Une taxe sur les transactions financières pour faire bouger l'Europe

Par Romaric Godin  |   |  480  mots
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Le projet de loi de finances rectificative introduit une taxe de 0,1 % sur les transactions financières liées aux actions de sociétés françaises de plus d'un milliard d'euros de capitalisation. Une invitation à accélérer la taxe européenne.

Une des mesures phare du collectif est l'introduction en France, dès le 1er août 2012, d'une taxe sur les transactions financières. Fixée à 0,1 %, elle frappera chaque transaction financière concernant les actions des sociétés ayant, au 1er janvier, une capitalisation boursière d'un milliard d'euros et leur siège social en France. Selon Bercy, une telle taxe concernerait 80 à 85 % des échanges sur la place financière française et pourrait ainsi rapporter 1,1 milliard d'euros en année pleine, soit quatre fois plus que l'impôt sur les opérations de Bourse supprimé en 2007. Les exemptions à cette taxe sont néanmoins très nombreuses : les émissions primaires, les transactions de reclassement au sein d'un groupe, les opérations de tenue de marché (« market making »), les obligations d'entreprises et, évidemment, les titres souverains.

Mesures symboliques
Paris a pris deux autres mesures plus symboliques, mais qui veulent peser dans le débat européen. La taxe frappera ainsi les « Credit Default Swap » (CDS) souverains à nu, autrement dit ces produits d'assurance sur les obligations souveraines qui ne sont liés à aucun actif sous-jacent. Elle sera également appliquée aux opérations dites de « trading à haute fréquence », opérations réalisées par ordinateur dans des temps très courts afin d'influencer le marché. Ces deux éléments sont symboliques dans la mesure où la taxe ne pourra s'appliquer dans ces deux cas que pour les transactions réalisées sur le territoire français. Or, c'est à Londres et non en France que sont effectuées l'essentiel de ces opérations. Pour le cas des CDS souverains à nu, le contrôle est d'autant plus difficile qu'il s'agit souvent de contrats de gré à gré échappant au règlement livraison classique.

Enjeu européen
En réalité, on reconnaît à Bercy que ce projet est une solution intermédiaire où a été pesé le risque que la France se retrouve isolée sur le sujet. Mais Paris entend servir d'exemple. Mardi, une lettre signée par neuf ministres des Finances a invité la présidence danoise de l'UE à « accélérer le processus de négociation et d'analyse » afin de parvenir à la fin de cette présidence, le 1er juillet, à une proposition. Outre la France et l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, la Belgique, la Grèce, l'Italie, l'Espagne et le Portugal ont signé cette lettre. Cette missive est importante car les traités prévoient que neuf Etats membres peuvent lancer une « coopération renforcée » dans des domaines précis. Autrement dit, la taxe européenne pourrait, dans ce domaine, avancer malgré les oppositions de Stockholm et de Londres. Reste à savoir si l'Allemagne, soucieuse de la pérennité de la place de Francfort, autrement plus importante que celle de Paris, acceptera de suivre l'exemple français en offrant un avantage compétitif à Londres. Ce sera tout l'enjeu des négociations européennes à venir.