Vivendi et le pari des mini-séries

Le géant des médias vient de lancer une première offre de mini-séries sur mobile au Brésil, en partenariat avec l’opérateur Telefonica. Un sacré défi pour Vivendi, qui juge que « le prochain Game of Thrones ne fera pas 20 fois une heure », mais « 500 fois huit minutes ».
Pierre Manière
Vincent Bolloré, à la tête de Vivendi.

Depuis qu'il est aux manettes de Vivendi, Vincent Bolloré passe aujourd'hui plus souvent pour un financier sans états d'âme que pour un vrai industriel. En témoignent les galères de Canal+ en France depuis sa très critiquée purge estivale, sa montée au capital d'Ubisoft dont il veut prendre le contrôle au grand dam de ses fondateurs, ou, plus récemment, sa volonté d'imposer l'animateur Jean-Marc Morandini, habitué des émissions sulfureuses et mis en examen pour « corruption de mineurs aggravée », aux journalistes d'iTélé contre leur gré. La stratégie de Vivendi, qui souhaite bâtir un « Netflix d'Europe du Sud », semble désormais avoir du plomb dans l'aile. En témoigne - et ce n'est qu'un exemple - le fiasco de sa tentative de renforcement dans les contenus en Italie depuis son échec à s'entendre avec Mediaset, le groupe de Silvio Berlusconi, pour mettre la main sur sa filiale de télé payante.

Ceci-dit, une offensive de Vivendi suscite aujourd'hui un certain intérêt. Il s'agit de son investissement dans les mini-séries. Lundi, le groupe de médias a lancé son offre de mini-séries pour mobile Studio+ au Brésil, en partenariat avec l'opérateur Telefonica. Concrètement, il s'agit de formats courts d'environ dix minutes, diffusés au rythme d'un épisode par semaine. Au Brésil, Studio+ va bénéficier de l'aura de Vivo, la marque commerciale de Telefonica, qui affiche près de 100 millions d'abonnés au compteur. La manœuvre fait office de test, puisque ce service « en partenariat avec de nombreux opérateurs télécoms, sera bientôt disponible en Europe, et notamment en France, en Italie et en Russie », assure Vivendi dans son communiqué.

Des « synergies » avec Gameloft

Surtout, cette manœuvre doit permettre à Vivendi de prouver que sa stratégie visant à s'appuyer sur les télécoms pour diffuser ses contenus fait sens. Quitte à prendre, au besoin, une part dans le capital de certains opérateurs, comme il l'a fait chez Telecom Italia ou chez l'espagnol Telefonica. En outre, Vivendi voit aussi ses mini-séries comme la preuve que des synergies sont possibles entre ses différentes branches, de Canal+ à Universal Music. C'est la raison pour laquelle le groupe de Vincent Bolloré a récemment annoncé que Studio+ allait développer des vidéos sur l'univers d'Asphalt, le jeu-vidéo de course de voitures développé par son nouveau studio Gameloft.

Dans une note récente, Jérôme Bodin, analyste médias chez Natixis, voit ainsi dans Studio+ « une exégèse du projet de long terme poursuivi par Vivendi ». Outre les stratégies de diffusion via les « telcos » et la promesse de synergies avec les autres entités du groupe, il relève que l'initiative a « un objectif de couverture mondiale, et non strictement domestique ou locale ». Et ce, couplé à « une forte dimension identitaire, avec la volonté de produire des contenus en phase avec l'identité recherchée par Vivendi/Bolloré », c'est-à-dire une certaine « latinité ».

« 500 épisodes de huit minutes »

En outre, le projet est également un sacré pari dans la mesure où pour l'heure, aucun autre groupe de médias n'a avant lui autant misé sur les mini-séries. Directeur général en charge des opérations de Vivendi, Stéphane Roussel le reconnaît : « C'est un pari », a-t-il confié à l'AFP la semaine dernière. « On pense que le prochain Games of Thrones ne fera pas 20 fois une heure mais peut-être 500 fois huit minutes », a-t-il enchaîné. Il est vrai qu'aujourd'hui, la tendance est au déclin de la télé traditionnelle au profit du smartphone. En 2015, d'après une étude d'Ericsson, les ados passaient quasiment autant de temps à regarder des vidéos et émissions sur leur mobile que sur le bon vieux poste du salon, soit environ 5 heures par semaine. En misant tôt sur les mini-séries, Vivendi est peut-être bien, qui sait, en passe de mettre la main sur un important filon.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 18/10/2016 à 14:57
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La télévision meure c'est logique, elle prend son temps grâce aux séries mais elle meure c'est avant d'investir dedans qu'il aurait fallu réfléchir pas après. 500 fois 8 minutes c'est un échec annoncé d’emblée. La consommation de série avec i...

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