elan leur propose 7 euros par jour pour les frais de nourriture et d'électricité.

Objectif 100.000 réfugiés aidés en cinq ans

Depuis son lancement le 7 juin, 6.000 logements ont été proposés dans le monde sur Open Homes, dont la moitié de la part de non-utilisateurs d'Airbnb, qui ont dû s'inscrire pour l'occasion. La France compte déjà 300 hôtes. À titre de comparaison, le programme CALM de Singa a permis d'héberger environ 500 réfugiés depuis 2015... Les associations ayant du mal à trouver des volontaires, l'arrivée de la force de frappe d'Airbnb pourrait leur permettre d'accélérer sensiblement.

Du côté d'Airbnb, on affiche d'entrée de grandes ambitions. « Nous voulons héberger 100.000 réfugiés dans le monde en cinq ans », s'enflamme Joe Gebbia, co-fondateur d'Airbnb et responsable d'Open Homes. La plateforme, qui a connu le succès sur la convivialité de son service (avant qu'il se « professionnalise » et devienne une véritable alternative à l'hôtel avec des prestations similaires), renoue ainsi avec son ambition originelle de « connecter les gens », cette fois avec une vocation humanitaire.

Rester utile... et améliorer l'image d'Airbnb

« 65,6 millions de personnes ont été déplacées de force dans le monde en 2016 à cause des aléas climatiques et des conditions politiques. Et selon les projections, ce chiffre pourrait montrer à 325 millions en 2044 », explique Joe Gebbia, de passage à Paris.

Cette initiative, louable car Airbnb s'y fait discret et laisse le gouvernail aux associations et ONG partenaires, participe aussi à renforcer son image dans le monde, abîmée par les critiques des gouvernements et des villes, qui accusent le service de « tuer » l'hôtellerie et de ne pas payer assez de taxes. À l'heure où l'autre symbole de la numérisation de la société, Uber, est de plus en plus mal perçu par l'opinion pour les conditions de travail de ses chauffeurs et sa culture du management délétère, « Airbnb est et veut rester un service utile », martèle Joe Gebbia.

Ainsi, en 2012, après l'ouragan Sandy qui avait dévasté New York, Airbnb avait autorisé 1.000 utilisateurs à proposer leur logement de manière gratuite à des victimes -renonçant du coup à une commission-. Même topo en février dernier suite au décret anti-immigration de Donald Trump : Airbnb avait permis aux personnes mises en difficultés de se loger gratuitement.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 29/06/2017 à 14:35
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https://www.parrainage-airbnb.com/

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