Youtubeurs (2/2) : "Partenariats" ou pratiques commerciales trompeuses ?

[ Série d'été ] Avec la croissance des partenariats noués entre youtubeurs et annonceurs, la répression des fraudes (DGCCRF) se retrouve confrontée à une problématique : certaines de ces pratiques sont-elles de la publicité déguisée ?
Mathilde Ceilles
Deux youtubeurs ont été rappelés à l'ordre au Royaume-Uni.

L'histoire avait à l'époque affolé la Toile et les réseaux sociaux. En mai 2015, Enjoyphoenix, "youtubeuse beauté", aujourd'hui plus de 2 millions d'abonnés au compteur, dénonçait dans une vidéo les pratiques de certaines de ses concurrents telles que la dissimulation de partenariats contre de grosses sommes d'argent.  "Je veux vous mettre en garde [...] Certaines ne font que des partenariats cachés. C'est n'importe quoi. C'est dingue que certaines filles se font de l'argent sur le dos des abonnés". Des propos rapportés par le site Purebreak dans une vidéo aujourd'hui... inaccessible.

Quelques mois plus tôt, dans une vidéo postée sur sa chaîne gaming, le youtubeur Cyprien avait rendu "un hommage pas vraiment déguisé", comme le note nos confrères de L'Expansion, à la Playstation Plus, une console de jeu vidéo fabriquée par Sony. "Aucune mention, pourtant, d'un quelconque partenariat avec le fabricant", ajoute le magazine. Depuis, la vidéo n'est plus répertoriée, bien que Cyprien ait spécifié dans la barre d'informations "avec la participation de Playstation".

Nouveaux médias ou non, la question de la crédibilité reste cruciale

 Y a-t-il donc un malaise chez les Youtubeurs autour des partenariats dits dissimulés ? Le sujet reste épineux, comme l'atteste Allison, de la chaîne Allyfantaisies (230.000 abonnés). "Mieux vaut être transparent en le spécifiant dans la barre d'informations", recommande la jeune fille. Et pour cause: la communauté, en quête d'un discours de vérité, devient très exigeante sur ce point.

"Certains abonnés nous le font remarquer", poursuit-elle. La youtubeuse a également conscience que sa crédibilité est en jeu. "Je reçois énormément de propositions de partenariat. Il me faut faire un choix : je ne veux pas que ma chaîne devienne un panneau publicitaire !"

Mais, du côté de l'internaute, quelque chose coince. "Il n'existe aucun moyen pour l'utilisateur de savoir si le contenu d'une vidéo est lié ou non à un partenariat", note Alexia Portin, directrice opérationnelle d'Envergure Digitale, agence de communication spécialisée dans la relation entre marques et influenceurs du Web.

"Dans chacune de nos collaborations, la transparence est primordiale" assure-t-elle.

Deux youtubeurs britanniques mis en garde

Le problème: ces partenariats cachés pourraient s'apparenter à de la publicité clandestine. En Angleterre, comme le rapporte The Guardian, deux youtubeurs stars, Phil Lester et Dan Howell, ont été rappelé à l'ordre par l'Asa (Advertising Standards Authority), le gendarme britannique de la publicité, après avoir posté une vidéo où les deux protagonistes léchaient des biscuits de la marque Oréo. Ils avaient pourtant glissé dans la vidéo, ainsi que dans la description de celle-ci, le message "Merci à Oréo d'avoir rendu cette vidéo possible". Une mention insuffisante selon l'Asa :

"Ces vidéos publicitaires doivent être immédiatement identifiables. Et de préciser : Ces vidéos ne doivent donc plus apparaître sous cette forme-là. Nous avons prévenu Mondelez UK [propriétaire de la marque Oreo, Ndlr] de s'assurer que leurs prochaines publicités sur Internet soient beaucoup plus claires sur leurs intentions commerciales."

En France, des enquêtes sont en cours

Un scénario similaire est-il possible en France ? La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes (DGCCRF) enquête actuellement sur ces pratiques. "Ces réflexions sont en cours", indique le cabinet de Martine Pinville, secrétaire d'Etat chargé du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire, dont dépend la DGCCRF.

Pour réaliser son enquête, l'autorité de la concurrence peut s'appuyer sur l'article L. 121-1 du code de la consommation sur les pratiques commerciales trompeuses. Une pratique qui peut coûter jusqu'à 300.000 euros d'amende et/ou deux ans d'emprisonnement.

Les enquêtes sont toujours en cours à l'heure où nous écrivons ces lignes. Si les infractions s'avèrent caractérisées, des sanctions envers différents youtubeurs pourraient être prononcées dans les prochaines semaines.

Mathilde Ceilles

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Commentaires 3
à écrit le 29/08/2016 à 10:50
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Cyprien et son pote Norman, rejoignent aujourd'hui TF1, je pense que cela ne peut qu'enrichir votre propos. Cela n'enlève en rien leur talent potentiel par contre cela prouve que bien gagner sa vie sur Internet, comme ils semblent le vouloir, est...

à écrit le 23/08/2016 à 18:29
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Et bien oui il faut bien gagner de l'argent. Encore une polémique Française stérile. Bien évidement si orale (prostitution, vente de drogue) n,est pas respectée alors là c'est une autre histoire. Très cordialement. Eric

à écrit le 23/08/2016 à 8:32
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avant, version papier ca existait aussi ca s'appelle ' publi reportage', et ca utilise les bases des methodes de communication.... bon, tant que c'est clair, ca va autrement, ca peut tourner mauvais pour tt le monde, y compris pour l'annonceur...

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