Investissement : in vino veritas !

Face au désamour des épargnants pour les classes d'actifs classiques, certains poussent l'idée de « financiariser » l'investissement dans le vin. Vu la régularité des rendements des grands crus depuis trente ans, cette initiative pourrait rencontrer de nombreux adeptes.
Copyright Reuters

Pas facile de savoir vers quelle classe d'actifs se tourner pour s'affranchir de la crise financière et espérer un rendement régulier de son épargne. Tous les placements classiques sont boudés, actions et obligations en tête. Dans ce contexte, les financiers redoublent d'efforts pour essayer de trouver des produits décorrélés des marchés boursiers.
Parmi les initiatives novatrices, voici deux exemples qui cherchent à tirer profit des atouts indéniables du vin en tant que classe d'actifs à part entière. Avec cette particularité par rapport à toutes les expériences déjà tentées : ils ont décidé de « financiariser » l'investissement dans les vins d'exception.
La Financière d'Uzès, dont l'origine remonte à la création des agents de change par Napoléon 1er en 1805 (Wolf-Goirand), vient ainsi de lancer Uzès Grands Crus, le premier fonds commun de placement (FCP) contractuel de droit français, entièrement investi en grands crus. L'idée est simple mais elle n'avait jamais eu de concrétisation de ce type.

Les équipes de gérants de la société d'investissement (détenue à 34 % par HSBC) sélectionnent des bouteilles d'exception, essentiellement de la région de Bordeaux auprès d'une plate-forme servant aussi d'indice de référence, le « Live-ex Fine Wine Exchange », mais aussi auprès de quelques négociants réputés. Cette plate-forme intégrée de négociation et de règlement-livraison a été créée en 1999 à Londres. Elle comprend aujourd'hui 420 membres originaires de 35 pays et constitue un nouveau standard de transparence là où régnait une certaine opacité. Les caisses de vin sont entreposées dans une cave sécurisée en Suisse. Les gérants de la Financière d'Uzès se focalisent exclusivement sur les grands noms, de manière à pouvoir revendre facilement ces bouteilles.

C'est la recherche du rendement qui prime

Les transactions passent soit par le Live-ex, soit via des négociants, y compris internationaux, soit dans des ventes aux enchères, de plus en plus nombreuses en Europe, mais aussi en Asie, notamment à Hong Kong. « Le marché des vins d'exception représente environ 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel sur un total de 100 milliards. Les rendements offerts par cette classe d'actifs depuis plus de trente ans sont éloquents avec une progression annuelle moyenne d'environ 12 %. Une courbe on ne peut plus régulière qui tranche avec la volatilité des marchés financiers », soutient Dominique Goirand, président de la société.
L'objectif des gérants est de faire tourner le portefeuille de manière à capter les possibles hausses de cote des différents crus, ce qui différencie ce produit des autres expériences davantage orientées vers la constitution de caves pour « aficionados ». Ici, c'est la recherche du rendement qui prime. Cela dit, l'investissement de base n'est pas à la portée de toutes les bourses, puisqu'il atteint 30 000 euros. Ce véhicule est aussi réservé aux investisseurs dits « avertis ».De même cette expertise a-t-elle un prix : les frais de gestion annuels atteignent 3,5 % avec une possible commission de 25 % de la surperformance du FCP par rapport à son indicateur de référence qu'est l'OAT 5 ans. Les initiateurs du projet espèrent lever environ 30 millions d'euros à cette occasion. La souscription du fonds est ouverte jusqu'en septembre.

L'AMF pourrait être sollicitée

De son côté, un entrepreneur indépendant, Thierry Goddet, s'apprête lui aussi à proposer aux investisseurs un véhicule quelque peu similaire, mais qui n'aura pas le statut de FCP. Il s'agit d'un contrat de gestion conseillée où le client met, là aussi, un minimum de 30 000 euros, et bien plus s'il le souhaite, les équipes d'experts de Cavissima Grands Crus s'occupant d'acheter et de vendre des vins d'exception, essentiellement bordelais. Les caisses seront entreposées dans la fameuse cave sécurisée suisse. « Notre objectif est d'atteindre une vaste clientèle aussi bien locale qu'internationale, cette der-nière étant de plus en plus présente en France », assure Thierry Goddet.
Côté frais, il est moins gourmand que la Financière d'Uzès puisqu'il ne prend que 2,2 % de frais de gestion par an avec une commission de surperformance de 12 %. Il n'en est, certes, pas à son coup d'essai puisqu'il propose déjà une formule Cavissima tout Internet, mais pour des produits plus modestes. L'investisseur, via un mandat de gestion, se voit conseiller un portefeuille de vins. Le client crédite son portefeuille par un versement initial de 400 euros minimum. Il passe ses ordres d'achat à son rythme et recharge son portefeuille quand il le souhaite. Le groupe organise pour le compte des clients la revente des bouteilles auprès de son réseau d'acheteurs et les assiste dans la fixation des prix. Il compte à ce jour 400 clients qui investissent en moyenne entre 500 et 15 000 euros. Si Thierry Goddet envisage une nouvelle formule plus haut de gamme, c'est parce qu'il sent une réelle demande de la part de sa clientèle. Il pourrait d'ailleurs proposer son produit à des conseillers en investissement financier (CIF) et à des conseillers en gestion de patrimoine (CGP). Raison pour laquelle il envisage de faire valider son projet par l'Autorité des marchés financiers (AMF).Alors, le vin, valeur mobilière comme une autre ? L'arrivée d'une clientèle internationale, russe et chinoise, change la donne. Il semble près d'entrer dans la cour des placements de moyen et long terme plébiscités par le plus grand nombre.
 

L'autre idée du moment : l'acquisition de terrains viticoles

Pour investir dans le vin, on peut aussi acquérir des terrains viticoles. Ce type d'investissement attire d'ailleurs une clientèle à la typologie très variée?: les professionnels à la recherche de terrains supplémentaires ; les « faux » retraités soucieux de se constituer un patrimoine plaisir ; les commerçants qui ont vendu leur fond et souhaitent se lancer dans une petite activité viticole ; les « hobby vineyards », attirés par les belles bâtisses au milieu de 2 à 4 hectares de terrains susceptibles de produire jusqu'à 20 000 bouteilles par an. « Mais la plus grande nouveauté de ces dernières années est l'arrivée massive des investisseurs chinois et russes, qui permettent de tirer les prix vers le haut, lance Michel Veyrier, fondateur de Vignobles Investissement. Le patrimoine viticole français est en pleine redistribution. Marché de paradoxe, il attire tous azimuts les néophytes investisseurs chinois et capte les professionnels du vin, signe incontestable de la valeur refuge et d'avenir qu'il représente. » Chaque année, il se négocie environ 20 000 hectares, le vignoble national représentant une surface totale de près de 800 000 hectares. Le montant annuel des investissements varie entre 1 et 3 milliards d'euros, la fourchette haute ayant été atteinte ces dernières années. À ce jour, 60 % des investisseurs sont encore français.
Cette montée en puissance des acheteurs asiatiques ne semble pas vraiment faire peur aux propriétaires vendeurs. « Avant 2008, la plupart des investisseurs actifs étaient anglo-saxons ; ils ont disparu avec la crise financière. Les propriétaires chinois exploitent les terrains et envoient la production dans leur pays. Ce sont de formidables ambassadeurs pour le vin français sachant qu'à ce jour, 15 % des volumes de vins bordelais partent en Chine », précise Michel Veyrier.

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 23/06/2012 à 5:07
Signaler
liège ! un futur d'or !

à écrit le 22/06/2012 à 22:41
Signaler
"In vino rentabilitas" aurait été un titre plus juste.

à écrit le 22/06/2012 à 20:23
Signaler
le vin, valeur mobilière comme une autre ? Non ... si tous le gens se mettent a vendre de l'or ... le prix s'effondre .... ce qui n'est pas le cas du vin !

à écrit le 22/06/2012 à 20:19
Signaler
Actuellement c'est le seul placement qui vieillit bien ... comme le bon vin !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.