Fusion CSA/Arcep : France Télécom et Free sont contre, Bouygues et SFR sont pour

Le régulateur des télécoms, l'Arcep, doit finaliser cette semaine son rapport sur le projet de fusion avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel envisagé par le gouvernement. France Télécom et Free sont contre ce rapprochement, Bouygues et Vivendi-SFR plutôt pour. De son côté, le collège du CSA peine à arrêter une position commune.
Michel Boyon, Président du CSA, et Jean-Ludovic Silicani, président de l'Arcep. Copyright DENIS/REA

Faut-il fusionner le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et l'Arcep, l'autorité de régulation des communications électroniques et postales? Jean-Marc Ayrault a confié le 21 août dernier une mission de réflexion à trois de ses ministres, Arnaud Montebourg (Redressement productif), Aurélie Filippetti (Culture et Communication) et Fleur Pellerin (Economie numérique), tenus de lui faire «des propositions de rapprochement» entre les deux régulateurs et de remettre leurs conclusions «d'ici à la fin du mois de novembre». L'Arcep a pris les devants et a achevé les auditions de l'ensemble des acteurs concernés, les régulés mais aussi des équipementiers ou Google: elle devrait transmettre son rapport aux ministres cette semaine. D'ores et déjà les lignes de front se dessinent: France Télécom et Free sont contre cette fusion, tandis que Bouygues et Vivendi/SFR y sont favorables.

«Logique» pour Bouygues
Martin Bouygues a été un des premiers à s'exprimer publiquement. Le 29 août dernier, lors de la présentation des résultats semestriels, le patron du groupe diversifié, actionnaire de Bouygues Telecom, régulé par l'Arcep, et de TF1, régulé par le CSA, a déclaré qu'il trouvait «une certaine logique» à ce projet de fusion, du fait de la «convergence forte des technologies», qui rapproche de «plus en plus contenants et contenus», réclamant au passage «plus de transparence» dans le fonctionnement des deux autorités. Du côté de la filiale Bouygues Telecom, le directeur général, Olivier Roussat, adopte une position plus neutre: «cette affaire est du ressort des pouvoirs publics, c'est une question politique.» Cette attitude a déçu certains à l'Arcep qui espéraient un soutien plus marqué de la part d'un opérateur qui a bénéficié de coups de pouce du régulateur (tarifs d'interconnexion mobile plus élevés du fait de sa taille face à Orange et SFR).

SFR aligné sur Vivendi qui est favorable
Chez Vivendi aussi, la filiale SFR est alignée sur sa maison-mère. Le PDG de l'opérateur Stéphane Roussel a déclaré que «comme notre actionnaire Vivendi, nous sommes favorables» à ce projet de fusion. C'est d'ailleurs Vivendi qui a été auditionnée par l'Arcep et non SFR. «Vivendi et SFR sont furieux contre l'Arcep. Ils espèrent que cette fusion va mettre au pas ce régulateur qu'ils jugent trop pro-Free», analyse un bon connaisseur du dossier. D'une manière générale, «la position de Vivendi reflète celle de nombreux acteurs qui se disent que s'il y a un peu de vacance des régulateurs, ils ne s'en porteront pas plus mal», relève un haut fonctionnaire. Il n'y a pas pour autant d'argumentaire très détaillé pour la fusion. Certains acteurs préfèrent botter en touche, comme à la Fédération française des télécoms (FFT), qui regroupe les principaux opérateurs télécoms, sauf Free et Numericable, mais qui n'a pas abouti à une position commune en arguant que «c'est une décision politique. Nous n'avons pas d'avis sur l'organisation des régulateurs, mais sur la finalité de la régulation. Quant à savoir s'il faudrait un ou deux collèges, la FFT penche plutôt pour une séparation», indique le directeur général, Yves Le Mouël.

Free farouchement contre
Iliad, la maison-mère de Free, qui doit beaucoup au régulateur, tant dans le fixe que dans le mobile, est farouchement contre ce projet de fusion. A la présentation des résultats semestriels, Maxime Lombardini, le directeur général d'Iliad, avait déclaré «s'il y a bien un secteur où la France a réussi l'ouverture à la concurrence, ce sont bien les télécoms. Est-ce que les régulateurs dysfonctionnent? Ce n'est pas notre sentiment. Il y a d'autres urgences que de fusionner la carpe et le lapin», avait-il lancé. Dans un entretien au Point, début septembre, Xavier Niel, le fondateur de Free et principal actionnaire d'Iliad, a expliqué pourquoi il considère que ce n'est pas une bonne idée. «L'Arcep fait un travail remarquable depuis sa création. Attention à ne pas créer un monstre en remplacement d'une institution efficace et économe.»

France Télécom est contre, espère deux collèges distincts
France Télécom non plus n'hésite pas à exprimer ses réserves. «Nous connaissons bien notre régulateur. Nous avons établi des rapports qui ne sont pas toujours simples mais globalement satisfaisants, de qualité et de confiance, notamment sur des terrains très techniques», explique Pierre Louette, le secrétaire général et directeur général adjoint de l'opérateur historique. «Si un rapprochement devait intervenir, France Télécom serait favorable à la création de deux collèges distincts pour traiter les sujets de régulation de contenus et ceux des télécoms», poursuit le dirigeant de l'opérateur historique. «France Télécom a besoin de prévisibilité pour ses investissements, c'est logique que cette perspective de changement le dérange»,  observe un expert de la régulation. Pierre Louette ajoute qu'«il serait aussi souhaitable qu'il n'y ait qu'une seule agence en charge des fréquences, qui ne puisse risquer d'être instrumentalisée par la puissance publique, comme on a pu le redouter sur les questions de couverture des réseaux mobiles.» Eric Besson, l'ex-ministre de l'Industrie, avait demandé un audit sur la couverture de Free Mobile à l'Arcep puis à l'Agence nationale des fréquences (ANFR). D'ailleurs, le CSA et l'Arcep sont favorables à intégrer l'ANFR dans la réflexion en cours des ministres. Au final, il sera toutefois difficile au régulateur des télécoms d'appuyer sa position anti-fusion sur ces prises de position discordantes.

Le CSA «n'a pas réussi à arrêter sa position»
De son côté, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas encore achevé ses auditions, commencées le 19 septembre et élargies à une trentaine d'acteurs, chaînes, grands opérateurs télécoms mais aussi radios, syndicats de producteurs, Google, etc. Surtout, les «Sages» ne sont pas tous sur la même longueur d'ondes. Ainsi, selon nos informations, un dîner débat organisé par le Club parlementaire du numérique, qui devait se tenir ce mercredi entre le président de l'Arcep, Jean-Ludovic Silicani, et un membre du collège du CSA, a été annulé, à la demande du Conseil supérieur de l'audiovisuel qui a informé les organisateurs que «son collège n'ayant pas réussi à arrêter sa position sur la fusion, il [avait] demandé à Emmanuel Gabla, qui devait porter la voix du CSA, de ne pas s'exprimer.» Ce dernier est plutôt pour, tout comme le président du CSA, Michel Boyon, mais d'autres membres du collège sont franchement opposés à la fusion: «certains craignent pour leur poste», décrypte un haut fonctionnaire. Un rapport devrait toutefois être remis fin octobre.
 

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Commentaires 4
à écrit le 04/10/2012 à 0:13
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Et encore, une fois que les deux vendeurs de contenu publicisé auront obtenu gain de cause, ils vont y diluer l'Hadopi, histoire de forcer par copinage énarchique le flicage de tout le réseau, et on ne peut pas exclure qu'il y intègrent a coup de mat...

à écrit le 02/10/2012 à 15:45
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Tout est dit dans le texte. l'ARCEP défend la liberté et le public, le CSA défend les monopolistes. Que défendent les socialistes ....

à écrit le 02/10/2012 à 15:41
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«Vivendi et SFR sont furieux contre l'Arcep. Ils espèrent que cette fusion va mettre au pas ce régulateur qu'ils jugent trop pro-Free», «s'il y a bien un secteur où la France a réussi l'ouverture à la concurrence, ce sont bien les télécoms..Tout est ...

à écrit le 02/10/2012 à 14:20
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Le CSA, a qui on doit tant d'images inversées et floutées dans de nombreux reportages (où est le droit à l'information?) va-t-il aussi nous pourrir les télécoms et l'Internet ? Malheur !!

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