Le français TVTY, le "Criteo de la pub en temps réel", lève 6 millions d’euros

Pour sa série B, la pépite française TVTY, spécialisée dans le reciblage publicitaire en temps réel, boucle un deuxième tour de table de 6 millions d’euros auprès de ses investisseurs historiques Partech Ventures et 360 Capital Partners, ainsi que le fonds Serena Capital. Avec l'ambition de doubler ses effectifs pour s’affirmer comme le leader mondial du "moment marketing". Explications.
Sylvain Rolland
Eliott Reilhac et Pierre Marechal, les deux fondateurs de TVTY, sont devenus les leaders mondiaux d'une petite niche dans le marché de la publicité en ligne : celle des "moments publicitaires", c'est-à-dire la publicité en temps réel contextualisée.

Jeudi 7 juillet, 22h28, stade Vélodrome de Marseille. Antoine Griezmann inscrit le deuxième but tricolore en demi-finales de l'Euro 2016 face à l'Allemagne. Après les embrassades de rigueur, de nombreux téléspectateurs partagent leur joie sur les réseaux sociaux. Ni une ni deux, Volkswagen profite du moment pour promouvoir ses nouveaux modèles de voitures. "2.0 pour la France ! Finitions impeccables, comme dans le nouveau Tiguan", écrit le constructeur automobile. Rebelote après le coup de sifflet final. "Désolé l'Allemagne. Ce soir Volkswagen soutient les Bleus".

Changement de décor. C'est le mois de juin, à Londres, le matin pendant l'heure de pointe. Le temps est maussade et les transports en commun sont bloqués. "Votre journée n'est pas ratée, prenez un Actimel", peuvent voir les passants qui surfent sur Twitter et Facebook, dans les emplacements dédiés aux contenus sponsorisés de leur fils d'actualités.

Jouer sur les émotions

Le point commun entre ces deux messages publicitaires ? La startup TVTY, dont le nom étrange signifie "TV thank you". "Pour Volkswagen comme pour Danone, l'objectif est de toucher les consommateurs au moment le plus adéquat pour vendre le maximum de produits" explique Pierre Marechal, 31 ans, le co-fondateur et directeur des opérations de l'entreprise.

La publicité jouant sur des ressorts émotionnels inconscients, Volkswagen a saisi l'occasion d'associer ses voitures aux grands moments de l'Euro de football, vécu en direct à la télévision. De son côté, pour promouvoir son yaourt probiotique censé renforcer les défenses naturelles, Danone voulait toucher les consommateurs "quand ils se sentent mal, stressés ou irrités". Un état d'esprit jugé opportun pour avoir envie de consommer un Actimel, dans le cadre d'une campagne intitulée "Stay strong" (reste fort). Grâce à des messages contextualisés -et donc plus percutants-, les deux marques ont trouvé, à un moment T, un moyen original de s'adresser à leurs cibles.

Bienvenue dans l'ère du "moment marketing"

Pépite parmi d'autres dans la jungle des adtech -les startups spécialisées dans les technologies publicitaires-, TVTY se positionne sur une niche encore peu exploitée, celle de la publicité en ligne en temps réel, qui s'intègre dans un contexte spécifique. "Criteo [le leader mondial du reciblage publicitaire, NDLR] cible la bonne publicité pour chaque personne. Nous, on cible le bon moment pour un grand nombre de personnes", résume Pierre Marechal.

Concrètement, la startup a développé une technologie de "tracking" qui permet de mouliner et d'analyser un grand nombre de données -jusqu'à 25.000 sources, internes ou agrégées via des tiers, comme les données météo-, puis de lancer quasi-instantanément et automatiquement une campagne publicitaire numérique à partir de moments hors ligne tels que des émissions télévisées, des spots publicitaires, des événements sportifs ou météorologiques.

Chaque client définit en amont, avec les équipes de TVTY, des "moments" propices, avec un message adapté. Le plus souvent, les clients se calquent sur les contenus diffusés à la télévision. L'algorithme de TVTY traite 1,3 milliard d'images télévisées par jour, et lance une campagne toutes les sept secondes en moyenne. Une marque d'électroménager va par exemple programmer une campagne qui devra se déclencher sur les canaux en ligne (moteurs de recherche, médias, réseaux sociaux...) pendant la diffusion d'une émission culinaire. Mais plus l'entreprise étoffe son catalogue de données, plus les potentialités se multiplient. Ainsi, lors de chaque annonce de pic de pollution, TVTY déclenche une campagne en ligne pour Renault, qui promeut alors ses voitures électriques. Et le parc Astérix, qui a remarqué que ses publicités étaient plus efficaces quand il fait beau, se sert des données météo pour communiquer quand le temps est favorable.

6 millions d'euros pour doubler les effectifs

Aujourd'hui, 1.250 marques utilisent la plateforme de TVTY, dont des "gros" comme Danone, Sony, Intel, Coca-Cola, Renault, Netflix (aux Etats-Unis uniquement) ou encore les laboratoires Gsk. Les six plus grandes agences de publicité mondiales font également partie du portefeuille, dont Havas et Publicis, ce qui permet à la startup de mener des campagnes dans une quarantaine de pays depuis trois bureaux : Paris (où se situe le siège), Londres et New York.

Après un premier tour de table de 3,3 millions d'euros en mai 2014 pour développer l'internationalisation, TVTY repasse à la caisse. Pour la Série B, les deux fondateurs Eliott Reilhac et Pierre Marechal lèvent 6 millions d'euros auprès du fonds Serena Capital et de leurs investisseurs historiques, les fonds Partech Ventures et 360 Capital Partners. L'objectif ? Accélérer, conquérir de nouveaux clients, en doublant quasiment les effectifs de l'entreprise. Pour l'heure, TVTY emploie 60 personnes, dont 35 à Paris, 15 à Londres et 10 à New York. Elle compte doubler son équipe de R&D à Paris, qui compte aujourd'hui 20 personnes, et passer de 15 à 30 employés dédiés au service client, c'est-à-dire ceux qui définissent les campagnes et les "moments" en amont avec les marques.

Partenaire de Google et de Criteo

Lancée fin 2009, TVTY a connu le succès sur le tard. Son histoire est même assez chaotique, si bien que la startup a dû "pivoter" pour trouver sa véritable proposition de valeur. Son premier service, baptisé Scanbucks, était une application de "chasse au trésor en magasin" vendue aux distributeurs et destinée aux consommateurs. "Les clients de géolocalisaient à l'entrée du magasin et devaient aller chercher une série de produits dans les rayons. Cela leur donnait des points convertibles en bons d'achat", se souvient Pierre Marechal. Si les marques étaient séduites, les consommateurs, eux, n'ont pas adhéré au concept. Non seulement car les applications n'étaient pas à la mode à l'époque -à part pour les technophiles-, mais aussi parce que le client n'a pas forcément envie de perdre du temps dans le supermarché pour chercher des produits dont il n'a pas forcément besoin, même pour des réductions à la clé.

Après des hésitations et un gros travail de R&D, la plateforme actuelle naît à la fin de l'année 2013. Et rencontre le succès. Selon Danone, lors d'une campagne "Moments", le taux de clic de ses publicités augmente de 39%, et les mentions sur les réseaux sociaux bondissent de 218%. "En moyenne, nous faisons gagner à nos clients 40% de visibilité en plus", estime Pierre Marechal.

De leur côté, les marques se laissent tenter de plus en plus. Les cabinets de conseil Warc et Deloitte ont identifié le "moment marketing" comme l'une des plus fortes tendances mondiales en 2016. Pour Pierre Marechal, le potentiel de développement de TVTY est énorme:

"Nous ne sommes pas une solution publicitaire de plus, mais une surcouche. Les marques gardent leur stratégie de publicité habituelle, mais elles font appel à nous pour un service spécifique, lorsqu'elles ont besoin d'utiliser le temps réel et le contexte. Cela nous permet d'être les partenaires des leaders du secteur, comme Google et Criteo, et de gagner des marchés avec eux".

L'introduction en Bourse en ligne de mire ?

Confiants dans leur technologie et rassurés par leur succès ces deux dernières années, les deux entrepreneurs voient loin. "On pourrait intéresser des grands groupes de publicité car nous sommes les leaders d'une niche prometteuse, mais on a plutôt intérêt à suivre les traces de Criteo, avec pourquoi pas une entrée en Bourse aux Etats-Unis dans quelques années. Ce serait mon rêve", poursuit-il.

Ce n'est pas encore pour demain. La startup, qui réalise environ 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, estime que sa levée de fonds de 6 millions d'euros lui permettra de tenir jusqu'à "fin 2017, début 2018", avant un tour de table beaucoup plus conséquent. Mais le rêve est un moteur puissant...

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 13/09/2016 à 8:51
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C'est pas un peu l'économie de la misère la publicité quand même ? Aucune publicité ne redonnera du pouvoir d'achat, moins j'ai de moyen et moins je peux acheter, la publicité ne peut qu'inciter à l'endettement.

à écrit le 13/09/2016 à 8:20
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De plus en plus de camelote à vendre à des moutons de plus en plus fauchés, qui n'en peuvent déjà plus de la pub, et qui se dotent de tous les antipubs/antispams qu'ils peuvent, et on continue à financer ce genre de machins ? Ya pas comme un truc qui...

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