"On ne traite pas la politique de l'emploi à coup de lois"

Dans un entretien à La Tribune, Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'Emploi, revient sur les enjeux de la grande réunion sociale de l'Elysée ce mercredi.

La Tribune : Tout au long de la semaine dernière, vous avez rencontré les partenaires sociaux pour préparer la réunion de mercredi avec le chef de l'Etat. Au moment où le climat social se tend, quels enseignements en tirez-vous ?

Laurent Wauquiez : Le souhait du président de la république était que l'on mette tous les sujets sur la table, sans exclusive dans le souci d'être à l'écoute des partenaires sociaux. Force Ouvrière est ainsi revenu sur les contreparties aux allègements de charges, la CFDT a parlé de son fonds d'investissement social, la CGT du moratoire sur les licenciements... Au total, nous avons eu près de 15 heures de discussion dont je retiens des idées intéressantes. Quand les syndicats parlent d'investir dans la formation cela m'intéresse car on sort de la vieille opposition entre le capital et le travail, où l'investissement n'est que dans le capital. Poser l'idée qu'en période de crise, il faut aussi investir dans les salariés est une idée simple mais forte.

Avez-vous senti les partenaires sociaux très déterminés face au gouvernement ?

Je ne ressors pas de ces tables rondes avec le sentiment d'une opposition frontale sans possibilité de rencontre. Personne parmi les syndicats ne conteste l'utilité du plan d'investissement. Mais à côté, ils souhaitent d'autres mesures.

Les syndicats attendent, le 18 février, des décisions concrètes. Qu'allez-vous leur proposer ?

Il y aura des mesures très concrètes, opérationnelles, parmi les pistes évoquées par le président de la république autour du chômage partiel, de l'aide aux victimes de la crise ou des mesures vers les classes moyennes comme le chèque emploi service universel préfinancé. D'autres nécessiteront de travailler plus longtemps car ce sont des choix de plus grande ampleur.

Parmi ces sujets, il y a le partage profits-salaire. C'est une question compliquée, à un moment où une entreprise comme Total annonce 14 milliards d'euros de bénéfices. Cet exemple vous choque ?

D'abord, dans la période actuelle, je préfère qu'une entreprise française fasse des bénéfices plutôt qu'elle licencie. Et si Total en profite pour être exemplaire sur l'emploi des seniors ou des jeunes, comme ils ont su l'être en matière de rapidité de baisse des prix ou du financement de la prime à la cuve pour les plus modestes lorsque Christine Lagarde le leur a demandé, alors je crois que nous aurons tout lieu de nous réjouir.

Vous misez donc sur l'exemplarité des entreprises plutôt que sur une loi ?

Le président a voulu poser la question sur un sujet majeur de la crise. Les débordements du capitalisme financier ont tué le capitalisme économique et de production. Dans la famille politique dont je me réclame, nous sommes attachés à la valeur de l'entrepreneuriat, avec une rentabilité dans la durée. Nous nous opposons à un partage de la valeur ajoutée courtermiste, qui exige des rendements des capitaux investis qui sont déraisonnables. Il faut se poser ces questions : comment fait-on pour que le taux de rendement des actionnaires n'épuise pas les capacités d'investissement de l'entreprise dans la durée? Comment fait-on pour que l'argent dégagé bénéficie de manière équilibrée aux actionnaires et aux salariés ? C'est une réflexion de longue haleine.

A un moment où la situation se dégrade, faut-il changer d'orientation dans la politique de l'emploi ?

Nous avons déjà fait beaucoup de choses. Depuis le mois de septembre, nous avons facilité l'activité partielle pour prévenir les licenciements, débloqué une enveloppe de 100.000 contrats aidés supplémentaires, accéléré la fusion ANPE-Assedic pour améliorer le service aux demandeurs d'emploi, institué une aide à l'embauche dans les TPE, accompagné les réformes de la formation professionnelle et de l'assurance-chômage... Dans tous les cas, nous avons pris nos responsabilités pour aider les victimes de la crise et minimiser ses effets sur l'emploi. Et nous avons à chaque fois dégagé les moyens nécessaires avec, par exemple, les 500 millions du plan de relance, les 700 millions dédiés à l'aide à l'embauche auxquelles il faudrait ajouter les financements dégagés par les partenaires sociaux notamment les 200 millions sur les fonds de la formation professionnelle. Est-ce suffisant ? Le président est très pragmatique. La rencontre du 18 février est une étape supplémentaire.

Les partenaires sociaux semblent traîner des pieds pour investir des fonds paritaires dans la formation des chômeurs et des salariés fragiles. Faut-il une loi pour les pousser à agir ?

Je n'ai pas cette lecture. Ils ont accepté de négocier sur ce sujet et de débloquer 200 millions d'euros tout de suite, puis 900 millions d'euros par an. Nous allons traduire leur accord en loi au printemps. Cela va nous permettre de débloquer des fonds. Aujourd'hui, tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut coupler la formation à l'activité partielle. Les PME qui vont licencier perdront un savoir-faire qu'elles ne retrouveront pas. Il faut à tout prix l'éviter.

Dans les dispositifs sectoriels, les aides de l'Etat sont assorties de contreparties. Ce « donnant-donnant » est assez nouveau pour la droite. Est-ce le présage d'une évolution de la politique de l'emploi ?

La vieille politique de gauche - et parfois l'actuelle - est de croire qu'on traite la politique de l'emploi à coup de lois. On le voit avec Benoît Hamon et son souhait de rétablir l'autorisation administrative de licenciement. C'est de l'utopie législative ! La vieille approche de droite, cela a pu être parfois de laisser-faire. Aujourd'hui, nous sommes prêts à aider certains secteurs, mais nous demandons des contreparties. Cette approche, très nouvelle, est celle qui a le meilleur effet de levier.

Face à l'afflux de demandeurs d'emploi, Pôle Emploi semble un peu débordé. Est-il en mesure d'absorber la hausse du chômage ?

Avec 45.000 salariés, 1.500 sites, deux statuts et des cultures différentes, la fusion ANPE-Unedic est une réforme compliquée. Un an après le vote de la loi, les choses ont déjà évolué grâce au travail remarquable fait par Christian Charpy et ses équipes. Il est évident que la crise rend la gestion plus difficile pour Pôle Emploi. Mais heureusement que nous avons engagé en 2008 la réforme du service public de l'emploi, à l'image de ce qu'on fait d'autres pays comme la Suède, du Royaume-Uni ou de l'Allemagne. Quand il y a eu des difficultés en décembre avec des dossiers qui s'accumulaient, nous avons pu réagir tout de suite et mettre en place des moyens suplémentaires. En trois semaines, Pôle Emploi a diminué de 40% le nombre de dossiers en attente.

Finalement, la politique de l'emploi est très calée sur les cycles économiques. Toute politique structurelle est-elle vouée à l'échec ?

Depuis son élection, le président a souhaité que l'on sorte d'une approche passive de la politique de l'emploi, d'un système où l'on n'investit que lorsque les gens sont au chômage. Nous avons essayé de remonter le plus en amont possible les outils de la politique de l'emploi. Cela se traduit notamment par le soutien à la création d'emploi. Nous avons aussi fait une vraie révolution culturelle en favorisant le retour à l'emploi avec le CTP, la fusion ANPE-Unedic, les contrats autonomie pour les jeunes. Mais la politique de l'emploi doit être hyper réactive. Par exemple, nous avons développé les contrats aidés depuis juillet pour éviter que les gens ne restent scotchés dans du chômage de longue durée. Je l'assume sans aucun problème.

Commentaires 8
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Consternant cette déclaration de Wauquiez... "approche passive" serait-elle la suite d'une hyperactivité en largesses (laxisme UIMM et consorts). Les politiques montrent ici leurs suffisances et leurs incompétences dans un moment de grande panique.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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De son temps de Gaulle avait dit la "politique de la France ne se fait pas à la corbeille" et il s'était bien trompé, puisque de nos jours les politiques et la finance sont mêlés, et fricotent ensemble, ou sont eux mêmes dans la finance avec des inté...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je ne doute pas des convictions de M Wauquiez ni de son engagement. Je suis cadre et après plus de 30 ans d'activités sans interruption je suis au chômage. Je suis donc, à plus de 55 ans, en recherche d'emploi. Force est de constaté que les aides qui...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Si le Gouvernement ne traite pas la politique économique à coups de projets de lois, à quoi sert-il ? Comme tous les fainéants et incapables libéraux, il attend que la "main invisible du marché" fasse son travail ?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Si certains commentaires sur cet article me paraissent relever du bons sens, bien d'autres relèvent soit de l'ignorance la plus grave concernnt l'économie, soit d'un parti pris dogmatique, ou encore... d'une mauvaise lecture, sans doute aveuglée par ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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une nouvelle fois on voit le décalage politique par rapport au besoin du citoyen. M.Wauquiez est l'exemple même de cette France très bonne pour discourir mais bien loin de la réalité du terrain.Je suis étonné du message de Carpatrick car je pense que...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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1)les partenaires sociaux (non représentatifs...)débloquent 200 +900 millions d'euros par an pour les formations ?Ils les sortent d'où ? 2)Wauquiez veut faire croire que les retards dans le traitement des dossiers des chômeurs ont été résorbés grâce ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Réponse à silverfox Quand un agent de Pôle emploi vous donne une explication alambiquée du type mesures gelées, c'est qu'il lui est interdit de dire que de nombreuses mesures sont des effets d'annonce, de la com, mais que derrière il n'y a pas les c...

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