Christine Lagarde : "limiter les bonus va contre la culture américaine"

Par Propos recueillis par Eric Albert, à Londres  |   |  413  mots
De retour du G20 Finances, la ministre de l'Economie admet que les négociations deviennent plus "compliquées". Elles portent à présent sur la mise en œuvre des réformes.

Après les grands principes sur lesquels le G20 s'était mis d'accord en avril, leur traduction dans les actes semble nettement plus dure...

Bien sûr que c'est plus dur. Maintenant, il faut rentrer dans la technique, il faut mettre les mains dans le cambouis. Mais il ne faut pas comparer le 2 avril, le sommet du G20 de Londres, et la réunion de ce week-end. Le 2 avril, c'était une rencontre des chefs d'Etat et de gouvernement. Il faudra la comparer à celle des 24 et 25 septembre lorsqu'ils se retrouveront à Pittsburgh. On verra alors si le soufflé n'est pas retombé. Après les grands principes, il faut rentrer dans la mise en œuvre, et là, c'est toujours plus compliqué : cela prend du temps et il ne faut pas qu'on se trompe.

Mais la dynamique politique du G20 n'est-elle pas en train de retomber ?

Non, pas du tout. La dynamique politique était de répondre à une situation d'urgence, qui nécessitait des mesures exceptionnelles. On les a prises. Maintenant, on travaille la structure. Evidemment, c'est plus tendu, parce qu'on construit l'avenir. On n'est plus en train de régler les problèmes du présent.

La mise en œuvre est notamment difficile en ce qui concerne les bonus. Le communiqué du G20 parle d'"explorer les approches possibles pour limiter" les rémunérations. C'est vague...

On peut imaginer toutes sortes de possibilités. Par exemple, on peut introduire une limite de la partie variable de la rémunération par rapport à la partie fixe, sur une base individuelle ou collective ; ou alors, une limite du total de la partie variable par rapport au résultat brut d'exploitation. Mais il ne faut pas qu'on se fixe sur un principe, qui serait la méthode française. Mieux vaut se focaliser sur la mise en œuvre sur le plan international : cela va peut-être prendre des formes différentes selon les pays, les systèmes juridiques et les modes d'organisation des entreprises. Ce qu'il faut, c'est sortir d'une vision à court terme, sans considération du facteur risque ni du facteur résultat.

Les Etats-Unis sont-ils prêts à limiter les bonus ?

Leur culture est l'esprit d'entreprise, du risque et de sa rémunération. La notion de limitation est contre-culturelle. C'est pour ça que le fait d'avoir le mot "limitation" dans le communiqué a été une sacrée bataille.

 

Retrouvez l'intégralité de l'interview de Christine Lagarde dans l'édition de ce lundi de La Tribune.