Nassim Taleb : "nous devons passer au capitalisme 2.0"

Chaque jour, cet été, nous interrogeons un grand témoin de l'actualité sur sa vision de l'après-crise. Aujourd'hui, le professeur Nassim Taleb, qui dénonce une économie trop spécialisée, préconise un système avec moins de dettes où les entrepreneurs prennent des risques mais pas les banquiers.

Vivons-nous une crise sans précédent ?

La crise n'a pas commencé car le système économique, pour devenir plus robuste, doit se transformer. On peut s'inspirer de l'exemple de la nature, qui est un système complexe qui a évolué de façon robuste. Dans la nature, si quelque chose est fragile, il se brise rapidement. Par ailleurs, la mort d'un gros mammifère n'affecte pas les autres. Avec les banques, c'est l'inverse. La doctrine du "too big to fail" [trop gros pour faire faillite, Ndlr] maintient en vie des institutions qui ne sont pas adaptées et la faillite d'une grosse banque peut avoir un impact considérable. La nature est basée sur la redondance organique et fonctionnelle. Nous avons deux yeux, deux poumons, deux reins, deux oreilles, deux testicules ou deux ovaires. On peut les considérer comme des pièces de rechange. De plus, un organe a généralement plusieurs fonctions. En revanche, l'économie est organisée de manière inverse. David Riccardo nous a enseigné qu'il fallait se spécialiser. C'est bien d'être spécialisé : cela nous rend plus efficace et tout le monde en profite sauf quand le produit de la spécialisation disparaît. La nature n'aime pas la spécialisation. Dans l'économie, la dette implique de supprimer les éléments redondants d'une entreprise. On gère au plus juste et on devient beaucoup plus fragile. On peut observer ce phénomène dans les entreprises qui ont été rachetées par fort endettement.

Le monde entier a été surpris par l'ampleur de la crise financière. Les économistes sont-ils vraiment utiles ?

Sur le million d'économistes que compte la planète, il n'y en a que quelques-uns qui ont compris ce qui se passait. Il y avait un éléphant au milieu de la salle et personne ne l'a vu. Si un pilote d'avion fait une erreur et provoque un crash, vous n'allez pas lui remettre un manche à balais dans les mains. Pour Ben Bernanke, le patron de la Fed, c'est pareil. Nous devons passer au capitalisme 2.0 en supprimant la financiarisation de l'économie. Nous devons aussi apprendre à ne plus utiliser les marchés financiers comme un moyen de stocker de la valeur. Enfin, on ne fait pas d'omelette sans casser d'?ufs. Nous devons transformer la dette en fonds propres, interdire les achats par effet de levier sur la dette, supprimer le prix Nobel d'économie, reprendre les bonus à ceux qui nous ont conduits dans cette crise et laisser les entreprises qui ne sont pas assez robustes disparaître. En un mot, nous devons apprendre à vivre dans un monde où les entrepreneurs prennent des risques mais surtout pas les banquiers !

Ne fallait-il pas sauver les banques ?

Les traders ont fait des centaines de millions de dollars de profits pour des erreurs qui nous ont causé des milliards de dollars de pertes. Bob Rubin, ancien directeur du Trésor, ancien de Goldman Sachs et surtout ancien directeur de Citibank, a reçu un bonus de 120 millions de dollars alors que Citibank a perdu des dizaines de milliards. Finalement, l'ouvrier moyen a payé le bonus de ce monsieur. Le capitalisme ne doit pas fonctionner comme cela. Pas de capitalisme sans punition. Pas de bonus sans malus. Par ailleurs, les hedge funds ne sont pas responsables de la situation. Et quand un hedge fund saute, il n'embête personne. Quand une banque perd des dizaines de milliards de dollars, elle sollicite son gouvernement.

Que vous inspire le débat sur les bonus dans les banques ?

Les militaires nous protègent contre divers risques, dont les agressions extérieures, et pourtant, on ne leur paye pas de bonus. Il ne faut pas verser de bonus à quelqu'un qui gère le contrôle des risques d'une banque ou d'une société. Sinon, il va essayer de cacher le risque pour être sûr de toucher son bonus.

Les appels à plus de régulation seront-ils entendus ?

Nous n'avons pas besoin de plus de régulation. Les régulateurs nous ont amenés dans cette situation avec leurs pseudo-mathématiques financières charlatanesques. Ils nous ont fait prendre des risques que nous ne comprenions pas en pensant les comprendre. J'ai attaqué toute ma vie ces charlatans, comme Paul Malliavin qui m'avait insulté lors d'une présentation à l'École polytechnique. Il m'avait même demandé de quitter la salle. J'ai eu raison malgré tout et j'ai gagné énormément d'argent pendant la crise !

La technologie peut-elle être un rempart contre la crise ?

Nous vivons dans un monde qui présente beaucoup plus de valeurs extrêmes qu'il y a vingt ans. La technologie propage des rumeurs qui deviennent fort robustes et planétaires. L'Islande a été mise faillite en quelques heures par le BlackBerry. Qui dépend de la confiance des autres est trop fragile.

Bio express : Pour avoir expliqué longtemps avant la crise que les banques prenaient des risques qu'elles ne comprenaient pas, Nassim Taleb, expert en mathématiques financières, ancien trader et philosophe du hasard, est devenu un homme célèbre. Ses idées se répandent rapidement sur la planète à travers ses ouvrages, dont le dernier d'entre eux, le "Black Swan"( "Le Cygne noir") est traduit en une vingtaine de langues.

Demain, suite de notre série avec l'interview de Hugues de Jouvenel

Commentaires 28
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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accord partagé avec chouette12, pareil pour ces analogies avec le pilote d'avion crashé( a condition qu'il survive déjà...) et pour celle du militaire( même si je suis contre ces bonus). Il cherche a se faire de la pub......

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les analogies entre le fonctionnement de l'économie et celui de la nature sont plutôt nébuleuses. Et ce gourou parait lui aussi se contenter d'attribuer la crise à un dérèglement de la finance, déconnectée de l'économie. Abstrait et fumeux...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pour du moins fumeux et abstrait, lire les scénarios Europe 2010 de la cellule prospective de la Commission européenne écrits en 1999. La cellule n'existe plus mais les 5 scénarios sont encore plus d'actualité. C'est très sympa à lire en plus.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Voilà enfin un expert qui prend assez de hauteur pour essayer de comprendre et expliquer les mécanismes économiques aboutissant à une nécessaire destruction créatrice...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Un peu décevant de la part d'un "visionnaire". En résumé : balayons ce système (nous devons supprimer, interdire,...) et reconstruisons un monde meilleur, plus juste, patin machin couffin... Bien. C'est le retour de l'imagination au pouvoir. Là où ç...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je soutiens monsieur Taleb dans ses aspects visionnaires. Cependant, pourquoi ne pas simplement évoquer l'asymétrie? C'est en effet l'asymétrie risque/revenu qui est concernée, à peu de choses près. Quant à Monsieur Malliavin, pardonnons-lui son atti...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'analogie de NT économie/nature n'est pas simple, mais il faut essayre de la comprendre. D'une part, économie et nature sont effectivement analogues, lorsque l'on laisse l'économie s'exprimer, bien sur. Indépendemment de l'exemple choisi par NT. Ens...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je trouve les commentateurs bien durs et péremptoires. l'analogie avec le pilote d'avion est évidente. Le pilote fautif n'aurait plus la vie des personnes entre ses mains. les économiste qui ont conduit à la crise financière continuent à piloter la m...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Intelligeant mais inutile. Les prédictions à postériori sont inutiles. Cependant Analogie intéressante avec l?environnementale ... Je conseil de lire LES ORIGINES DU VIVANT JOHN MAYNARD SMITH... Dans un système symbiotique régit par un juste équil...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Vous dites "Les traders ont fait des centaines de millions de dollars de profits pour des erreurs qui nous ont causé des milliards de dollars de pertes." Ce est curieux c'est la focalisation sur les millions alors qu'il y a des milliard de pertes. ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Intelligeant mais inutile. Les prédictions à postériori sont inutiles. Cependant Analogie intéressante avec l?environnementale ... Je conseil de lire LES ORIGINES DU VIVANT JOHN MAYNARD SMITH... Dans un système symbiotique régit par un juste équil...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'essentiel manque. L'affaiblissement de l'État-Nation (le véritable régulateur) face aux structures de pouvoir mondialisées (FMI, Banque mondiale) et leur crédo ultra-libéral, l'effacement du politique par rapport aux financiers, la perte de valeurs...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Confus, approximatif et inexact ! Ce n'est pas le NNT que je connais.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il faut toujours le dire et le redire;que ce soit dans le modele anglo-saxon avec prise de participation au capital quand les actions ne valent rien (il etait tres interressent d'en acheter à ce moment là),ou en france avec aide directe.Les banques r...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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LES POINTS DE VUE SONT PLUS QUE FILTRES DOMMAGE. JE PENSE VOTRE LIGNE EDITRORIALE PERTINANTE. LAISSER LES FRANCAIS S'EXPRIMER. TOUS LES FRANCAIS. JE VAIS CONTINUER A VOUS LIRE. ET A LIRE LES COMMENTAIRES PERTINANTS, DROLES, VIOLENTS, ABRUPTES, ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je reste sur ma faim après la lecture de votre article et trouve l'image de la nature un peu "simpliste". Je pense que la lutte de pouvoir que la finance a engagé contre l'économie est un véritable fiasco et de cette dualité est né un "3ème larron":...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'article et les arguments avancés sont trop courts pour une compréhension complète de son analyse. Quoi qu'il en soit, cette crise est née de déséquilibre dans un monde virtuel i.e sans limite. Le bon sens paysan de nos parents qui disaient "si tu...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Monsieur Pietri, je partage votre juste volonté d'une finance réduite, comme elle le mérite, à l'état d'outil pour la "vraie" économie. Je me plais à croire que ce sont ses aspects spéculatifs qui l'ont affaiblie, cependant qu'ils constituaient une ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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les positions du profeseur confirment d'autres témoignages de personnalités du monde de l'économie. Comme je l'écrivai hier dans le précédent article, les nouveaux clivages majeurs se précisent : mettre un terme à la domination mondiale des industrie...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je suis en train de lire The Black Swann (à mon rythme), et j'ai déjà appris un certain nombre de choses. Pour ma part (et pour réagir à certains commentaires) je comprend très bien l'analogie avec la nature et la notion de redondance, de système r...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Très grand Monsieur que Nassim Nicholas Taleb ; proche de Benoît Mandelbrot, sûrement le plus grand mathématicien du XXeme siècle, grand pourfendeur de la normalité gaussienne appliquée aux variations boursières face au mur de l'orthodoxie financière...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Cette article est complètement "vaseux": des analogies à l'emporte-pièce, et des recommandations parfaitement risibles...Par exemple "transformer la dette en fonds propres"!! Les créanciers -l'Etat en tête- des institutions renflouées devraient-ils s...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bonjour à toutes et tous, Contrairement au loto la bourse fait aussi perdre ceux qui ne jouent pas. Avoir raison parcequ'on gagne de l'argent pendant une crise n'est pas transcendant. Avoir raison à terme, c'est gentil, en attendant le terme ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La nature élimine les faibles, les malades. Il en est ainsi des animaux mais aussi des plantes. Certaines sont envahissantes et peuvent détruire un écosystème. Notre modèle de société doit garder un équilibre entre tous les acteurs. Quand un secteur...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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article

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ce qui me frappe en lisant NT, outre un besoin maladif de se croire le grand visionnaire de cette crise ( d'autres en Europe, aux US et en France l'ont bien vu venir avant lui), c'est l'absence de la politique. Les acteurs ayant le pouvoir d'agir d...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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The Black Swan est un livre assez intéressant qui a valu la célébrité à son auteur de par son interprétation des événements du 11 Septembre. En revanche cet article est vraiment décevant. M.Taleb règle ses comptes avec d'autres mathématiciens, et se ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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C'est facile de taper sur les banquiers et les traders comme responsable de la crise. Creer de la surproduction industriel basé sur la capacité du peuple à se surendetter et une décision politique des gouvernements depuis 1981 en FRance, (Reagan au ...

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