« Avec Webedia, nous allons aider les marques à investir dans le digital »

En un an, depuis le rachat de l'éditeur de PurePeople, Fimalac a constitué un groupe de marques reconnues de l'Internet. L'heure est désormais à l'intégration et à l'accélération à l'international. Entretien avec Véronique Morali, présidente de Fimalac.
Véronique Morali, présidente du directoire de Webedia et de Fimalac Développement.

LA TRIBUNE - De TerraFemina à jeuxvideo.com, la trajectoire de Fimalac dans les médias numériques peut surprendre. Quelle a été la philosophie de cette diversification à marche forcée depuis un an ?

VÉRONIQUE MORALI - Fimalac a toujours été un groupe réactif cherchant les métiers d'avenir et les pépites. Je m'étais moi-même engagée dans l'aventure numérique en créant le site TerraFemina. Quand l'opportunité d'entrer au capital de Webedia s'est présentée, nous avons compris qu'elle était unique : Webedia nous a semblé une plateforme de départ extrêmement attractive pour nous déployer dans le digital à travers le divertissement, compte tenu de son expertise reconnue en tant que « media publisher » avec la galaxie de sites PurePeople, PureMedias, et son avance dans le « brand publishing ». Un an après la finalisation, qui a eu lieu fin juillet 2013, nous constatons que nous ne nous sommes pas trompés ! Marc Ladreit de Lacharrière, qui est quelqu'un d'éclectique, avait déjà investi dans le divertissement, la production de spectacles et l'exploitation de salles. Il y a eu un alignement des planètes...

Peu après sa décision de racheter Webedia, d'autres opportunités se sont présentées, car le marché a vu émerger un nouvel acteur autour duquel il est possible de s'agréger. Il y a eu, dans la foulée, Allociné, qui est plus qu'une pépite, c'est une icône de l'Internet français, puis le site de cuisine 750g, la plateforme Overblog, Diwanee au Liban, et jeuxvideo.com, notre plus grosse acquisition, en juin 2014. Notre démarche, à l'origine opportuniste, est guidée par l'idée d'agrégation de sites leaders et de création de valeur autour du divertissement. Les critères d'investissement sont très simples et sains : être leader sur sa thématique, déclinable à l'international, et rentable.

Allez-vous faire une pause dans les acquisitions ou disposez-vous encore d'une enveloppe pour poursuivre votre croissance externe ?

Nous avons investi 240 millions d'euros en un an. Nous sommes ouverts à toute acquisition qui permette d'approfondir nos verticaux, la cuisine, le « glam », le cinéma, les jeux vidéo, mais nous n'avons pas de programme établi. Nous regardons beaucoup de dossiers en France et à l'international, en priorité dans les pays où nous sommes présents comme le Brésil, l'Allemagne, ou au Moyen-Orient. Nous espérons entrer sur le marché nord-américain d'ici trois à cinq ans. Notre audience atteint 21 millions de visiteurs uniques par mois en France et 50 millions à l'international, par agrégation de nos sites : il nous faut désormais déployer tous ces sites de manière organique et développer nos marques.

Comment l'intégration au sein de Webedia va-t-elle générer des synergies?

 Notre idée est de mutualiser tous les outils du « media publishing » de Webedia, qui est notre socle et un creuset d'expertise. Nous avons regroupé toutes les équipes dans nos locaux parisiens. Avec 700 salariés, dont 480 en France, nous commençons à avoir une taille critique. Nous employons 150 développeurs et 200 rédacteurs, ce qui en fait l'une des plus importantes newsrooms de la place. Notre credo est de développer des contenus de qualité qui font de l'audience.

Webedia propose un accompagnement aux marques qui veulent investir le digital. C'est là aussi que se trouvent les synergies, en exportant notre savoir-faire vers les entreprises, et ce, sur les trois Internet : celui de Google, celui des réseaux sociaux et celui de YouTube, qui est un écosystème à part entière. Dans ce domaine, nous avons acquis le réseau multichaîne Melberries, une des rares sociétés en France à avoir le label YouTube.

La monétisation de la pub vidéo ne reste-t-elle pas un défi ?

C'est vrai, la vidéo, tout le monde en veut, mais le marché n'est pas encore tout à fait mûr: il faut que la publicité trouve sa place dans cet univers. Plus généralement, il y a une part d'aléa dans la publicité en ligne, qui est saisonnière et subit l'influence de l'environnement économique. Quant à la baisse du CPM [ndlr : coût pour mille impressions, soit pour mille pages vues], il faut distinguer la publicité classique des opérations spéciales (habillage de page d'accueil, etc.), qui permettent de faire remonter les prix grâce à des formats innovants.

En outre, notre modèle est « autoporté » : nos sites n'achètent pas de mots-clés, leur audience est naturelle, c'est ce qui nous a séduits chez Webedia. Et pour nous « dérisquer » de la pub, nous développons les activités qui n'en sont pas dépendantes, comme l'accompagnement des entreprises dans le digital. La publicité représente 70% de notre chiffre d'affaires, qui s'élèvera à 80 millions d'euros cette année, et s'approchera à terme de 50%. L'an prochain, nous visons 100 millions d'euros. Nous mettons aussi l'accent sur l'international, où la croissance de la pub en ligne est plus forte. La France pèse actuellement 75% des revenus et nous serons à l'équilibre d'exploitation à l'international dès cette année.

Généralisation du « native advertising », du publi-éditorial et de l'infotainment, est-ce l'avenir de la communication et des médias ?

Il y a un vrai débat. Faut-il laisser l'information pure, est-ce éthique de mélanger les contenus ? Dans l'Internet, les gens qui trichent ne survivent pas, c'est une école de la rigueur et c'est très sain. Quand on fait du « native advertising », on ne dit pas qu'on fait de l'information, mais cela ne signifie pas que ce n'est pas du contenu de qualité. Ce n'est pas du publireportage, ni du contenu corporate.

Pour les marques, le « brand content » est un pas de côté qui leur permet de préempter un territoire et de raconter une histoire. L'avenir de la communication est multiple. Nous avons besoin aussi d'une information très pure, comme le montre la forte audience des sites des grands journaux. La communication en ligne ouvre des champs immenses et la possibilité de proposer des formats très créatifs, notamment avec la vidéo.

Vous voyez-vous comme le nouveau numéro un français du média digital ?

Nous ne revendiquons pas ce titre qui a fait la une des journaux ! Webedia a émergé comme un nouvel acteur important du divertissement et du digital en France et en Europe. Selon le dernier classement Nielsen, avec nos 21 millions de VU par mois cumulés, nous nous situons dans les 10 premiers français, juste après les grands portails comme Google, Yahoo et Orange, et nous sommes un des premiers dans le divertissement. Fimalac s'est positionné dans une guerre de mouvement et nous avons permis à Webedia de passer des caps. Cela dit, il faut rester très modeste et lucide : dans l'Internet, il existe des plateformes mondiales extrêmement puissantes.

La presse écrite, à laquelle Marc de Lacharrière s'est intéressé un temps, a-t-elle encore un avenir à vos yeux ?

Je l'espère, en tant que citoyenne. Mais pour le groupe, la page est tournée, nous n'avons pas choisi la voie de la presse écrite, mais celle du digital.

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>> BIO EXPRESS

  • 1990 Diplômée de l'IEP Paris, de l'ESCP et de l'ENA (promotion Denis Diderot 1986). Elle sort de l'Inspection des Finances qu'elle quitte pour rejoindre Fimalac, tout juste fondé par Marc Ladreit de Lacharrière, dont elle est la compagne, en tant qu'adminstrateur général.
  • 2007 Présidente de Chanel qu'elle quitte au bout de six mois. 2008 Crée TerraFemina, site d'information dédié aux femmes.
  • 2010 Nommée membre du conseil de surveillance de Publicis et de Coca Cola Enterprises Inc. 2011 Devient présidente du Women's Forum.
  • 2013 Fimalac entre au capital de Webedia - dont elle devient présidente du directoire - pour 30 millions d'euros, avant d'acquérir Allociné.
  • 2014 Webedia rachète jeuxvideo.com pour 90 millions d'euros en cash à HiMedia, et MoviePilot en Allemagne.

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Commentaires 2
à écrit le 16/09/2014 à 11:00
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"Propos recueillis par Delphine Cuny" ...

à écrit le 11/09/2014 à 8:50
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Et pour investir dans le numérique, les marques attendront que Webedia investisse dans un dictionnaire !

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