Barcelone, capitale européenne de la guerre de la high-tech

Derrière le faste des lancements des derniers smartphones, et les paillettes des discours des stars des télécoms et d'Internet, le Mobile World Congress de Barcelone, du 27 février au 2 mars, ressemble de plus en plus à un « CES européen » où s'affrontent les géants des nouvelles technologies. Retour de Samsung, arrivée de l'IA, de la 5G, convergence entre les télécoms et les médias... voici les tendances de l'année.
Pierre Manière

Dans les gigantesques halls, c'est à chaque fois un sacré brouhaha. Au milieu des tentes et des stands bardés d'écrans à perte de vue, des milliers d'hommes d'affaires, ingénieurs, cadres de grands groupes, analystes, startuppeurs et journalistes naviguent parfois difficilement. Dans de grands amphis, les conférences s'enchaînent. Toutes avec leur myriade d'annonces sur les derniers smartphones en vogue, ou sur la dernière génération de wi-fi. Parfois, l'endroit a des allures de foire, avec son lot d'expérimentations consacrées à la réalité virtuelle, ou de démonstrations de voitures autonomes. Quand ce ne sont pas des robots, répétant inlassablement leurs tours, qui amusent des petits groupes de « costume cravate » en pause-café. À n'en point douter, l'édition 2017 du Mobile World Congress ne fera pas exception.

Du 27 février au 2 mars, le plus grand rassemblement international des technologies mobiles ouvrira ses portes à Barcelone. D'un salon à l'origine pointu et spécialisé, il s'est mué, au fil des ans, en plus gros congrès de la planète high-tech du Vieux Continent. S'il demeure moins pharaonique que le célèbre Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas, qui a lieu tous les ans au début du mois de janvier, le Mobile World Congress constitue malgré tout un rendez-vous important. Comme son grand frère américain, il n'est accessible qu'aux professionnels. En d'autres termes, on y vient autant pour se montrer, exhiber sa dernière innovation, faire affaire, que pour observer ses concurrents et tenter de renifler la prochaine grande révolution technologique. Celle qui fera, tous l'espèrent, sonner le tiroir-caisse.

Sur place, les acteurs viennent du monde entier. Il y a d'abord les « historiques » : les opérateurs mobiles. Parmi eux, le français Orange, le britannique Vodafone, les japonais NTT Docomo et SoftBank, l'indien Bharti Airtel, les américains Verizon et AT & T ou le chinois China Mobile. Les équipementiers télécoms, qui leur vendent du matériel, seront là aussi : les européens Ericsson et Nokia, et leur très ambitieux rival chinois Huawei. Aux premières loges également, il y a bien sûr les fabricants de smartphones. Certains - tels le mastodonte sud-coréen Samsung, Sony ou LG - sont des habitués. D'autres moins. À l'instar d'Apple, dont la participation cette année suscite bien des rumeurs, puisque la marque à la pomme boudait l'événement depuis 2009.

Capter l'attention des médias

Autour de ce noyau dur gravitent des escadrilles d'acteurs, petits ou grands, qui utilisent, de près ou de loin, les technologies mobiles. Certains oeuvrent dans les médias, à l'instar de Netflix ou de Vivendi. D'autres veulent tout révolutionner dans l'Internet des objets (IoT), comme l'opérateur français Sigfox, ou dans la sécurité, comme le russe Kaspersky. Dans ce foisonnant écosystème, des bataillons de startups espèrent, de leur côté, se faire un nom et garnir leur carnet de commandes. L'année dernière, sous la bannière de la French Tech, une centaine de jeunes entreprises françaises ont notamment fait le déplacement. Si l'ambiance paraît bon enfant, il ne faut pas s'y tromper : tous les acteurs présents n'ont que deux idées en tête. Engranger les contrats, et réussir le lancement de leurs nouveaux produits - c'est-à-dire rafler un maximum de retours positifs dans les médias, très présents sur place. Quant aux journalistes, la GSMA (GSM Association), le lobby mondial des opérateurs de téléphonie mobile qui organise le congrès, s'assure qu'ils seront bien là pour multiplier les écrits sur sa précieuse industrie. Pour être accrédité, un reporter doit justifier d'un minimum de quatre à cinq articles sur le monde du mobile, écrits « au cours des trois derniers mois ». Faute de quoi, il risque de voir son sésame éventuellement refusé !

Pour beaucoup de grands noms du mobile, le Mobile World Congress est un moment privilégié pour présenter leurs prochains « flagships » , c'est-à-dire leurs smartphones de référence. À commencer par Samsung, premier vendeur mondial de mobiles. L'an dernier, le géant sud-coréen avait organisé un grand show la veille même du congrès pour présenter son futur best-seller, le Galaxy S7. Histoire de bien étouffer la concurrence, le chaebol s'est même payé le luxe d'inviter Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, pour annoncer un nouveau partenariat. Le coup a donné lieu à une scène surréaliste, voyant le patron du réseau social fendre une foule de 3 000 personnes l'ignorant royalement. La faute aux casques à réalité virtuelle que tous les participants portaient (voir photo ci-contre).

Samsung, le retour ?

Cette année, Samsung est d'autant plus attendu au tournant que l'image du groupe a sévèrement pâti de l'affaire des batteries explosives de sa phablette phare, le Note 7. Le géant sud-coréen devrait lever un bout de voile concernant son prochain Galaxy S8, dont le lancement est prévu sous peu, et sur un prototype du Galaxy X, un smartphone à écran pliable.

L'objectif, pour Samsung, est d'occuper au mieux l'espace médiatique, face à des concurrents très agressifs. En France, le groupe a d'ailleurs lancé son offensive à la mi-février, en se payant de grandes pages de publicité dans Le Monde, Les Échos, Libération et Le Parisien. Sur un autre créneau, d'après des rumeurs de presse, Nokia, qui veut revenir dans les smartphones, pourrait pour sa part ressusciter une vieille gloire : le 3310, un des modèles les plus vendus de l'histoire au début des années 2000. Huawei, de son côté, devrait présenter le P10, son prochain porte-drapeau.

L'IA arrive dans les terminaux

À côté de ces nouveautés, l'arrivée de l'intelligence artificielle dans les terminaux devrait focaliser l'attention des participants. D'après plusieurs cabinets, les prochains smartphones seront bien plus intelligents qu'aujourd'hui. Selon le cabinet Gartner, plus d'un tiers des téléphones qui seront vendus dans le monde cette année (plus de 300 millions) « seront dotés de fonctions intégrées de machine learning » [apprentissage automatique, NDLR]. L'idée est de transformer les terminaux en véritables cerveaux capables de collecter et d'analyser les données des individus et de leur environnement.

L'objectif étant, in fine, de proposer des services et applications bien plus personnalisés, par exemple en matière de santé ou de consommation au sens large.

Les espoirs de la 5G et duel dans l'Internet des Objets

Comme les autres équipementiers, Nokia et Ericsson sont attendus en matière de 5G, la prochaine génération de communication mobile. Sur ce front, en amuse-bouche, les deux groupes se sont récemment rendu coup pour coup, multipliant les annonces de partenariats industriels. Le géant finlandais s'est par exemple associé avec Orange et PSA pour tester des solutions en matière de voiture connectée. Au moment où son concurrent suédois, également allié au leader français des télécoms, effectuait la démonstration d'une communication 5G dont le débit a atteint les 15 gigabits par seconde.

Autre duel attendu : le « classico » entre le français Sigfox et l'alliance internationale LoRa, dans l'Internet des objets.

Les deux acteurs, qui luttent pour imposer leur technologie et leur business model afin de connecter une kyrielle d'objets à travers le globe, s'étaient envoyé piques sur piques l'année dernière. Au point que Ludovic Le Moan, le patron de Sigfox, avait dénoncé avec virulence, dans nos colonnes, une campagne de « bashing » de la part des opérateurs mobiles à son encontre. Le match retour cette année focalisera, à n'en point douter, l'attention des observateurs.

La convergence tuyaux-contenus

Enfin, Barcelone, c'est aussi l'endroit privilégié pour prendre le pouls des grandes tendances macroéconomiques qui bousculent la high-tech. Cette année, la convergence entre les tuyaux des opérateurs télécoms et les contenus des groupes de médias sera au coeur des débats.

Sur scène ou en coulisse, le sujet sera sur toutes les lèvres. Et notamment sur celles des « Frenchies » présents sur place. À commencer par Stéphane Richard, le patron d'Orange, qui discute aujourd'hui d'alliance avec Canal+ pour remplir ses tuyaux. Ou encore Arnaud de Puyfontaine, le patron de Vivendi (maison mère de la chaîne cryptée et de Telecom Italia), dont la « keynote » sera très suivie.

Pierre Manière

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