Snapchat, l’insolent réseau social qui défie Facebook

Même si Facebook (avec Instagram et Messenger) tente de lui mettre des bâtons dans les roues, Snapchat reste le réseau social le plus populaire chez les jeunes et entend profiter de cet avantage pour devenir lui aussi un géant. Depuis quelques mois, la plateforme d’Evan Spiegel multiplie les initiatives pour changer de dimension. Explications.
Sylvain Rolland
Snapchat pourrait dégager en 2016 jusqu'à 356 millions de dollars de chiffre d'affaires, contre 59 millions en 2015.

Dans le petit monde des réseaux sociaux grand public, Mark Zuckerberg est incontestablement le roi. Facebook, créé en 2004, revendique 1,71 milliard de membres actifs par mois. Grâce au très lucratif business de la publicité ciblée, le réseau s'est imposé comme l'une des entreprises les plus rentables au monde et affiche une valorisation de plus de 350 milliards de dollars.

Ce n'est pas tout. Pour asseoir sa domination, Facebook a aussi mis la main sur les concurrents les plus prometteurs. Instagram, racheté en 2012, compte plus de 500 millions d'utilisateurs. Whatsapp, acquis en 2014, a dépassé le milliard en juin. Et l'outil de discussions instantanées Messenger, à l'origine un onglet de Facebook, s'est muté en application indépendante qui vient aussi de franchir le cap du milliard de membres. Quant à la concurrence, elle est soit en grande difficulté (Twitter, incapable de se monétiser et en panne de croissance), soit tout simplement pas de taille pour rivaliser (Line, Tumblr, Skype, Viber, Pinterest, Telegram...)

Snapchat, le réseau social préféré des Millennials

Mais Facebook a une épine dans le pied. Elle s'appelle Snapchat. Créée en septembre 2011 par Evan Spiegel, ancien de l'université de Stanford en Californie, l'application au logo de fantôme jaune a su en quelques années devenir le réseau social préféré des Millennials, au nez et à la barbe de Facebook, grâce à ses photos qui s'autodétruisent après réception et à ses filtres originaux.

Bien entendu, Mark Zuckerberg a flairé très vite le danger. En 2013, il posait trois milliards de dollars sur la table pour racheter Snapchat. Sans succès : l'impertinent préfère faire cavalier seul. Persuadé que son service dispose du potentiel pour devenir seul un géant, Evan Spiegel a éconduit Facebook comme Google et le chinois Tencent avant lui. A l'époque, son refus avait été perçu comme une folie.

Le défi de la monétisation

Certes, le chemin est encore long. Snapchat revendique aujourd'hui 150 millions d'utilisateurs actifs par jour, très loin de Facebook, et n'est toujours pas rentable. Mais son audience de ne cesse de grossir et surtout, celle-ci est jeune et mobile. Un paradis pour les annonceurs, qui fait de Snapchat une plateforme idéale pour accompagner la mutation des usages.

Facebook et Snapchat s'inspirent d'ailleurs du même modèle, le chinois WeChat, qui n'est pas seulement une messagerie mais une véritable plateforme qui permet de faire des emplettes sur internet, de réserver un taxi, de commander à manger ou de lire l'actualité. L'objectif est clair : faire en sorte que l'utilisateur se serve de son réseau social comme d'une porte d'entrée vers un écosystème de services toujours plus large, ce qui permettra de récolter toujours plus de données personnelles et d'engranger toujours plus de revenus publicitaires, le nerf de la guerre.

Depuis quelques mois, Snapchat multiplie donc les chantiers pour changer de dimension. En juillet, il a lancé Memories, qui permet de stocker du contenu (snaps et stories) dans un espace privé et de visionner d'autres images enregistrées dans le téléphone. Une nouvelle brique qui s'ajoute à Discover, déployé en 2015. Ce service de diffusion de vidéos permet à des médias partenaires (18 actuellement, dont Buzzfeed, Vice, Cosmopolitan, ESPN, People, Mashable...), de diffuser sur la plateforme un contenu spécialement pensé pour Snapchat, qui se rémunère par des publicités.

Rachats de startups pour améliorer l'expérience utilisateur

L'autre défi de Snapchat est d'améliorer son expérience utilisateur pour encourager son public à passer plus de temps sur la plateforme. Pour cela, Snapchat a musclé sa bibliothèque d'émoticônes et a ajouté en avril l'échange de textes et de vidéos en plus des photos. Les utilisateurs peuvent aussi passer des coups de fil audio et vidéo.

Pour ne pas rater une tendance, Snapchat intensifie le rythme de ses acquisitions. En septembre 2015, le réseau social achetait (pour un montant inconnu) la startup ukrainienne Looksery, spécialisée dans les retouches de selfies et de vidéos. En mars dernier, il mettait la main sur la startup canadienne Bitstrips (création d'avatars dans le style bande-dessinée) pour 100 millions de dollars. Ces nouveaux services sont très populaires sur la plateforme.

Dernière manœuvre en date : le rachat, le 16 août, pour près de 110 millions de dollars, de la startup américaine Vurb, un moteur de recherche mobile qui facilite la découverte de lieux et de loisirs. Une indication selon laquelle Snapchat cherche non seulement à étendre son offre de services, mais aussi à simplifier son interface. La technologie de Vurb pourrait grandement améliorer la fonction de recherche sur Snapchat, qui est son point faible. Elle pourrait aussi par exemple permettre à plusieurs personnes de planifier une sortie au restaurant ou au cinéma pendant leur converrsation, en leur fournissant directement toutes les informations dont ils ont besoin. De quoi rendre Snapchat indispensable pour la planification de la vie quotidienne...

Un trésor de 1,8 milliard de dollars

Face à cette agitation, Mark Zuckerberg contre-attaque en... copiant son concurrent. Au début du mois, Instragram, propriété de Facebook, a lancé Instagram Stories, qui permet à chacun de publier des photos et des vidéos qui disparaissent après 24 heures. Exactement comme les stories de Snapchat.

Si les défis restent encore nombreux pour Snapchat avant de pouvoir se prétendre un géant, l'entreprise n'a pas les poches vides pour financer sa transformation en plateforme. En mai dernier, le fantôme jaune a levé 1,8 milliard de dollars auprès de grands fonds d'investissements, comme Sequoia Capital ou General Atlantic. Cette somme colossale valorise le service à hauteur de 20 milliards de dollars. En travaillant d'arrache-pied pour que ses utilisateurs passent davantage de temps sur la plateforme et utilisent de plus en plus de nouveaux services qui rapportent de la publicité, la monétisation devrait suivre. Selon les estimations des analystes, Snapchat pourrait dégager en 2016 jusqu'à 356 millions de dollars de chiffre d'affaires, contre 59 millions en 2015.

Sylvain Rolland

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