Réforme de l'hôpital : la CFDT refuse de "défendre le pouvoir des médecins"

Par latribune.fr  |   |  914  mots
La CFDT ne participera pas à la journée de mobilisation en faveur de l'hôpital, prévue demain mardi. Pour son secrétaire général, cette journée défend surtout les médecins et leur activité libérale et non l'hôpital. L'un des objectifs affichés des manifestations de demain est de protester contre le projet de loi "Hôpital, Patients, Santé, Territoires" de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot.

Le leader de la CFDT François Chérèque a déclaré ce lundi à Europe 1 que son syndicat ne participait pas à la manifestation nationale des hôpitaux prévue mardi, afin de ne pas "défendre le pouvoir des médecins".

Cette journée de manifestations et de grève a pour but de protester contre le volet "hôpital" du projet de loi "Hôpital, Patients, Santé, Territoires" (HPST) de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot.

"Aujourd'hui les médecins se battent surtout pour leur activité libérale", a estimé François Chérèque. Or "je ne suis pas sûr qu'en défendant le pouvoir des médecins, on défende l'hôpital". 

"Les deux problèmes à l' hôpital aujourd'hui" sont, selon le secrétaire général de la CFDT, "le financement de l'hôpital , qui est inégalitaire entre la clinique privée et l' hôpital ", point que la loi Bachelot "n'aborde pas", ainsi que "la désorganisation de la médecine de ville, l'installation des médecins sur le territoire".

La CFDT n'est pas la seule organisation à critiquer le rassemblement de demain. Le Ciss, collectif d'associations d'usagers de la santé, a ironisé sur cette mobilisation au sein de l'hôpital public. "Le Landerneau médical se mobilise pour conserver ses pouvoirs", a-t-il jugé.

Demain, mardi, les médecins des hôpitaux souhaitent montrer que leur mouvement de contestation du projet de loi Bachelot n'est pas strictement parisien et fait rare, les médecins défileront aux côtés des autres personnels de l'hôpital, avec "les mêmes revendications", selon les termes du Pr Bernard Granger, l'un des initiateurs du MDHP (Mouvement de Défense de l'Hôpital Public, soutenu par les syndicats hospitaliers).

Les chefs de services de l'AP-HP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris), peu enclins à ce genre d'exercice, seront en tête du cortège qui partira de la Tour Montparnasse pour se diriger vers le Sénat, où doit commencer le 11 mai l'examen du projet de loi. La manifestation se double d'un appel à la grève. Le MDHP a notamment invité à reporter les activités programmées et non-urgentes.

La réforme contestée

Une large partie de la communauté médicale conteste le projet de loi de Roselyne Bachelot, chacun -  parmi les médecins libéraux ou hospitaliers - y trouvant des motifs différents de mécontement.

A l' hôpital , les praticiens protestent contre le renforcement du pouvoir décisionnaire des directeurs d'hôpitaux. Afin, selon Roselyne Bachelot, de permettre une meilleure gestion, les directeurs auront en effet le dernier mot sur le projet médical des hôpitaux et sur les nominations des chefs de pôle, qui chapeautent les services. Les médecins estiment que le directeur aura pour priorité la lutte contre les déficits et privilégiera donc les "pathologies rentables". Ils craignent aussi que les directeurs suppriment des emplois sans leur aval, notamment parmi les infirmières, dans le seul but de réaliser des économies.

La création d'un nouveau statut contractuel pour les médecins hospitaliers, optionnel, avec une part de rémunération variable liée à la réalisation d'objectifs, suscite également la méfiance. Les pouvoirs publics veulent rendre les rémunérations plus attractives face aux cliniques, mais les syndicats y voient une menace pour la qualité des soins.

Du côté des cliniques, une disposition du projet de loi - introduite par les députés - prévoit la possibilité de contraindre les cliniques en situation de "monopole local" à pratiquer une part de leur activité aux tarifs de base de la Sécurité sociale, sans dépassements de la part des médecins libéraux y exerçant. Des syndicats de médecins libéraux et d'internes se sont dressés contre cette mesure, que la ministre s'est dite prête à supprimer, au grand dam des associations d'usagers de la santé. Les dépassements d'honoraires ne sont pas remboursables par la Sécurité sociale et le sont de manière inégale par les complémentaires santé, dont ne disposent pas tous les patients.

Par ailleurs, pour lutter contre les "déserts médicaux", de nombreux députés, y compris dans la majorité, ont voulu remettre en cause la liberté d'installation des médecins libéraux. Le gouvernement a refusé les amendements dans ce sens et son texte privilégie les mesures incitatives. Le projet prévoit néanmoins la mise en place, d'ici trois ans, d'une pénalité financière pour les médecins des zones surdotées qui refuseraient de prêter main forte à leurs collègues de zones moins bien pourvues. Les principaux syndicats de médecins libéraux jugent cette mesure inacceptable.

Le texte prévoit aussi la mise en place d'un Schéma régional d'organisation de l'offre de soins (SROS) pour le secteur libéral, qui signe selon certains la fin prochaine de la liberté d'installation, même si le gouvernement a assuré qu'il ne serait pas contraignant.

Enfin, le principal syndicat de médecins libéraux, la CSMF, accuse le gouvernement d'avoir globalement échafaudé "une loi anti-médecins". Sont mises en cause l'autorisation du "testing" pour confondre les médecins refusant des soins, notamment aux plus précaires bénéficiant de la Couverture maladie universelle (CMU), et l'instauration d'une pénalité pour les médecins n'utilisant pas la télétransmission des feuilles de soins.