Ouverture du procès de John Malone contre Vivendi

Le magnat américain des médias, payé en actions Vivendi par Jean-Marie Messier, a perdu 1,4 milliard de dollars dans l'affaire. Neuf ans après avoir porté plainte contre Vivendi, le procès débute enfin mardi à New York. L'enjeu pour le groupe français se chiffre en centaines de millions de dollars.
Jean-Marie Messier entrant dans le tribunal de New York lors du procès de 2009 (AFP)

Si cela était un film, il pourrait s'appeler « Class action Vivendi : le retour ». A l'automne 2009, Vivendi avait dû affronter à New York un retentissant procès en nom collectif suite aux péripéties de l'ère Messier. Le groupe français avait été lourdement condamné (il a passé une provision de 100 millions d'euros) mais a fait appel. Mardi, s'ouvre devant le même tribunal -celui du district sud de New York- une sorte de remake du procès de 2009. Sauf qu'il n'y a cette fois plus qu'un seul plaignant : le groupe Liberty Media du magnat américain John Malone. Ce dernier était un actionnaire significatif de Vivendi : il a détenu 37,4 millions d'actions, soit 3,5% du capital. Il avait reçu ces actions en échange de sa participation dans USA Networks, le groupe de Barry Diller racheté par J2M.

Mais Liberty Media a perdu beaucoup d'argent dans cette affaire. En décembre 2001, lorsque le rachat d'USA Networks est annoncé, ces actions Vivendi valent 2,1 milliards d'euros. Lorsque l'accord est finalisé en mai 2002, elles ne valent plus que 1,3 milliard. Et seulement 666 millions d'euros quand Liberty Media les revend à l'automne 2003. Furieux, Liberty Media a porté plainte en 2003 contre Vivendi. Neuf ans après, le procès va enfin avoir lieu devant un jury populaire. Il doit durer cinq semaines, alors que le procès de 2009 avait duré trois mois. Jean-Marie Messier, déjà interrogé par les avocats de Liberty Media en 2007, pourrait être à nouveau appelé à la barre.

Enjeu financier important

Pour Vivendi, l'enjeu financier est important. Certes, Liberty Media n'a toujours pas spécifié le montant des dommages réclamés, se réservant pour le procès. Mais Liberty Media a d'ores et déjà engagé un expert, Blaine Nye, qui, lors du précédent procès de 2009, avait chiffré les dommages. Précisément, il avait chiffré le dommage maximal à 22,5 euros par action, estimant que ce maximum a été atteint le 17 décembre 2001 -comme par hasard, le jour où était annoncé l'accord avec Liberty Media... En reprenant ce chiffre, Liberty Media pourrait donc réclamer 845 millions d'euros. Toutefois, lors du procès de 2009, le jury n'avait pas suivi Blaine Nye, et estimé que le dommage était moitié moindre, soit 11 euros par action maximum. Si le nouveau jury reprend ce verdict, alors Vivendi pourrait être condamné à payer 411 millions d'euros.
 

Les handicaps de Vivendi

Pour ne rien arranger, Vivendi part avec deux handicaps dans ce nouveau procès. D'abord, dans une class action classique, environ 70% des actionnaires ne réclament rien, souvent car ils n'ont pas gardé les documents prouvant qu'ils détenaient des actions à l'époque. Mais cette "évaporation" ne se produira pas avec Liberty Media.
Surtout, en mars 2012, la juge Shira Scheindlin (qui présidera le procès) a rendu une première décision en faveur de Liberty Media et en défaveur de Vivendi. Elle a considéré comme acquis une partie du verdict du procès de 2009, partie qui ne devra donc pas être rejugée cette fois. Cette partie concerne une série de 25 déclarations faites par Vivendi sous l'ère Messier, qui ont été jugées « trompeuses » en 2009, et donc sont à nouveau considérées comme « trompeuses ».
Mais Liberty Media n'a pas gagné pour autant. Le groupe de John Malone va devoir établir un lien direct entre ces déclarations trompeuses et son piteux investissement. Autrement dit, «Liberty Media devra prouver que ces déclarations ont joué un rôle déterminant dans sa décision d'investissement dans Vivendi», explique un proche du groupe français.

Vivendi espère laver son honneur
 

Vivendi espère une issue favorable, car le groupe dispose de plusieurs solides arguments en sa faveur. D'abord, Liberty Media n'est pas un petit porteur crédule, mais « un acheteur sophistiqué », avec de larges moyens pour se faire sa propre opinion, a expliqué l'avocat de Vivendi Jim Quinn lors d'une audience préliminaire en mars. Surtout, « la théorie de la défense est que Liberty Media n'était pas obligé de finaliser l'accord en mai 2003. Liberty Media n'avait aucune obligation légale de finaliser l'accord, et pouvait très bien ne pas le faire ». En particulier, deux conditions pour finaliser l'accord n'étaient pas remplies, et « Liberty Media a décidé de passer outre ». Un proche de Vivendi ajoute : « à ce moment, tout le monde savait que Vivendi traversait une période difficile au plan financier ». Le directeur financier de Liberty Media avait lui-même rédigé une note en ce sens. Derniers arguments : Liberty Media n'a pas songé à exiger une protection contre la chute du cours (floor), et l'accord lui était aussi très favorable du point de vue fiscal.
 

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