Sur leur page Facebook s'affiche une image de pigeon. Un écho à une toute autre fronde pour signifier leur colère "d'investisseurs" frustrés. Leurs roucoulades rageuses, ces 926 internautes les adressent aux responsables de My Major Company ("MMC"), la maison de disque 2.0 fondée en 2007, notamment par Michael Goldman, le fils du chanteur du même nom. Ils reprochent au "label" de privilégier certains artistes plutôt que d'autres et de rester opaques quant à l'utilisation des sommes versées. Sur un site anonyme certains d'entre eux exposent les motifs de leur déception. Ils détaillent ainsi une double désillusion "pour l'internaute qui prend conscience de n'être qu'une vache à lait", et "pour l'artiste qui se retrouve parfois seul sur son projet, obligé de réaliser lui-même les tâches qui incombent normalement à une direction artistique".
Précautions
Pour rappel, le site repose sur le "financement participatif". Les internautes, désormais appelés "contributeurs" après avoir longtemps été appelé "producteurs", misent de l'argent sur un artiste (ou tout autre projet puisqu'en dehors de la musique d'autres domaines sont désormais concernés comme la BD, la presse etc). Lorsque la somme requise est atteinte, le projet est considéré comme "financé". A partir de ce moment, les internautes qui ont apporté leur contribution ne peuvent plus récupérer leur mise, et l'entreprise prélève se commission. En contrepartie de ses (éventuelles) recettes, l'artiste rémunère ensuite ses soutiens, qui ne sont donc pas des mécènes. Mais son oeuvre ne se vend pas, il est censé rembourser la somme avancée. Dans un cas comme dans l'autre, "MMC ne pourra en aucun cas l'assister dans cette démarche", précise l'entreprise dans ses conditions générales d'utilisation.
Des artistes pas assez mis en avant?
Or, pour ces "producteurs-pigeons", si nombre d'albums financés se vendent très peu c'est en raison de "la difficulté d'accès aux médias" mais aussi "peut-être parce qu'ils sont introuvables dans les réseaux physiques de distribution". Ils pointent ainsi les faibles unités de disques physiques produits (1.500 à 2.000 exemplaires selon eux), dans un contexte de marché qu'ils reconnaissent comme étant particulièrement difficile.
Pour l'heure, trois artistes estampillés "My Major Company" ont connu un véritable succès. Il s'agit des chanteurs Grégoire, dont la chanson "Toi plus moi" fut l'un des 15 plus gros succès de 2010 mais aussi Irma, révélée en 2011 et Joyce Jonathan, depuis signée chez Universal. Aux yeux des frondeurs, le fait que ces trois artistes aient signé un contrat chez Bamago ne serait pas anodin. Cette maison de production a été lancée par Sevan Barkisian, Anthony Marciano et Michael Goldman, trois des fondateurs de My Major Company, et parallèle de cette dernière.
Grogne d'artistes
Dans le concert des critiques, des artistes font également entendre leur voix. Parmi eux: Fabien Duclerc, qui a reçu 70.000 euros en 2009 pour un album sorti deux ans plus tard. Son ancienne manager, Valérie Gonzales reproche à My Major Company d'entretenir le "flou artistique" sur le suivi de chaque artiste signé. Elle dit par exemple ne pas savoir à combien d'exemplaires, l'album de Fabien Duclerc a été produit. Elle regrette surtout que les musiciens soient livrés à eux-mêmes. "Trois mois après la sortie de l'album, si ça ne 'prend' pas auprès du public, il est abandonné". Pour cette manager, les centaines de personnes qui ont soutenu et financé l'artiste sont pourtant "une force qui peux se mutiplier si elle est sollicitée d'ue bonne manière, si on montre le chemin à l'artiste. Autrement dit: ce qu'elle reproche à My Major Company, c'est de ne pas jouer un rôle de véritable maison de disque. D'autres musiciens partagent le même avis. Des récriminations exposées dans un article du Point publié le 9 janvier.
Suite à la parution de cet article, et comme elle l'avait annoncé, la direction My Major Company a publié un "droit de réponses" à ses détracteurs. Le voici. La polémique actuelle trouve sa source dans un groupe Facebook de quelques centaines d?internautes que nous connaissons très bien. Nous entendons leur grogne et la vivons comme un échec personnel, forcément. Il y a des artistes que nous n?avons pas du tout réussi à développer, qui se sont avérés être des insuccès commerciaux et parfois même artistiques. Nous n?avons absolument pas la prétention d?avoir tout réussi dans notre parcours et assumons sans problème notre part de responsabilité dans ces échecs. Nous le disons d?autant plus sereinement que nous sommes certains d?avoir commis des erreurs aussi sur les projets que nous avons réussis. Puis il y a toutes les attaques qui viennent d?artistes ou de leur entourage, heurtés ou déçus par leur expérience avec nous. Malheureusement chaque cas est particulier et appellerait des réponses personnalisées qui n?élèveraient pas le débat. A ce stade nous n?avons que 2 choses à dire : - Notre chiffre d?affaires est constitué à plus de 70% de ventes de disques. Le développement d?artistes est le c?ur de notre activité. Notre intérêt est évidemment qu?un maximum d?entre eux rencontrent un succès commercial. Nous n?avons aucun plaisir ni aucun intérêt à connaitre des échecs. Enfin, quand nous avons créé MyMajorCompany en 2007 nous étions 4 jeunes garçons de 25 ans de moyenne d?âge à lancer le premier label participatif au monde dans un contexte de crise du secteur considérable. Nous avons reçu un accueil médiatique formidable qui a probablement suscité des attentes et des espoirs démesurés et peut-être aussi une vision « romantique » de ce que nous étions. Nous n?avons aucun problème à le reconnaitre. Mais nous n?avons jamais prétendu être autre chose que ce que nous sommes. Nous ne réalisons aucun miracle mais nous pouvons clamer haut et fort que nous n?avons jamais volé personne. Nous sommes droits dans nos bottes, avec notre modèle, nos évolutions, nos échecs et nos succès. A l?heure où MyMajorCompany s?ouvre à tous types de projets (comédie musicale, spectacle, théâtre, patrimoine, dessin, écriture, ?) et où la crise du disque continue à faire de nouvelles victimes, nous sommes plus que jamais convaincus de la pertinence de notre entreprise. Le financement participatif est un outil formidable, générateur de vocations, d?activité, et d?histoires éminemment positives dans leur immense majorité. Nous sommes aussi convaincus de bien le faire. Tous nos chiffres, tous nos succès et tous nos indicateurs tendent à prouver la même chose.
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(article créé le 11/01/2013 et mis à jour le 17/01/2013)
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