Pourquoi Verizon trouve son costume d'opérateur de télécommunications trop étroit

En rachetant AOL pour 4,4 milliards de dollars, Verizon affiche ses ambitions : il veut devenir pourvoyeur et créateur de contenus - comme les vidéos en ligne -, pour tirer profit de la manne publicitaire sur Internet.
Pierre Manière
Verizon mise sur la publicité en ligne pour monétiser ses contenus.

L'acquisition ne constitue pas une surprise. Depuis le mois de janvier, les rumeurs d'un rachat d'AOL par Verizon s'étaient faites de plus en plus pressantes. A ce moment-là, l'agence Bloomberg avait fait état de « discussions privées » entre les deux groupes. Interrogé à ce sujet, Lowell McAdam, le Pdg du deuxième opérateur de télécommunications américain (derrière AT&T) avait botté en touche. Pour lui, « des partenariats » avec « des groupes de médias et des producteurs de contenus » avaient alors sa préférence... Pourtant, ce mardi, Verizon a préféré avaler le pionnier du numérique. Montant de l'opération : 4,4 milliards de dollars.

But de la manœuvre : "donner naissance au plus gros acteur de téléphonie mobile et de vidéo américain", souligne Tim Armstrong, le patron d'AOL, au Monde. Coté contenus, AOL permettra à Verizon de se développer fortement dans la vidéo. Outre le journal en ligne The Huffington Post, les sites TechCrunch, Endgadget, Makers ou aol.com -, l'ex-portail phare de l'Internet produit des séries propres. De son côté, Verizon n'est pas en reste, puisque l'opérateur prévoit de lancer un service de vidéos en ligne cet été.

Profiter de la force d'AOL dans la publicité programmatique

S'il souhaite se renforcer dans la production et la diffusion de contenus, Verizon souhaite surtout les monétiser. Et justement, AOL est passé maître sur le front de la publicité programmatique. En 2013, le groupe a notamment racheté la plateforme de ciblage publicitaire vidéo Adap.tv pour 418 millions de dollars. En mettant la main sur AOL, l'opérateur espère ainsi se tailler une bonne part du marché publicitaire sur Internet.

Ce créneau, tiré notamment par la consommation exponentielle de la vidéo sur mobile, est en plein boom. Selon le cabinet eMarketer, le marché de la publicité digitale pèsera 170 milliards de dollars d'ici à la fin de l'année, dont 64,25 milliards pour le mobile. Lequel pourrait franchir la barre des 160 milliards de dollars d'ici à 2018...

Trouver des relais de croissance pour compenser la neutralité du Net

Mais, jusqu'à présent, cette manne échappait au géant des télécoms, qui se contentait pour l'essentiel de fournir les infrastructures, c'est-à-dire des "tuyaux", pour acheminer les contenus à ses utilisateurs. "Or, ces infrastructures coûtent très cher et nécessitent sans cesse de très lourds investissements, dans un climat de concurrence féroce", constate Théodore-Michel Vrangos, fin connaisseur du secteur et à la tête de la société I-Tracing. "Les opérateurs de télécommunications sont donc contraints de trouver d'autres sources de revenus, de nouveaux relais de croissance", poursuit-il.

Pour Andrew Franck, analyste chez Gartner, Verizon considère qu'un opérateur de télécommunications ne doit pas uniquement fournir des "dumb pipes", soit des "tuyaux neutres" où transitent les contenus. Or, en février dernier, la Federal Communications Commission (FCC), le régulateur américain des télécommunications, a adopté une nouvelle réglementation concernant la neutralité du Net. Celle-ci interdit notamment aux fournisseurs d'accès à Internet de faire payer pour garantir un accès privilégié (une voie rapide), pour certains services en ligne comme Youtube ou Netflix.

« Les fournisseurs de contenus sont confrontés à une régulation de plus en plus forte aux Etats-Unis, renchérit Andrew Franck. En outre, comme la distribution de contenus en ligne devient la norme sur Internet, y compris pour la télévision, cela rend la diversification dans les services comme la publicité en ligne plus attractive. »

Si cette diversification fait sens, elle sonne aussi comme un défi pour Verizon. La gestion de plusieurs activités n'est jamais un exercice aisé.

En France, on se rappelle au bon souvenir de Vivendi. D'un conglomérat tentaculaire, le groupe a finalement choisi, sous pression de ses actionnaires, de céder ses activités dans les télécoms pour se recentrer dans les médias et les contenus, comme en témoigne son désengagement de SFR au profit de Numericable l'an dernier, et son appétit pour Dailymotion.

Pierre Manière

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Commentaires 3
à écrit le 13/05/2015 à 16:32
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Il est évident que la différence de capitalisation va bientôt permettre aux acteurs américains du net d'avaler ce qui reste des opérateurs américains avant de faire de même au niveau mondial. Pour cela un peu de préparation : on a d'abord dédommagé l...

à écrit le 13/05/2015 à 15:35
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Superbe ! le groupe français Verizon part à la conquête de l'Amérique !!

le 14/05/2015 à 10:04
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Verizon, français ? c'est une blague ou vous êtes très mal renseigné ? Verizon est un des 2 gros opérateurs US (l'autre étant ATT)

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