"Nous allons expérimenter un bilan personnel d'orientation pour chaque élève de 3ème"

Soucieux d'éviter les sujets polémiques, Xavier Darcos s'attaque à l'amélioration des conditions dans lesquelles s'exerce l'orientation des élèves avant leur entrée au lycée.

Les raisons de la crise que nous vivons sont-elles comprises par les jeunes Français ?

Ils sont inquiets pour leur avenir. En analysent-ils totalement les causes réelles, je n'en suis pas certain. Ils considèrent surtout qu'il s'agit d'une défaillance du capitalisme international.

L'enseignement de l'économie ne devrait-il pas être une priorité ? Le rapport Guesnerie qui vous a été remis en juillet montrait qu'il était catastrophique en France. Qu'en avez-vous fait ?

Le rapport Guesnerie constitue désormais un travail sur lequel toute évolution des programmes de sciences économiques et sociales devra s'appuyer. Il rappelle qu'il faut apporter aux élèves une vision macro-économique, qui donne les bases dont tout citoyen a besoin: qu'est ce que l'échange? le marché, l'équilibre de la base des paiements? etc.. Mais que l'enseignement des sciences économiques et sociales au lycée doit aussi accorder une place plus grande à la micro-économie: qu'est-ce qu'un bilan? des bénéfices? Comment fonctionne une entreprise?

Vous avez lancé la réforme du lycée. Le jugez-vous trop élitiste ?

Rappelons d'abord un fait: la quasi-totalité des lycéens de l'enseignement général et technologique poursuivent leurs études dans l'enseignement supérieur après le baccalauréat. Ce n'était pas le cas il y a trente ans. Par conséquent, toute l'évolution du lycée reposera désormais sur cette question: quelles compétences attend-on d'un élève qui va entrer à l'université et comment l'acquisition de ses compétences peut s'inscrire dans un système aujourd'hui organisé en juxtaposition de disciplines. C'est évidemment une question complexe et parfois dérangeante lorsqu'il faut la traduire en maquettes d'enseignement pour les filières du lycée. Mais c'est le travail que j'ai demandé à Richard Descoings de conduire lorsqu'il aura fini sa tournée des établissements.

Accepteriez-vous de changer de ministère sans être allé au bout de la réforme ?

Voilà une curieuse question! Il n'appartient pas certainement pas aux ministres de juger de l'opportunité et de la forme d'un remaniement ministériel. Si le Président de la République veut que je poursuive ma tâche au ministère de l'Education nationale, je le ferai avec enthousiasme. Dans le cas contraire, je laisserai à mon successeur une réforme déjà très avancée. Quand on est ministre, on est au service d'un projet global, pas de sa propre ambition ou de son propre bilan.

Etes-vous pour plus d'autonomie des établissements ?

Oui. Tout en conservant Ie caractère national de l'éducation, les lycées et leurs équipes pédagogiques doivent avoir de plus grandes marges de man?uvre pour mettre en ?uvre les stratégies les plus adaptées à leurs élèves. La rénovation de la voie professionnelle, engagée à la rentrée 2008 et généralisée à la prochaine rentrée a ainsi été l'occasion de leur donner des moyens pour innover. Les lycées professionnels ont été, comme souvent, à Ia pointe de la modernité pédagogique. Peut-être parce qu'ils sont plus proches du monde professionnel.

 

Le manque de relation entre lycée, enseignement supérieur et monde professionnel est souvent pointé du doigt. Vous avez entamé un chantier sur l'orientation en début d'année. Ou en êtes-vous ?

Une bonne orientation c'est d'abord une bonne information pour tous. Tout Ie monde sait que, dans Ie système éducatif français, il existe une sorte de «délit d'initié» en matière d'orientation: ceux qui sont bien informés (enseignants, milieux professionnels aisés...) connaissent les filières, les établissements, les options rares qu'il faut choisir pour réussir... J'estime que l'information ainsi masquée est une atteinte au principe même de I' école de la République.. Je veux que nous améliorons notre disponibilité pour apporter aux élèves mais également aux parents, la meilleure information possible en matière d'orientation, car prendre un rendez vous, un milieu d'après-midi en semaine, n'est pas évident pour tous. C'est la raison pour laquelle nous allons créer un véritable service aux familles grâce à nouvelle plate-forme téléphonique, le 0810 012 025, ouverte du lundi au vendredi de 9 heures a 20 heures. Les intervenants de cette plateforme seront ceux que l'on peut rencontrer dans les CIO (conseillers d'orientation, personnels de I'Onisep,...). Dès aujourd'hui, ce nouveau service est ouvert pour toute la région Picardie. Il sera généralisé en septembre. Parallèlement nous allons expérimenter un bilan personnel d'orientation pour chaque élève de troisième, appelé «Portrait d'avenir». II s'agit de construire avec l'élève son avenir grâce aux intervenants de I'Education nationale et du secteur de l'emploi... Il est en effet intéressant, pour certains, d'avancer dans la scolarité Ie moment où on fait Ie lien entre un choix d'orientation et un profil de métier. Ce dispositif, qui s'ajoutera au stage de découverte professionnelle, est expérimenté dans l'académie de Limoges.

Cela nécessitera des moyens supplémentaires ?

Les services nouveaux que nous offrons depuis deux ans, nous les finançons grâce à une bonne gestion et une bonne maîtrise de l'emploi public dans ce ministère. Je me refuse donc à tomber dans le débat byzantin, mais néanmoins traditionnel dans ce ministère, de savoir s'il faut ou pas empiler en permanence des moyens supplémentaires pour avancer....

Mais en même temps vous supprimez plus de 10.000 postes par an...

Il est souhaitable que le déficit structurel de l'Etat s'allège, précisément pour qu'il ait la capacité de programmer des investissements au moment où il faut soutenir l'économie. En matière d'emploi et de crédits publics, notre raisonnement n'est pas comptable. J'accorde d'abord la priorité au service rendu. Depuis deux ans nous offrons de nouveaux services: à l'école primaire avec l'aide individualisée; au collège avec l'accompagnement éducatif (chaque jour, un million d'élèves bénéficient après les cours de deux heures d'aides au devoir ou d'activités éducatives); au lycée avec les stages d'anglais oral pendant les vacances ou les remises à niveau l'été. Depuis deux ans, rappelons également que nous accueillons et accompagnons 10.000 élèves handicapés de plus chaque année,... En 2008, 11.200 emplois n'ont pas été renouvelés et, pour autant, l'encadrement a été aussi bon que l'année précédente en raison, d'une part, de la baisse démographique du nombre des élèves dans le secondaire mais également parce que l'utilisation des heures supplémentaires a connu un vrai développement. De même, en 2009, une meilleure utilisation des moyens très importants que nous confie le contribuable permet de ne pas renouveler 13.500 départs à la retraite, sans pour autant diminuer le nombre professeurs qui sont en présence devant une classe. Je rappelle, par exemple, que ce ministère emploie l'équivalent de 50.000 professeurs pour le remplacement et ne mobilise effectivement que 80% de ce potentiel. Ce qui veut dire que l'équivalent de 10.000 emplois ne sont pas utilisés de manière efficace.

Quels sont les nouveaux aménagements de la réforme de la formation des enseignants, dite « mastérisation », que vous proposez à l'issue de plusieurs jours de négociations avec les syndicats ?

Je crois que nous nous acheminons vers un accord sur les objectifs et les modalités de la mastérisation. Les objectifs d'abord : des professeurs plus qualifiés, qui seront désormais recrutés à bac +5 comme dans la plupart des pays européens, qui auront une première expérience du métier avant de passer les concours - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et qui seront mieux accompagnés dans leurs débuts de carrière. Naturellement, cela s'accompagnera d'une revalorisation des débuts de carrière tenant compte des nouvelles exigences des concours. Les modalités, ensuite. Il était essentiel que nous ayons une période de transition pour passer progressivement du recrutement à bac+3 au recrutement à bac+5 sans porter préjudice aux étudiants qui s'apprêtent à passer les concours ou qui ne l'auront pas réussi en 2009. A terme, d'ailleurs, ces derniers seront les grands gagnants de cette réforme puisque les 100 000 d'entre eux qui échouent au concours pourront désormais valoriser leur deux années de formation par un master. J'ai indiqué que la forme des concours resterait la même pour l'année prochaine et que leur forme définitive ne serait adoptée que pour la session 2011. Il reste bien sûr des chantiers à conduire et notamment sur la bonne articulation de la formation universitaire en master avec les concours. Mais les éléments clés de progrès pour améliorer la formation et l'entrée dans le métier des jeunes enseignants seront en place dès l'année prochaine : une meilleure entrée dans le métier, la place prééminente de l'université dans la formation, la possibilité de se mettre en situation au travers de stages avant de passer le concours

 

Cela va-t-il suffire à calmer la crise ?

Je crois que l'ensemble des acteurs du monde scolaire et universitaire que nous avons beaucoup rencontrés, ces derniers temps, en lien avec Valérie Pécresse sont convaincus de l'intérêt de la masterisation pour les enseignants et pour leurs élèves.

Quel est l'avenir des instituts universitaires de formation des maîtres ?

Ils sont intégrés dans les universités depuis la loi de 2005. Il faut donc aller jusqu'au bout de la logique et donner une réalité à cette loi en faisant des universités des acteurs pleins et entiers de la formation initiale - y compris la préparation aux concours - mais aussi de la formation continue. Nous invitons également les enseignants à diversifier leurs parcours professionnels. Nous lançons, dans 3 semaines un «Erasmus» des professeurs, baptisé programme « Jules Verne », pour les inciter à aller exercer dans des établissements à l'étranger

 


 

Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Depuis 2003, Darcos s'acharne sur la catégorie des CO-Psy, dévalorise la profession, la dit inefficace, peu informée du milieu de l'entreprise ... et voilà que le bonhomme annonce à grand renfort de medias que la qualité du service mis en place est...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Un bilan personnel d'orientation pour chaque prof me semble plus opportun.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Encore des mensonges, des chiffres manipulés et des arguments qui ne tiennent pas debout ! Monsieur Darcos, nous serons mobilisés jusqu'à ce que vous retiriez vos réformes, fut-ce après la fin de l'année universitaire ! L'enjeu est l'éducation de nos...

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