Zones blanches : les opérateurs vent debout contre une nouvelle loi

Orange, SFR et Bouygues Telecom se mobilisent contre la loi Montagne, qui pourrait modifier leurs obligations concernant la couverture des zones peu peuplées où le mobile ne passe pas. Ils estiment que ces mesures nuiraient à la concurrence, et profiteraient notamment, sans le citer, à leur rival Free.
Pierre Manière
Stéphane Richard, le PDG d'Orange.

Pour les opérateurs télécoms, la coupe est pleine ! Dans une tribune publiée dimanche dans le JDD - et téléguidée, d'après nos informations, par leur lobby, la Fédération française des télécoms (FFT) -, Stéphane Richard, le PDG d'Orange, Michel Paulin, le PDG de SFR et Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom ont tiré un missile contre le projet de loi Montagne. Ce texte contient des dispositions pour épauler ces zones rurales, difficiles d'accès, et généralement défavorisées par rapport au reste du territoire. Outre des dispositions visant à encourager l'installation de médecins ou à faciliter le logement des travailleurs saisonniers, le projet de loi veut améliorer la couverture mobile, souvent jugée déplorable par les élus locaux. Pour ce faire, le Sénat, qui a adopté le texte en milieu de semaine dernière, a validé des amendements visant à donner une définition législative des « zones blanches » (où le mobile ne passe pas), ainsi qu'à obliger les opérateurs à mutualiser leurs réseaux pour couvrir les villages peu peuplés.

En clair, pour accélérer la couverture de ces zones défavorisées, les sénateurs souhaitent davantage contraindre les opérateurs et orienter leurs investissements. Une initiative qui n'est guère du goût des PDG d'Orange, de SFR et de Bouygues Telecom. Dans leur tribune, ils s'en prennent sans ménagement « au législateur » pour que le texte soit modifié :

« Nous voulons dire avec respect et franchise que vouloir décider par la loi, à la place des opérateurs, les modalités selon lesquelles ils devront investir et construire leurs réseaux mobiles dans des parties entières du territoire, en les contraignant à adopter certaines formes d'organisation et de mutualisation de leurs installations, n'aura pas l'effet attendu. Loin d'encourager l'investissement et l'amélioration de la couverture, cela contribuera à bouleverser l'économie de notre secteur, à encourager le comportement de celui ou ceux qui voudraient profiter de la capacité d'investissement des autres, et à réduire l'impact positif - y compris pour la couverture des territoires - de la concurrence entre nos entreprises. »

Free en ligne de mire

Si les opérateurs sont aussi remontés, c'est qu'après avoir longtemps délaissés les zones blanches, ils estiment désormais faire suffisamment d'efforts. Dans le cadre du programme « zones blanches - centres-bourgs », ils se sont engagés avec l'Etat et les collectivités à couvrir les communes qui n'ont toujours pas de 2G d'ici à la fin de l'année. Et pour la 3G, le haut débit mobile, les opérateurs ont jusqu'à la fin juin 2017 pour couvrir les villages qui en sont dépourvus. Fin novembre, l'Arcep, le régulateur des télécoms, a jugé que la couverture des zones peu denses « [avançait] mais [devait] s'accélérer ».

L'obligation de mutualiser les réseaux, en particulier, déplaît fortement à Orange, SFR et Bouygues Telecom. Ils redoutent que certains acteurs ne profitent de leurs infrastructures déjà déployées pour doper leur couverture à moindres frais. Même s'il n'est pas cité nommément, impossible de ne pas y voir, entre autre, une pique envers Free, qui a refusé de se joindre à ce coup de gueule. Sachant que l'opérateur de Xavier Niel, en tant que dernier entrant, a logiquement moins déployé d'infrastructures dans les zones blanches.

Un secteur « vache à lait » ?

Si les opérateurs étalent leur ras-le-bol en place publique, c'est parce qu'ils jugent, en plus, que l'Etat les taxe trop à une période où les affaires sont difficiles, et où les investissements dans le très haut débit explosent. C'est la raison pour laquelle, la semaine dernière, la FFT s'est lamentée sur l'état du secteur, lequel serait trop souvent perçu comme une vache à lait par les pouvoirs publics. Il est vrai qu'en 2015, les investissements des opérateurs télécoms se sont élevés à 7,8 milliards d'euros (hors achats de fréquences), contre 7 milliards d'euros l'exercice précédente.

Reste que cette même année, certains acteurs n'ont pas lésiné sur les dividendes. Orange, par exemple, a signé un chèque de près de 1,6 milliard d'euros à ses actionnaires. SFR, lui, a fait mieux, en reversant plus de 2,5 milliards d'euros. Du côté de la FFT, on se défend, en arguant que ces dividendes sont nécessaires pour que les investisseurs continuent à miser sur les télécoms.

Pierre Manière

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 19/12/2016 à 17:54
Signaler
Les politiciens font n'importe quoi, plutôt que de vouloir orienter les investissements des multinationales, pour des conneries en plus franchement mais dans quel monde ils vivent !?, ils feraient mieux de leur faire payer des impôts. Notre systè...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.