Pourquoi Bolloré et Lagardère investissent dans la e-santé

RDVmedicaux a annoncé jeudi un investissement de Vivendi, espérant s'associer avec 25.000 médecins dans la prise de rendez-vous en ligne d'ici à 2018, en s'appuyant sur un réseau déjà prêt. De son côté, Mondocteur (Lagardère) mise sur le terrain pour convaincre les praticiens et cherche une rentabilité sur un plus long terme. Les deux sociétés jugent que le marché des rendez-vous médicaux en ligne est en pleine expansion.
Jean-Yves Paillé
Selon les gros acteurs du secteur, 5 à 10% des 222.000 médecins ont souscrit à une solution de rendez-vous médicaux en ligne.

Campagnes d'affichage dans le métro, publicités à la télévision et à la radio, guerre des chiffres... Les sites de prises de rendez-vous médicaux - l'activité de santé connectée qui se développe le mieux aujourd'hui, selon Diane de Bourguesdon, spécialiste en santé digitale au sein du cabinet de conseil Jalma -, se livrent une âpre bataille de communication.

Avec un objectif clair: saisir les parts d'un marché émergent en France. Les gros acteurs du secteur sont d'accord pour dire que de 5% à 10% des professionnels de santé ont souscrit à une solution de rendez-vous médicaux en ligne. Ce qui laisse penser aux Docavenue (Cegedim), Doctolib, Mondocteur (Lagardère) et autres RDVmedicaux (Vivendi) que le marché est potentiellement très important.

Et RDVmedicaux, justement, a annoncé jeudi 16 juin un investissement de Vivendi (dont l'actionnaire principal est Vincent Bolloré), mais dont le montant reste secret...

"Nous avons attendu d'avoir un  projet rentable avant de le présenter à Vivendi. Il l'était fin 2015. Le jour où il ne sera plus, il ne durera pas", assure Patrick Amiel, directeur général de RDVmedicaux.

La société espère, comme ses concurrents, multiplier le nombre de médecins partenaires, et donc, par effet boule de neige, le nombre de clients. La somme investie par Vivendi sera dédiée à la campagne de communication et au recrutement de 35 collaborateurs notamment, multipliant par cinq la force commerciale de RDVmedicaux.

RDVmedicaux vise 25.000 professionnels de santé d'ici à 2018

Revendiquant 4.000 médecins partenaires généralistes et spécialistes, aujourd'hui, RDVmedicaux espère s'associer avec 25.000 professionnels de santé, d'ici à 18 mois. Pour atteindre ses objectifs, la société compte sur le réseau de partenaires établi par Eurice, entreprises qui s'est associée il y a deux ans avec MyBestPro, pour créer RDVMédicaux, désormais sous la coupe de Vivendi.

L'atout d'Eurice: il a édité des agendas électroniques pour plusieurs centaines de secrétariats médicaux qui eux-mêmes gèrent l'agenda de quelque 40.000 médecins. RDVmedicaux par la voix de Patrick Amiel explique :

Nous allons essayer de faire basculer les permanences téléphoniques sur Internet."

Convaincre ces secrétariats, c'est donc convaincre à chaque plusieurs médecins d'un coup. "Notre investissement est proportionnel à notre revenu, c'est un modèle économique pérenne. Nous n'envoyons pas les collaborateurs voir les médecins un par un faire du porte-à-porte", lance Patrick Amiel.

Mondocteur mise sur l'action de terrain

Cette déclaration sonne comme une pique lancée contre des sociétés comme Doctolib ou Mondocteur. Ce dernier avait annoncé en février un investissement de 15 millions d'euros en deux ans de sa maison-mère, le groupe Lagardère Active. "L''investissement est conséquent, c'est vrai, mais le marché explose", s'enthousiasme Thibault Lanthier, cofondateur de la startup. Néanmoins, "il n'attend pas de rentabilité avant 2019-2020". Pendant quinze ans, Amazon n'a pas cherché la rentabilité, préférant se focaliser sur sa croissance", argue-t-il.

La stratégie de ce site de prise de rendez-vous en ligne se fonde sur l'action de terrain. "Nous avons 130 collaborateurs et une trentaine de bureaux dans toute la France. Nous allons directement voir les professionnels de santé dans les cabinets médicaux." Mondocteur ne dévoile pas le nombre de médecins partenaires, "mais annonce 5.000 cabinets ayant souscrit à son offre, soit moins de 2% en France". Il espère équiper "20% des cabinets" médicaux français d'ici à 2018.

"Améliorer la relation professionnels de santé-patients"

Pour se démarquer de ses concurrents, la société propriété de Largadère assure proposer des services plus proches des patients et des médecins. "Nous voulons améliorer la relation professionnels de santé-patients. Les médecins peuvent envoyer des SMS pour indiquer un retard de la consultation, et le patient peut remplir un formulaire à distance  avant sa consultation", dit Thibault Lanthier à La Tribune. "Mondocteur ne fait pas du booking [de la simple réservation, Ndlr]". Comme un retour de pique contre RDVmedicaux...

Faire noter les médecins par les patients...

Le site de Vivendi propose quant à lui un système inédit: une notation des médecins par les patients, allant de "satisfaisant" à "pas satisfaisant". Patrick Amiel assure que le Conseil national de l'ordre des médecins est de son côté, car cela ne touche pas la charte de l'institution. "Sont notés avant tout la ponctualité, l'accueil dans le cabinet. Une modération est faite avant publication pour éviter toutes dérives", explique-t-il. Et au cas où les nouveaux médecins se montreraient méfiant vis-à-vis de ce système, il avance les 97% d'avis positifs des patients pour son site..

Docavenue (Cegedim) tempère l'enthousiasme de ses concurrents

Les objectifs de RDVMedicaux (Vivendi) et Mondocteur (Lagardère) en nombre de médecins ou de cabinets semblent particulièrement ambitieux. Arnaud Billy, directeur général de Docavenue (Cegedim), une société qui propose également des rendez-vous médicaux en ligne, et travaille depuis des années avec des médecins, leur proposant des solutions à la gestion des dossiers des patients, des informations médicales, se dit perplexe, quant aux annonces de ses concurrents.

Docavenue revendique pour le moment 1.500 médecins souscrivant à son option de prise de rendez-vous en ligne lancée fin 2015. Mais il n'espère pas convaincre plus de 50% des 25.000 praticiens qui ont recourt aux services de Cegedim sur les deux prochaines années, un objectif bien en deçà de celui de RDVmedicaux. Et encore, "si la progression est bonne", précise Arnaud Billy à La Tribune. Ce dernier veut ainsi tempérer l'enthousiasme de ses concurrents: "Le marché ne connaîtra pas d'essor du jour au lendemain", assure-t-il, arguant sur le fait qu'obtenir adhésion des médecins ne sera pas simple.

Rapidité et facilité de prise de rendez-vous : l'argument majeur

En attendant, la demande des patients est potentiellement forte pour les sites de rendez-vous médicaux. Alors que le marché balbutiait, début 2015, une étude de marché de PagesJaunesDoc indiquait que 64% des Français confrontés à la difficulté d'obtenir un rendez-vous dans un délai rapide renonceraient à consulter un spécialiste. or la célérité de la prise de rendez-vous est l'un des principaux arguments commerciaux lancé par ces sites. Par ailleurs, plus de 28 millions de consultations médicales sont perdus chaque année. C'est un argument de plus pour convaincre les médecins de l'utilité de ces sites. Si un rendez-vous est annulé au dernier moment, il est possible via ses plateformes de signifier rapidement que le créneau s'est libéré.

Néanmoins, concernant le nombre de rendez-vous médicaux pris en ligne au total, il est difficile de se faire une idée précise, faute d'étude objective sur le sujet. Et les chiffres avancés peuvent susciter des doutes en raison des écarts entre certains acteurs. En février, Doctolib et Mondocteur en revendiquait respectivement plus de 1,5 million et plus de 1 million par mois. RDVmedicaux assure en avoir 150.000 seulement...

Le leader du marché en France serait néanmoins Doctolib, qui assure à La Tribune être en partenariat avec 7.500 médecins. Son leadership n'est en tout cas pas contesté par ses concurrents.

Grandes ambitions de Vivendi et Lagardère dans la e-santé

Si Bolloré et Lagardère se livrent une concurrence âpre dans les rendez-vous médicaux, leurs projets et une partie de leurs activités dans la e-santé divergent. Vivendi veut aller plus loin dans la e-santé. RDVmedicaux propose déjà un service d'information médicale par téléphone. Pour des symptômes précis, une personne peut obtenir en ligne un premier éclairage auprès d'un médecin. La société va développer également un service de télémédecine, avec une solution de consultation par visioconférence, espérant que les agences régionales de santé intègreront sa solution.

Quant à Lagardère, ce dernier veut bâtir "un champion français de la e-santé", assure Thibault Lanthier, en développant Mondocteur, et en maintenant son leadership dans l'information bien-être et santé avec Doctissimo.

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 2
à écrit le 20/06/2016 à 9:52
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SI C EST UNE SOLUTION D AVENIR ?POURQUOI PAS? MAIS CELA DEMANDE BEAUCOUP PLUS DE PERSONNE FORME AUX ORDINATEURS? IL VAS FALLOIR METTRE PLUS DE FORMATIONS A LA PRATIQUE DE L ORDINATEURS EN FRANCE POUR ATEINDRE L OBJETIFS DE RENTABILISATION ???

à écrit le 17/06/2016 à 12:47
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C'est un peu une publicité déguisée. Ca risque de ne pas durer. Tout au moins en l'état.

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