La startup de la semaine : Induo réinvente le tissu qui ne se tache pas

Toutes les semaines, La Tribune braque les projecteurs sur une pépite méconnue de la French Tech. Cette semaine, Induo. Avec son tissu déperlant presque impossible à tacher, la startup lilloise a déjà convaincu des dizaines de marque et prouvé la viabilité de son modèle économique. Elle part désormais à la conquête de l'Europe grâce à une levée de fonds d'un million d'euros.
François Manens
Aucun risque de tache de café sur le tissu Induo : déperlant, il laisse glisser les liquides.
Aucun risque de tache de café sur le tissu Induo : déperlant, il laisse glisser les liquides. (Crédits : Induo)

A gauche, une chemise blanche classique, à droite, une chemise en tissu Induo. Le testeur renverse du café. Immédiatement, la première s'imbibe d'une tache certainement compliquée à faire partir. De l'autre côté, le café a coulé le long de la surface de la chemise, restée immaculée. Derrière cette présentation aux allures d'émission de téléachat se trouve une technologie brevetée qui a nécessité presque deux ans de recherche et de développement.

C'est avec l'appui du Centre Européen des Textiles Innovants (Ceti) de Lille et de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles (ENSAIT), qu'Induo, fondé en 2016, a crée et fournit désormais un tissu en pur coton, hydrophobe et oléophobe (imperméable à l'eau et aux graisses) à environ 60 marques de luxe. Après une année 2018 rentable comme preuve de l'efficacité de son modèle économique, la startup lilloise a levé 1 million d'euros début 2019 pour se développer sur le marché européen.

Une nouvelle méthode de production

Le tissu en coton de Induo se comporte comme un coton classique. Il possède les mêmes propriétés (respirant, léger), se recycle de la même façon... mais est en plus déperlant, c'est-à-dire qu'au lieu de le traverser, les liquides glissent dessus. "En 2016, les textiles déperlants existaient déjà, mais les traitements rigidifiaient le tissu, le rendaient froissable, et surtout résistaient mal au lavage", argumente Pauline Guesné, cofondatrice de Induo. Sa startup promet une résistance à minimum 40 lavages, satisfait ou remboursé, une garantie inspirée du populaire Gore-Tex.

Sébastien François, l'autre tête pensante d'Induo, a initié le projet en 2014, avec comme idée d'adapter les technologies des textiles militaires et sportifs à des vêtements de tous les jours. "On s'est dit qu'il suffisait d'améliorer ce qui existait déjà et que ça prendrait un mois ou deux. Cette phase de recherche a duré presque deux ans et demi", s'amuse aujourd'hui Pauline Guesné. Pendant cette période, le projet est incubé au Ceti, et les statuts de la startup ne seront déposés qu'à la sortie de l'incubateur, en 2016. La jeune pousse a alors breveté la méthode de production tirée de cette recherche, du tissage au traitement du tissu. "Nous n'avons pas inventé de molécule, mais une nouvelle façon de les utiliser", précise l'entrepreneuse.

D'entrée, Induo restreint son champ : pour se lancer, il développe un tissu unique, 100% coton, destiné à la seule conception de chemises. La startup structure sa chaîne de production à Taïwan, en partie pour trouver un prestataire qui dispose de la technologie suffisante. Pour sa R&D, elle s'appuie sur un partenariat avec l'ENSAIT, qui lui ouvre les porte du GEMTEX, le laboratoire de recherche de l'école. Un doctorant de l'école réalise sa thèse chez Induo, qui profite ainsi indirectement de l'encadrement académique, en plus de des équipements.

"On a accès à des versions miniatures des machines de filage ou de tissage par exemple, dont le prix dépasse le million d'euros. On dispose aussi du matériel nécessaire pour effectuer des tests en normes ISO, par exemple pour la déperlance", développe la dirigeante.

De 80 à 350 euros la chemise

"En 2015, on nous disait qu'il n'y avait pas de besoin sur le marché, pas de demande client, alors on a lancé un crowdfunding sur Kickstarter", se souvient la co-fondatrice. Et ça fonctionne : la startup récolte 23.000 euros de pré-commandes de chemise en un mois, fin 2015. Rapidement, Le Chemiseur et Atelier NA, deux entreprises de chemises sur-mesure, deviennent leurs premiers partenaires. Induo construit ensuite sa clientèle avec d'autres marques de luxe.

De 80 euros à 165 euros chez Figaret, jusqu'à un plafond de 350 euros, les chemises fabriquées avec leur tissu restent hors de portée du grand public. "On veut que notre tissu soit un peu plus accessible, aux alentours de 60 euros. Il faut comprendre que de part ses propriétés, les acheteurs gardent plus longtemps les chemises Induo", justifie Pauline Guesné, avant de concéder "Notre technologie n'arrivera jamais chez du prêt-à-porter comme H&M". Du moins, pas dans les années à venir, car l'entrepreneuse anticipe l'arrivée d'autres tissus sur le marché :

"Je n'ai pas de problèmes à accueillir des tissus concurrents, car ils diffusent notre produit également. Le combat n'est pas entre tissus technologiques, il se fait contre les tissus traditionnels."

Un futur au-delà de la chemise en coton

Induo compte 18 pays parmi ses 60 marques clientes, mais souhaite s'installer de façon plus pérenne dans les autres pays européens. En plus de son siège social lillois et de son bureau parisien, la startup a ouvert une succursale à Londres. Elle va doubler ses effectifs de 10 à 20 employés d'ici la fin de l'année, grâce à la levée de fonds opérée début 2019. Et côté produit, les perspectives de développement sont nombreuses : lnduo pourrait traiter d'autres tissus que le coton ou adapter son coton pour d'autres types de vêtements. Si Pauline Guesné laisse entrevoir ces potentiels, elle préfère rester évasive sur les détails.

Sur l'année 2018, 25.000 chemises Induo ont été mises en production. En multipliant les nouveaux clients, la jeune startup vise un chiffre d'affaires plus important pour confirmer à court terme la rentabilité de son dernier exercice. Parmi les pistes de croissance, l'entrepreneuse n'écarte pas la possibilité de travailler main dans la main avec un vendeur sur le développement d'un nouveau type de tissu, qui serait alors exclusif. L'association entre le chimiste japonais Toray et le géant du textile Uniqlo sur la technologie HeatTech fait figure de modèle dans le domaine. Ce tissu, très chaud et léger, décliné en plusieurs collections, fait les beaux jours du distributeur avec plus de 100 millions d'unités vendues. Ce type de schéma gagnant-gagnant profiterait à Induo. Il ne lui reste plus qu'à trouver son Uniqlo.

François Manens

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Commentaires 4
à écrit le 05/05/2019 à 13:39
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Une utilité égale à 40 lavage ? Je trouve ce produit top pour les métiers de la restauration , à titre d’habit de travail , mais le coût reste onéreux pour l’entreprise. Ensuite ce genre de tissu est top pour les fauteuils et canapés , si c’était po...

à écrit le 05/05/2019 à 10:56
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"Tissu qui ne se tache pas " sans accent circonflexe, svp ! merci d' avance....

à écrit le 04/05/2019 à 14:27
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Tache!

à écrit le 04/05/2019 à 10:03
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Brillant. L'étape suivante est: que faire après 40 lavages ? Jeter la chemise ou recharger ses qualités hydrophobes ? Vous avez un modèle économique et écologique à développer en proposant de recharger les chemises qui perdent leur qualités.

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