Stéphane Richard : « La question d'un EADS des télécoms mérite d'être posée »

Le PDG de France Télécom s'est rendu ce jeudi à Marseille pour inaugurer le réseau de très haut débit mobile, la 4G, à Marseille. Rapports avec Free, débats sur la relocalisation des centres d'appels, fusion avec Deutsche Telekom : il revient sur les grands sujets qui agitent le secteur.
Stéphane Richard, le PDG de France Télécom, annonçant le lancement de la 4G à Marseille ce jeudi. Copyright AFP

Vous annoncez le lancement de la 4G, à Marseille, première ville que vous couvrez. Quand passera-t-on du test à la véritable ouverture commerciale ?
Stéphane Richard : Ce n'est pas une expérimentation, c'est un vrai réseau ! Toute la ville de Marseille sera couverte dans quelques mois. Sur les 200 antennes 3G de la ville de Marseille, 120 sites sont déjà en 4G, 150 le seront à la fin de l'année. Nous couvrirons deux autres villes, Lyon et Nantes d'ici à la fin de 2012 et 12 autres grandes villes d'ici à l'été 2013, mais probablement pas Paris où la situation est compliquée avec les élus. L'objectif est d'atteindre 50% de la population à la mi-2014. Au total, sur les trois premières grandes villes, nous allons équiper 2.500 testeurs, salariés du groupe ou clients grand public et entreprise d'Orange, de tablettes 4G Galaxy Tab de Samsung ou de clés 4G pour qu'ils découvrent les services de la 4G. Cela a déjà commencé avec les dirigeants de l'Olympique de Marseille, qui sont très satisfaits.
Concrètement, les offres commerciales seront disponibles dans la première moitié de 2013, au premier trimestre. Mais il y a encore très peu de terminaux, il faut une gamme suffisante, ce qui n'arrivera que fin 2012, début 2013. Avec Delphine Ernotte, la directrice exécutive d'Orange France, nous avons décidé d'être à la pointe, d'être les premiers sur la 4G et de mettre les bouchées doubles, car c'est un élément de différenciation important, le réseau, dans le contexte de durcissement concurrentiel qui est le nôtre.

La 4G va-t-elle vous permettre de mieux monétiser l'Internet mobile, avec des forfaits plus chers, comme les opérateurs américains ?
Les forfaits ne seront pas forcément plus chers. Le paysage concurrentiel n'est pas stabilisé, la stratégie de prix évolue en permanence. C'est difficile de dire si l'on pourra vendre la 4G 10% à 15% plus chère, je doute que l'on puisse enrayer la tendance du marché qui est actuellement tiré vers le bas.

Quelles son vos relations avec le nouvel entrant, Free Mobile ?
Ce sont des relations de concurrence absolue, sans compromis sur le terrain, pour conquérir et surtout garder nos clients. Quant au contrat d'itinérance, c'est un partenariat globalement satisfaisant. Je dirais que nos relations sont normales si le terme n'était galvaudé, ni affectives ni passionnelles. Nous sommes un partenaire loyal, nous délivrons. Il n'y a pas de renégociation à proprement parler mais des détails à apporter, en fonction du déploiement de Free. Quant à la terminaison d'appel SMS (tarif de gros d'interconnexion NDLR), nous avons trouvé un compromis avec Free, des conditions raisonnables, honnêtes, correctes, ce qui va plutôt aider les autres opérateurs pour trouver un accord et éviter un règlement de différend devant l'Arcep, le régulateur.


Au sujet de l'Arcep, que pensez-vous des propos du ministre du Redressement productif qui l'accuse de ne s'intéresser qu'à la concurrence sans limite ?
Naturellement, nous avons entendu ces propos sans déplaisir, c'est du miel sur nos plaies... Ceci dit, il faut savoir faire la part des choses entre le discours politique et la réalité européenne. Le rôle du régulateur est défini par une directive européenne. On l'a vu avec l'épisode du commissaire du gouvernement que voulait nommer le précédent ministre de l'Industrie, Bruxelles avait fait entendre sa voix.

Le ministre a également demandé aux opérateurs télécoms de relocaliser en France tous les centres d'appels, comment avez-vous réagi ?
La relocalisation des centres d'appels est une question légitime. Il faut faire un état des lieux comparatif. Combien SFR a-t-il de salariés en centres d'appels en France, Bouygues, et Free qui a soi-disant créé 1.000 emplois avec sa 4ème licence, où sont-ils ? Nous ne sommes pas le mauvais élève de la classe. Nous avons encore 25.000 salariés en France sur les plateaux d'appels et avons peu externalisé en dehors de France, où nous n'avons eu recours à des sous-traitants que pour un problème d'horaires. Il est difficile de trouver des salariés en France prêts à travailler le soir, la nuit ou le week-end. Reparlons-en avec les partenaires sociaux, cela permettra peut-être de rapatrier une partie de ces travaux en France. Mais se pose aussi une question de diplomatie économique, quel sera l'impact dans certains pays d'Afrique du Nord, la Tunisie et le Maroc en particulier ?

Arnaud Montebourg vous a-t-il parlé en faveur d'une fusion de France Télécom avec Deutsche Telekom ?
Le ministre m'a parlé d'un EADS des télécoms, d'un grand groupe paneuropéen, pas forcément franco-allemand. Il y en a déjà, nous le sommes, Deutsche Telekom aussi. Mais on ne peut pas fermer la porte à ce scénario, qui a plus d'intérêt qu'il y a 20 ans, quand Deutsche Telekom et France Télécom étaient en expansion. Nous devons faire face à de nombreux courants adverses. La question de la création d'un grand acteur à l'échelle européenne mérite d'être reposée, même si d'autres questions se posent alors, comme l'actionnariat, la place des Etats, la localisation des activités, la question sociale, etc.
On ne peut imaginer un tel scénario que dans un projet de conquête. Quelle histoire de croissance raconte-t-on avec un EADS des télécoms ? Si l'on veut retrouver de la croissance en Europe, il faut changer la régulation, consolider les marchés et arrêter les baisses de prix autoritaires. Il y a aussi un aspect important autour de l'innovation: que peut-on apporter en combinant celle de FT et DT pour faire face aux géants mondiaux, les acteurs des services « over-the-top » (Google, Apple). Je passe beaucoup de temps à réfléchir à tous ces sujets, notamment avec René Oberman, le patron de Deutsche Telekom, avec lequel je m'entends très bien, nous avons le même âge, nous pilotons des groupes assez comparables. Nous sommes dans une phase de réflexion, d'échanges. Nous faisons déjà beaucoup de choses en commun, nous avons une co-entreprise au Royaume-Uni, une autre sur les achats.

Votre prédécesseur, Didier Lombard, avait dû renoncer à son projet de grand opérateur paneuropéen, au rachat de TeliaSonera...
Sur le sujet France Télécom-Deutsche Telekom, nous ne bougerons pas un sourcil tant que nous n'aurons pas la certitude absolue que toutes les parties sont alignées. Tout est dans la préparation des choses, dans l'annonce et le timing. L'abandon de l'opération TeliaSonera l'a montré, il y a eu une fuite qui a fait échouer l'opération car tout le monde n'était pas d'accord au conseil d'administration. J'ai moi-même le souvenir cuisant du rapprochement que j'ai porté de Veolia et Vinci. Il faut avoir une histoire à raconter aux investisseurs. Mais il ne faut pas vivre sous la dictature des marchés, sinon on ne fait rien et on est condamné à mourir...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 18/07/2012 à 16:21
Signaler
On peut même faire encore mieux avec la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ! À propos de l'idée de remettre les centres d'appels payant, c'est sidérant : nous avons mis des années à nous débarasser de cette arnaque sans nom (on attendait des heures ...

à écrit le 25/06/2012 à 9:25
Signaler
S.Richard ferait mieux de s'occuper de la 3 G et du WIFI qui n'est toujours pas disponible partout, par exemple surtout sur l'ouest de la France dès 2 km des plages et pas de WIFI et pas de 3G... Pourquoi donner des étoiles aux camping, qui ont des p...

à écrit le 22/06/2012 à 14:53
Signaler
France Télécom met la pression sur ses voisins. Téléfonica n'aura de cesse de se ruiner en achetant complètement Télécom Italia et les allemands très dispersés et même transpercés sur leur territoire vont mettre les bouchées double, ce qui est le pr...

à écrit le 22/06/2012 à 10:21
Signaler
Les affaires seront nettement plus lisible quand on sortira l'Etat du capital d'Orange Services, pour le placer dans France Telecom Infrastructures, société mixte Etat-Opérateurs, reprenant les fonctionnaires historiques. De la sorte, Orange n'aura p...

à écrit le 22/06/2012 à 10:09
Signaler
"Il est difficile de trouver des salariés en France prêts à travailler le soir, la nuit ou le week-end" :> Monsieur Richard sait-il qu'il a des filiales 100% dans les DOM ? il peut commencer avec la Réunion, dès 6h du matin la bas (donc 3h en métropo...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.