Une guerre mondiale qui impacte les économies et les patrimoines

Le leadership économique mondial est en train de changer de camp : il passe progressivement mais sûrement des Etats-Unis à l'Asie. C'est sur cette toile de fond qu'est en train de se jouer une nouvelle guerre mondiale.

Le leadership économique mondial est en train de changer de camp : il passe progressivement mais sûrement des Etats-Unis à l?Asie. C?est sur cette toile de fond qu?est en train de se jouer une nouvelle guerre mondiale.

Dans ce conflit, les trois fronts (les USA, les pays émergents dont la Chine principalement, et aussi l?Europe) s?opposent avec une arme « moderne » : leur monnaie.

Alors, plusieurs questions se posent : quel est véritablement l?enjeu de la « bataille des changes » qui fait rage depuis cet été ? Quelle est la stratégie de chacune des parties ? Que risque le perdant ? Comment réagir dans la gestion de son patrimoine ?

Si l?on regarde du coté des Etats-Unis, on constate que pour relancer leur économie et sortir de la crise (historiquement importante), tout a été mis en ?uvre : les entreprises ont vendu leurs stocks pour pouvoir ensuite relancer leur production ; elles ont réduit leur coût notamment en licenciant massivement. Elles ont reçu des aides de l?Etat qui, parallèlement, a rendu l?accès à l?argent pratiquement gratuit (les taux de crédit sont proches de zéro aux USA) pour favoriser l?investissement et la consommation, puisque 80 % de l?économie de ce pays repose sur sa consommation intérieure. Mais trois facteurs freinent, voire interdisent, la relance économique par la consommation intérieure :

1) Le moral des américains (inquiets, ils épargnent davantage et consomment moins).

2) Le chômage qui vient d?être généré a réduit le pouvoir d?achat.

3) Le risque avéré d?une déflation pour les mois à venir. Ce dernier facteur affole particulièrement l?Administration américaine. En effet, lorsque le consommateur pense que les prix seront moins élevés demain, il reporte ses décisions d?achat. A l?échelle d?un pays, ce comportement est une véritable catastrophe. La situation du Japon depuis les années 90 le démontre clairement. 20 ans après, ce pays n?arrive toujours pas à s?en remettre. Voilà pourquoi les autorités américaines veulent à tous prix éviter le scénario déflationniste, cette spirale infernale qui empêche tout espoir de croissance. L?Administration américaine doit aussi faire sortir son économie de la dépendance de son seul marché intérieur, puisqu?il est en panne. Alors, pour générer de la croissance (ne serait-ce que pour tenter de résister le plus longtemps possible à la prise de pouvoir de l?Asie dans le monde), les USA doivent développer leur commerce extérieur ! Voila la double stratégie des américains : éviter la déflation, développer leurs exportations.

Comme ils ne peuvent pas baisser leurs prix pour être plus attractif (risque de déflation oblige et envie de maintenir leurs marges aussi, évidemment) l?Administration américaines fait baisser le prix de sa monnaie : - 15 % ces derniers mois. Ainsi, les acheteurs étrangers peuvent acquérir pratiquement 1,2 fois plus de biens et services américains qu?hier.

Parallèlement, les Etats-Unis demandent aux pays émergents devenus riches, de faire le geste inverse : réévaluer leurs monnaies. Naturellement, la Chine refuse de le faire fort et vite, puisque sa croissance économique dépend (encore pour le moment) de ses ventes vers l?étranger.
L?Europe quant à elle, fait un autre choix. Celui de la neutralité. Pour comprendre ce choix ou peut-être cette absence de choix, il faut rappeler que depuis 2009, l?Allemagne a surpris tout le monde par la vivacité de son redressement, en sortant de la crise plus forte que jamais. Du coup, c?est elle qui règle actuellement la politique monétaire de la BCE (Banque Centrale Européenne). Or, il faut avouer que si, en Europe, les taux (donc le prix de l?argent) sont plus élevés qu?aux USA, cela ne gène guère nos amis germaniques puisque leur économie est déjà sortie de la crise. Et si l?euro est plus cher que le dollar, ils ne se sentent pas gênés non-plus. En effet, leur économie est tournée (en tout cas pour l?exportation) vers des produits de marque, déjà chers, destinés à une clientèle mondiale aisée peu sensible aux hausses de prix. Par exemple, les ventes de BMW ou de Mercedes n?ont pas chuté du fait de l?appréciation de l?Euro face au Dollar. Mais, il n?en va pas de même pour les autres pays européens. La France, par exemple, voit sa balance extérieure se dégrader rapidement.

La guerre est donc belle et bien lancée sur le champ de la bataille internationale des monnaies. Dans toute guerre, il faut un vainqueur, un vaincu. Les américains se battent. Ils vont donc probablement gagner cette bataille, pour un temps ; le temps que les pays émergents construisent leur marché intérieur et aient moins besoin d?exporter pour croître.

Quant à nous, Européens, passifs et limités par nos divergences internes, nous allons probablement souffrir et peut-être même nous appauvrir un peu. Si tel est le cas, nous serons déclarés perdants de cette guerre ; des perdants passifs.

Alors que peuvent faire les détenteurs de patrimoine pour adapter adroitement leur stratégie, à court, moyen et long-terme :

? Sur les marchés, à court terme, le dollar devrait continuer à baisser, donc l?or à monter. Les valeurs américaines devraient s?apprécier pendant un temps, mais avec la baisse de la parité euro/dollar, il sera difficile de faire de vraies plus-values pour les investisseurs européens. La croissance en Europe sera molle, voir nulle. Il faudrait donc choisir des titres capables de se valoriser sans croissance. Les gestions prudentes peuvent être privilégiées dans un tel contexte.

? A moyen terme, sur les marchés des taux, puisque la politique de la BCE diverge de celle de la FED, on peut craindre dans les mois qui viennent, une hausse des taux en Europe. Même légère, elle viendrait déprécier les actifs obligataires des investisseurs. Il faut donc avoir les yeux rivés sur la courbe des taux, pour être capable de sortir au bon moment de certains titres obligataires et privilégier le moment venu, des placements non-sensibles à la hausse des taux. Attention aux Sicav et FCP qui peuvent contenir des obligations sensibles, sans que l?épargnant n?en ait conscience.

? Pour le long terme, il semble évidemment opportun de s?intéresser à l?univers des pays émergents, qu?il s?agisse d?économie d?exportation (comme aujourd?hui), ou davantage tournée vers son marché intérieur (demain) : la Chine dispose d?une réserve de consommateurs de plus d?un milliard d?individus, l?Inde aussi. C?est véritablement là-bas que sont, sans « artifice », les vecteurs de croissance.

? Pour finir, un mot sur l?immobilier. La France vient de traverser une décennie durant laquelle le prix au M² a doublé (en moyenne) sur son territoire. Il serait bien surprenant que la prochaine décennie permette de refaire un tel parcours. C?est pourquoi, il convient de favoriser aujourd?hui l?immobilier de rentabilité (à fort loyer) ou aidé fiscalement (permettant d?obtenir une neutralité fiscale voir des réductions d?impôt). Les taux de crédit sont tellement bas pour le moment qu?ils sont parfois inférieurs au taux de rentabilité de certains biens immobiliers. C?est une opportunité d?acheter qui ne devrait pas durer.

Jean-Yves Lefevre
Chargé de cours à l?université de Paris-Dauphine,
Dirigeant du Cabinet Lefevre & Associés
, conseil en Patrimoine

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.