Salesforce : la frénésie d’acquisitions qui effraie les actionnaires

Après la publication de ses résultats trimestriels, le cours de Bourse du géant du CRM Salesforce a chuté de 6,95% dans les échanges post-clôture. En cause : la frénésie d’acquisitions de l’entreprise, qui a dépensé 4 milliards de dollars en un an, et des perspectives jugées décevantes pour le prochain trimestre.
Sylvain Rolland
Malgré des résultats trimestriels supérieurs aux attentes et en progression sur un an, le cours de Bourse de Salesforce a chuté.

Dans le monde des entreprises cotées, de bons résultats financiers ne rassurent pas forcément les actionnaires. Le géant des logiciels de gestion de la relation client, Salesforce, en fait les frais. Mercredi soir, Marc Benioff, son emblématique Pdg, a pourtant présenté d'excellents résultats trimestriels. Le chiffre d'affaires de Salesforce a atteint 2,04 milliards de dollars sur les trois derniers mois, soit une progression spectaculaire de 25% sur un an. Grâce à un bénéfice net de 229,6 millions de dollars et à un bénéfice par action de 24 cents (la référence à Wall Street), ces résultats dépassent les attentes des analystes.

Pourtant, la valeur du titre en Bourse a chuté de 6,95% dans les échanges post-clôture, et ouvrait ce jeudi en nette baisse (75,45 dollars par action à l'ouverture, contre 79,42 dollars à la clôture mercredi soir). En cause, deux éléments. Le premier concerne les perspectives pour le prochain trimestre, jugées un peu courtes. L'entreprise anticipe un bénéfice par action ajusté de 20 à 21 cents, pour un chiffre d'affaires de 2,11 à 2,12 milliards de dollars, alors que les analystes espéraient 2,13 milliards.

4 milliards de dollars d'acquisitions en un an

La deuxième raison tient aux doutes des actionnaires concernant les multiples acquisitions de la compagnie. En un an, Salesforce a dépensé 4 milliards de dollars pour s'offrir douze d'entreprises. Une accélération inédite dans son histoire. "Salesforce réalise que dans l'univers du logiciel pour les entreprises, vous devez frapper fort pour rester leader", explique à La Tribune Michael Maoz, vice-président de l'institut Gartner.

Pour mettre la main sur Demandware (application d'e-commerce en mode Saas), Salesforce a déboursé pas moins de 2,8 milliards de dollars. L'objectif : faire entrer l'entreprise dans l'écosystème du e-commerce et créer, selon Alexandre Dayon, le président produit de Salesforce, son "prochain business à un milliard de dollars".

Ces derniers mois, le géant a aussi racheté Quip, une plateforme de traitement de texte collaborative dans le cloud, une sorte de croisement entre Google Docs, Slack et Office 365, pour 450 millions de dollars. Ou encore la startup SteelBrick, pour 360 millions de dollars, qui a créé un outil de gestion des tarifications et des devis que Salesforce voulait intégrer à ses services. En juin dernier, Salesforce était même prêt à s'endetter massivement pour racheter le réseau social professionnel LindkedIn, que son concurrent Microsoft a finalement obtenu pour 26,2 milliards de dollars.

Vague de spéculations

Même si Salesforce a toujours préféré miser sur les acquisitions de startups plutôt que sur sa propre R&D (qui ne représentait en 2015 que 14% de son chiffre d'affaires, contre plus de 20% en moyenne dans le secteur des applications Saas), cette frénésie commence à inquiéter les actionnaires, qui peinent à percevoir la stratégie derrière ces manœuvres. "L'intense activité de Salesforce a inspiré une vague de spéculations, les investisseurs se demandent quelle est la direction de l'entreprise", écrivait l'institut Macquarie Research dans une note datée du mois d'août.

Pour Michael Maoz, de Gartner, la réaction des actionnaires traduit davantage des inquiétudes de court-terme. Car les acquisitions réduisent la croissance du groupe et pèsent sur le bénéfice par action... qui reste la principale préoccupation de nombreux actionnaires. "Les fondamentaux de Salesforce sont très bons et sa capacité d'innovation est la plus forte du secteur. Elle semble placer les profits à long terme devant la croissance à tout prix, ce qui est une bonne stratégie", relativise-t-il.

Devant les actionnaires, qui attendaient une explication, Marc Benioff a également évoqué des opportunités à ne pas manquer pour consolider la position de l'entreprise et garder une longueur d'avance dans l'innovation. Les places sont chères dans le logiciel, et l'ubérisation par un concurrent reste une angoisse, comme l'expliquait Peter Harris, l'un des cofondateurs de Salesforce, en 2013:

"Nous savons pertinemment que nous ne pouvons pas tout inventer. Nous voulons donc adopter une attitude très ouverte vis-à-vis de l'innovation, pour percevoir quel modèle pourrait émerger après le nôtre et nous challenger".

Salesforce Einstein, la croissance des dix années à venir ?

Pour soutenir son développement, Salesforce s'est toujours appuyé sur deux piliers : la croissance organique et la croissance externe. Une stratégie payante : le chiffre d'affaires ne cesse de progresser à grande vitesse tous les ans, passant de 500 millions de dollars en 2007 à 1,3 milliard en 2010, 3,05 milliards en 2013, 5,37 milliards en 2015 et enfin 6,67 milliards sur l'exercice fiscal 2016. Pour l'exercice 2017, qui se conclura en décembre prochain, l'entreprise table même sur un chiffre d'affaires estimé à 8,20 milliards de dollars. Mais la médaille a son revers. Depuis 2006, les nombreux investissements contribuent à ses pertes récurrentes : 47,4 et 262,7 millions de dollars sur les deux derniers exercices fiscaux.

En revanche, malgré les réticences de certains actionnaires, Salesforce mène une stratégie d'acquisitions cohérente, qui vise à développer de nouveaux logiciels et des extensions pour les offres Sales Cloud, Service Cloud, Marketing Cloud et Analytics Cloud, qui drainent l'essentiel de son chiffre d'affaires.

Dans cette optique, la société présentera en octobre Salesforce Einstein, sa nouvelle plateforme d'intelligence artificielle, conçue grâce aux technologies des startups MetaMind (deep learning), Implisit (analyse décisionnelle), PredictionIO (moteur d'auto-apprentissage), TempoAI (assistant personnel) ou encore RelatelQ (analyse des données), rachetées ces deux dernières années.

Pour Marc Benioff, Salesforce Einstein sera "la meilleure plateforme d'intelligence artificielle de l'industrie, au même niveau que Watson d'IBM". L'objectif : permettre à la fois aux développeurs et aux utilisateurs métier de créer de nouvelles applications d'intelligence artificielle, pour révolutionner, encore, la gestion de la relation client.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 02/09/2016 à 11:59
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Plus il y aura d'acquisitions et plus la fin est proche !!!! c'est l'évidence meme.

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