Lourde restructuration en vue chez "Paris Normandie"

Le président du pôle de journaux normands de Groupe Hersant Media présentera aux syndicats ce mercredi un plan d'économies qui s'annonce sévère. En redressement judiciaire, ce pôle ne fait pas partie du projet de rapprochement avec le belge Rossel.
Devant le Tribunal de Commerce du Havre le 29 février: la SNPEI qui édite Paris-Normandie a été placée en redressement judiciaire

« Des économies de structure», « sans demi- mesure » prévient Michel Lépinay. Le Pdg de la SNPEI, qui édite les titres normands du Groupe Hersant Media (« Paris Normandie », « Havre Libre », « Le Havre-Presse », « Le Progrès de Fécamp » et l'hebdomadaire « Liberté Dimanche », doit présenter ce mercredi 14 mars aux syndicats (SNJ, Silpac CGT et CGC) les grandes lignes de la restructuration envisagée pour redresser la barre du « pôle normand » de GHM, déficitaire depuis plus de dix ans et en cessation de paiement. Placé en redressement judiciaire le 29 février, avec une période d'observation très courte de six semaines, ce pôle, qui a réalisé 39 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 365 salariés (dont 114 ouvriers, 108 journalistes, 65 commerciaux, 20 cadres administratifs), comprend la régie publicitaire SNP et les cinq titres, soit un tirage cumulé de 75.000 exemplaires selon l'OJD, dont 52.000 pour « Paris-Normandie. » La feuille de route, ou plutôt le plan d'urgence de Michel Lépinay, consiste en un « business plan qui doit garantir la profitabilité immédiate » du pôle normand, dans la perspective d'un rachat par le groupe de presse belge Rossel, issue la plus probable. Mis en vente depuis un an, le pôle de journaux normands de GHM n'a intéressé aucun groupe de presse. Pour le moment, ce pôle a été écarté du rapprochement entre Rossel (éditeur du « Soir » de Bruxelles, de « La Voix du Nord », du « Courrier Picard ») et le Groupe Hersant Media en difficulté qui apporterait dans la corbeille plusieurs titres de presse régionale dont « La Provence », « Nice Matin », et les journaux de l'Aisne et de Champagne Ardennes.


Crise financière de la maison-mère Groupe Hersant
Passés par quatre « plans d'économie » en cinq ans, les salariés des titres normands ne semblent guère se faire d'illusions. Les journalistes rencontrés disent s'attendre à une restructuration sévère ; quant aux syndicats, ils ont prévenu qu'un « plan violent » se préparait visant toutes les catégories de personnels. Dans sa newsletter du 9 mars, le SNJ indique qu'il a demandé « le soutien du gouvernement » lors d'un rendez-vous avec le cabinet du Ministre de la culture. « La mise en dépôt de bilan d'un titre de la presse quotidienne régionale, après ce qui s'est passé à La Tribune et France Soir, interpelle les confrères (...) » écrit le SNJ. « Nous ne voulons pas que la Haute-Normandie ne se transforme en désert pour la presse quotidienne régionale ». Avec la Silpac CGT, il dénonce les investissements de 2007 dans la presse du sud-est (160 millions d'euros pour le rachat de « La Provence » et « Nice Matin »), la vente des sièges sociaux de Rouen et du Havre et de plusieurs hebdomadaires mais « l'absence d'investissement dans le pôle normand ». Les syndicats s'en prennent aussi à la personne de Philippe Hersant, accusé d'avoir vendu la Socpresse et son navire amiral le Figaro « pour un milliard d'euros » en 2004 et d'avoir monté un groupe de presse en Suisse.
Michel Lépinay se prépare à une confrontation rude avec les syndicats, mais il fait valoir qu'il n'existe pas d'alternative à une restructuration immédiate. « Nous devions sortir du rouge en 2009, mais force est de constater que nous ne sommes pas au rendez-vous » explique-t-il en soulignant les efforts fournis par les salariés depuis 2006. Les titres du pôle normand ont perdu 5 millions d'euros de chiffre d'affaires en cinq ans (en recettes publicitaires et en diffusion) mais réussi à diminuer de moitié le déficit d'exploitation, passé de 4,6 à 2 millions d'euros en 2011. Mais la maison-mère ne veut plus assurer la trésorerie de ces titres. « Le Groupe Hersant Media traverse une crise financière énorme », pointe Michel Lépinay. En cause, la faillite de la Comareg (liquidée en novembre 2011 avec sa société d'impression Hebdo Print avec 1650 salariés), le pôle de journaux gratuits d'annonces (marque « Paru Vendu ») acheté en 2003 à Vivendi : très rentable au début, ce pôle devait permettre de rembourser les emprunts mais a vu son activité s'effondrer avec la crise à partir de 2009. Le chiffre d'affaires du groupe GHM qui atteignait de 900 millions d'euros en 2007 est tombé à 543 millions en 2011, et son endettement s'élève à 215 millions. « On ne peut pas dire que les titres normands sont abandonnés par l'actionnaire» répond Michel Lépinay aux syndicats. «Son soutien financier s'élève en cumulé à 32 millions d'euros depuis dix ans en trésorerie et abandon de créances ». Par ailleurs, ajoute le Pdg, « le groupe Hersant Media nous accompagne dans la période de transformation ».


Le premier quotidien régional ayant son application iPad

On pense naturellement au virage de l'Internet. Chargé d'une réflexion sur le numérique sein de GHM, Michel Lépinay a acquis la conviction que l'on allait, dans son groupe comme ailleurs, « se désintoxiquer de la gratuité ». Le projet en cours combinera de l'information locale payante et de l'information générale gratuite. S'il ne revendique que 400 « abonnés web » (contre 38.000 pour le papier), le pôle normand estime avoir les atouts pour passer à la vitesse supérieure. « Nous sommes prêts pour le développement du numérique, sans risque de cannibalisation print/web » affirme Michel Lépinay, fier que « Paris-Normandie » soit « le premier quotidien régional à proposer une application iPad », sous forme d'abonnement à 15 euros par mois. Il se garde de toute euphorie dans ce domaine et affiche des projections prudentes. « « Le numérique représente aujourd'hui 2 % de notre chiffre d'affaires et notre ambition est d'être à 8,5 % en 2015. Dans 20 ans, le papier fera 50 % de notre chiffre d'affaires » prévient-il. De quoi peut-être rassurer les ouvriers du Livre. Pour l'avenir, les salariés ont entendu parler d'un projet d'impression à distance sur les machines du groupe Rossel. Le sujet est sensible car il risque de mettre le feu aux poudres « à la technique » et en particulier chez les soixante rotativistes. Sur ces questions, Michel Lépinay sort son joker, comme sur l'ampleur de la restructuration qui visera les effectifs techniques toujours pléthoriques, en dépit des plans sociaux successifs, après la révolution numérique du « pré-presse ».
 

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Commentaire 1
à écrit le 13/03/2012 à 21:20
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très documenté!

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