Après les déboires d’Altice/SFR, Stéphane Richard prend sa revanche

Dimanche dernier, le patron de l’opérateur historique a très sévèrement critiqué le modèle d’Altice, la maison-mère de SFR. En campagne pour son renouvellement à la tête d’Orange, Stéphane Richard s’est servi des difficultés de son rival pour légitimer sa propre stratégie.
Pierre Manière
Stéphane Richard, le PDG d'Orange.

Stéphane Richard n'a certes pas sa langue dans sa poche. Mais tout de même, sa très forte critique de son rival Altice, propriété du milliardaire Patrick Drahi, dimanche dernier lors de l'émission Le Grand Jury sur RTL-LCI-Le Figaro, surprend par sa sévérité. Alors que la maison-mère de SFR sortait d'une première grosse fronde boursière après la publication de mauvais résultats, le PDG d'Orange a sorti l'artillerie lourde. Pour lui, Altice a un « problème de modèle ».

« On ne peut pas tout faire, a-t-il dézingué. On ne peut pas [à la fois] investir massivement dans la fibre optique et [...] dans les contenus. »

Puis, « franchement » et sans « vouloir les jouer les Cassandre », il a continué son pilonnage : « J'ai des doutes sur le modèle, parce que le modèle financier est difficilement soutenable [...]. Il supposerait qu'il y ait effectivement des performances opérationnelles, qui, aujourd'hui, ne sont pas tout à fait au rendez-vous. » Avant d'en remettre une couche, de manière un brin professorale : « Qu'est ce qui fait qu'une entreprise marche ? C'est une stratégie un peu constante, c'est une stabilité managériale [...], ce sont des équipes motivées. Où sont tous ces critères de succès chez Altice ? C'est ça, la question. »

L'opposé de Patrick Drahi

Même si le monde des télécoms ressemble parfois à un panier de crabes où tous les coups sont permis, une telle sortie n'est pas si courante. Stéphane Richard donne ici l'impression de régler ses comptes. Lui, qui se présente volontiers comme l'exact opposé de Patrick Drahi. Sa critique de la stratégie d'Altice dans les contenus en témoigne. Quand son rival n'hésite pas à racheter à prix d'or des médias (BFM-TV, RMC, Libération, L'Express...) ou des droits sportifs (comme la Ligue des champions), Stéphane Richard privilégie de son côté des partenariats. C'est la raison pour laquelle il s'est récemment allié avec Canal+. Sous sa coupe, Orange, qui dispose pourtant d'un faible endettement, se revendique prudent en matière de fusions et acquisitions à l'international. Une posture qui tranche avec celle d'Altice, qui a racheté en quelques années une flopée d'opérateurs télécoms en Europe et aux Etats-Unis, sans se soucier de son énorme dette. Laquelle se situe aujourd'hui au-delà des 50 milliards d'euros.

L'an dernier, Patrick Drahi ne s'est d'ailleurs pas privé de tacler l'opérateur historique à ce sujet. « Le champion national, Orange, fait quelques acquisitions en Afrique, a-t-il déclaré lors d'une audition par la commission des affaires économiques du Sénat. Mais on aurait préféré le voir, je ne sais pas, acheter British Telecom, Telecom Italia, Deutsche Telekom. Enfin, des gros trucs quoi. Pas des petits trucs... » A l'écouter, même si Orange serait d'après lui contraint par la difficulté du marché français et ses prix bas, il n'en serait pas moins, in fine, qu'un gagne-petit peu ambitieux. On peut d'ailleurs penser que la nouvelle banque mobile de l'opérateur historique, Orange Bank, serait à rajouter à la liste des « petits trucs » aux yeux d'Altice.

En campagne pour un troisième mandat

Reste que Patrick Drahi n'est pas le seul à juger Orange trop timoré côté emplettes à l'étranger. Certains, au sein du gouvernement, font le même constat. « Orange doit grossir à l'international », estimait il y a peu une source proche de Bercy citée par BFM-TV. En outre, selon Challenges, une note anonyme critique vis-à-vis de Stéphane Richard a récemment circulé « dans l'entourage commun du président de la République et de son Premier ministre ». « La France ne peut compter sur Orange pour prendre le leadership européen dans la révolution numérique », pouvait-on y lire, d'après l'hebdomadaire économique.

Dans ce contexte, les piques de Stéphane Richard à l'encontre d'Altice apparaissent comme une manière pour le PDG de légitimer sa propre gestion. Et ce, notamment auprès de l'Etat, qui demeure le premier actionnaire d'Orange à hauteur de 23%. Cette confiance, le PDG de l'opérateur historique en a besoin : il est aujourd'hui en pleine campagne pour le renouvellement de son second mandat, qui s'achèvera au printemps prochain.

Pierre Manière

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 7
à écrit le 16/11/2017 à 16:34
Signaler
Lisez le livre de Elsa Montambo sur "L'ogre des networks" et vous comprendrez mieux Patrick Drahi et le volonté de conquête du magnat des télécoms. Je peux comprendre que ce millliardaire veuille jouer dans la cour des très grands des télécoms et qu'...

à écrit le 16/11/2017 à 13:07
Signaler
Quelle arrogance Mr stéphane Richard....un peu de retenue !

à écrit le 15/11/2017 à 23:59
Signaler
Bon... Et les secrétaires du monsieur, elles n'ont rien de croustillant a balancer sur le monsieur ? Histoire qu'on rigole un peu <o)

à écrit le 15/11/2017 à 20:06
Signaler
Et moi , en tant que client , j'ai tellement de doutes dur le modèle économique des PTT rebaptisés ORANGE que je pars chez FREE !

à écrit le 15/11/2017 à 18:49
Signaler
y a deux problemes, effectivement........... l'endettement, et vouloir tt sur tout en rachetant tt......... faut pas oublier que dans beaucoup de cas, les actifs seront ici in fine des goodwills.......... que ca derouille un peu, et on aura un messie...

à écrit le 15/11/2017 à 18:39
Signaler
Qui va accueillir Michel Paulin ? Orange ou Vivaction ? Squareway ?

le 16/11/2017 à 0:01
Signaler
Franchement, entre une belle grosse orange et un petit trognon tout sec, j'hésiterais... longtemps :-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.