Surveillance des salariés : les entreprises pourront être sanctionnées

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a sanctionné ce mardi en appel la surveillance des courriels privés par un employeur en Roumanie pour licencier un de ses salariés en 2007. Une décision qui pourrait faire jurisprudence dans les 47 pays membres du Conseil de l'Europe.
Bogdan Mihai Bărbulescu avait dénoncé l'espionnage de ses communications par son employeur, s'estimant victime d'une violation du droit au respect de la vie privée.

Les salariés ont droit au respect de leur vie privée sur leur lieu de travail, y compris dans leurs communications électroniques qui ne peuvent être contrôlées qu'à certaines conditions, a expliqué ce mardi la Cour européenne des droits de l'Homme.

Dans un arrêt de la grande chambre, concernant un ingénieur roumain licencié pour avoir utilisé à des fins personnelles une messagerie électronique, elle estime que les juridictions nationales, qui ont validé la sanction, n'ont pas ménagé "un juste équilibre entre les intérêts en jeu. [...] Les autorités nationales étaient tenues de mettre en balance les intérêts concurrents en jeu, à savoir le droit de M. Barbulescu (ndlr : le salarié mis en cause) au respect de sa vie privée, d'une part, et le droit de l'employeur de prendre des mesures pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise, d'autre part".

Le droit au respect de la vie privée

Bogdan Mihai Barbulescu, en charge des ventes dans une entreprise de Bucarest, s'était vu reprocher l'usage, contraire au règlement, de cette messagerie à des fins privées, un usage attesté par 45 pages de transcription d'échanges sur une semaine avec son frère et sa fiancée. La Cour de Strasbourg affirme :

"Les instructions d'un employeur ne peuvent pas réduire à néant l'exercice de la vie privée sociale sur le lieu de travail. Le droit au respect de la vie privée et de la confidentialité de la correspondance continue de s'appliquer, même si ces dernières peuvent être limitées dans la mesure du nécessaire."

L'arrêt, qui est définitif, conclut à la violation du droit au respect de la vie privée, inversant, par onze voix contre six, un arrêt de première instance rendu le 12 janvier 2016.

Bogdan Mihai Barbulescu avait dénoncé l'espionnage de ses communications par son employeur, s'estimant victime d'une violation du droit au respect de la vie privée et de la correspondance, protégé par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme.

Les tribunaux roumains l'avaient débouté. Ils avaient jugé que la conduite de l'employeur avait été raisonnable, et que la surveillance des communications avait constitué le seul moyen d'établir qu'il y avait infraction disciplinaire.

La CEDH avait confirmé cette approche en janvier 2016, considérant que le droit au respect de la vie privée et de la correspondance de Bogdan Mihai Barbulescu n'avait pas été violé par son employeur. La Cour avait validé la possibilité, pour une entreprise, de surveiller l'usage de l'Internet dans le cadre d'une procédure disciplinaire. L'employé avait alors fait appel et la CEDH a accepté de réexaminer sa décision.

Le droit à une information préalable

Selon la juridiction du Conseil de l'Europe, le respect des droits de l'employé exigeait qu'il soit au minimum informé préalablement de la possibilité d'une surveillance de ses communications et de l'étendue de celle-ci. La Cour estime également que les juridictions roumaines n'ont pas suffisamment vérifié "l'existence de raisons légitimes" justifiant cette surveillance ni "si le but poursuivi par l'employeur aurait pu être atteint par des méthodes moins intrusives".

Les juges ont, par ailleurs, considéré que les tribunaux roumains "n'ont pas déterminé quelles raisons spécifiques avaient justifié la mise en place des mesures de surveillance" et ne se sont pas prononcés sur "la possibilité pour l'employeur de faire usage de mesures moins intrusives pour la vie privée et la correspondance de M. Barbulescu".

Paris soulignait notamment que, si le droit français autorise les employeurs à installer un logiciel de surveillance sur l'ordinateur de leurs salariés, ceux-ci doivent en être informés préalablement. Par ailleurs, des messages identifiés comme personnels ne peuvent être contrôlés à des fins disciplinaires qu'après la saisie d'un juge et par une autorité compétente.

(avec agences)

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Commentaires 2
à écrit le 05/09/2017 à 17:19
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En plus si c'est un employeur- harceleur- ou pervers narcissique... la loi lui donne ce " droit" Bonjour les sucides et les burn-out ou bore out.... Mais bon il y a aussi des abus du côtés des salariés d'où la nécessité urgente de donner un droit d...

à écrit le 05/09/2017 à 16:25
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Merci d'avoir suivi cette actualité autrement plus intéressante que le bavardage stérile de macron et de sa bande. "si le droit français autorise les employeurs à installer un logiciel de surveillance sur l'ordinateur de leurs salariés, ceux-ci d...

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