Radio numérique : le gouvernement demande au CSA d'attendre

Le gouvernement a demandé au gendarme de l'audiovisuel, lors d'une réunion interministérielle début avril, de ne lancer un appel à candidatures qu'après l'élection présidentielle. Mais le CSA a décidé de passer outre.
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Dans l'épineux dossier de la radio numérique terrestre (RNT), le gouvernement pense qu'il est urgent d'attendre. Il l'a même dit et écrit au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Précisément, le gouvernement a demandé au gendarme de l'audiovisuel d'attendre la fin de l'élection présidentielle avant de relancer l'attribution de fréquences pour la RNT. Cette demande a d'abord été formulée le 2 avril lors d'une réunion interministérielle où étaient présents les membres de plusieurs cabinets ministériels (Matignon, culture, industrie, Bercy). Ensuite, ce souhait a été réitéré par écrit dans le compte-rendu de cette réunion, compte-rendu envoyé par le gouvernement au CSA. Argument avancé par le gouvernement lors de la réunion : une telle décision engagerait le prochain gouvernement, alors que Radio France n'a budgeté aujourd'hui aucune somme pour la diffusion en RNT. 

Néanmoins, le CSA a décidé de ne pas obtempérer. Juridiquement, le gendarme de l'audiovisuel n'y est pas tenu : c'est une autorité administrative indépendante du gouvernement, et en particulier, le dossier de la RNT relève de son seul pouvoir. En pratique, le collège du CSA a décidé la semaine dernière de relancer un appel à candidatures pour la RNT sur Paris, Marseille et Nice, avec l'objectif d'octroyer les fréquences cette année. Un appel à candidatures pour le reste du pays devrait être lancé en mai. 

Bras de fer entre grands groupes privés et indépendants

La RNT, comme son nom l'indique, permettra de diffuser en numérique les stations de radio, aujourd'hui diffusées en analogique. Mais ce dossier fait l'objet depuis 2009 d'un bras de fer. Les radios indépendantes (réunies dans leur syndicat Sirti), mais aussi Radio France, y sont favorables. En face, les grands groupes privés (RTL, Lagardère, NRJ, NextRadioTV) veulent repousser le lancement de la RNT. Le CSA, pris entre deux feux, a finalement décidé à l'automne de relancer la RNT, notamment car il s'est retrouvé dans une situation juridique inextricable.  Lors de la réunion interministérielle, les représentants du CSA ont d'ailleurs expliqué qu'ils ne pouvaient retarder plus longtemps la RNT pour cette raison juridique. Le problème est le suivant: en 2009, le CSA avait déjà choisi des radios en RNT à Paris, Marseille et Nice. Mais, à la demande des grandes radios privées, il avait ensuite gelé le dossier, et n'a finalement jamais attribué les fréquences sur ces trois villes. Problème: ce gel n'a jamais été formalisé juridiquement, donc l'ancien cadre juridique de la RNT est toujours en vigueur.

Faille juridique

Cette faille juridique a été repérée par le Sirti, qui, en octobre dernier, a exigé que le CSA applique le cadre toujours en vigueur et donne leurs fréquences aux radios choisies en 2009. Le CSA refusant, le Sirti a alors déposé en février un recours en référé devant le Conseil d'Etat, qui l'a rejeté 29 mars. Premier argument des juges du Palais Royal : « de nouvelles circonstances de fait, survenues entre 2009 et fin 2011, tenant à la fois à la disparition de certaines des radios présélectionnées, et à l'apparition de nouvelles radios susceptibles de se porter candidates, ainsi qu'à une augmentation de la ressource disponible susceptible d'être attribuée, font obstacle à la délivrance des fréquences aux radios candidates qui avaient été sélectionnées en 2009 ».
Mais la haute juridiction avance aussi une seconde raison : « dans ses dernières écritures, le CSA s'engage à procéder sans tarder à un nouvel appel à candidatures devant permettre de délivrer des fréquences avant la fin 2012 ». Et en effet, le CSA, pour éviter une condamnation, a dû promettre par écrit au Conseil d'Etat un calendrier très précis : décision du CSA « mi-avril », dépôt des candidatures « dernière semaine de mai », choix des radios « avant fin juillet », enfin octroi des fréquences « fin octobre ». Lors de la réunion interministérielle du 2 avril, le CSA a donc expliqué au gouvernement qu'il était impossible de retarder encore les choses...
 

Fureur des radios privées

Mais la volonté du CSA de relancer la RNT suscite la fureur des grands  groupes privés, pour qui « les conditions d'un lancement réussi ne sont pas réunies ». La semaine dernière, leur syndicat, le Bureau de la radio,  a donc « regretté » la décision du CSA, prise dans « la précipitation et l'absence de transparence » et « sans concertation publique préalable ». Il fustige la norme (T-DMB) prévue, « qu'aucun autre pays européen n'a adoptée ». Surtout, la RNT « accumule les échecs partout en Europe, où elle est pourtant subventionnée par les pouvoirs publics ou par les constructeurs ». Ils rappellent que « deux rapports successifs ont émis les plus grands doutes quant à la viabilité de la RNT ». Interrogé, le CSA et le ministère de la culture se sont refusés à tout commentaire.

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Commentaires 5
à écrit le 28/04/2012 à 0:28
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"suscite la fureur des grands groupes privés" : non; de "quelques" grands groupes privés. Il ne faut pas généraliser. De toute manière, Jean-Paul Baudecroux (NRJ) a clairement annoncé qu'il postulera quand même...

à écrit le 28/04/2012 à 0:25
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Un troisième multiplex RNT sur Lyon. Le 30 avril 2012, un troisième multiplex composé de quinze stations va commencer à émettre sur le Lyonnais. Les quinze stations disponibles : Ado, Antinea, Beur FM, Crooner, Essentiel Radio, Euronews Radio, Géné...

à écrit le 28/04/2012 à 0:25
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Les grandes radios en question postuleront quand même... http://www.telesatellite.net/sur-les-transpondeurs/nrj-baudecroux-la-rnt-est-deja-un-peu-demodee-mais-on-ira-quand-meme

à écrit le 22/04/2012 à 12:44
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En tous cas c'est un vrai casse tête pour choisir un poste radio,quoique... Une seule marque est proposée: Pure Audio (plutôt moyen en qualité de fabrication et hors de prix) comparé à l'Allemagne qui possède plusieurs marque pour la norme DAB+ ( Ba...

à écrit le 18/04/2012 à 21:55
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"la norme T-DMB" a été choisie par qui ? Un ministre ? Encore un truc qui va "mal" finir, surtout si c'est censé remplacer la FM (achat de récepteurs bi-mode quand on change de pays, vu que comme le Secam, nous serons les seuls avec cette norme). Le ...

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