Suicides au travail : "Les entreprises doivent mieux prendre en compte les risques psycho-sociaux "

Par Virginie de Kerautem  |   |  411  mots
Avocat en droit social pour le cabinet Lefèvre Pelletier & associés, Françoise Pelletier conseille les entreprises en matière de santé au travail. Latribune.fr l'a interrogée au sujet de la série de suicides parmi les salariés de France Télécom.

Spécialisée en droit social, Françoise Pelletier considère la mobilité comme un générateur important de stress pour un salarié; "c'est l'un des facteurs de souffrance", précise-t-elle. Se suicider sur son lieu de travail est un acte "d'une extrême violence", "c'est un signe fort." Toutefois, "pas un psychiatre ne dira que le suicide est monocause", explique Françoise Pelletier et l'enquête qui suit le suicide d'un salarié sur son lieu de travail doit permettre d'identifier dans quelle mesure le contexte professionnel a été un déclencheur ou pas.

Mais plutôt que de se poser les questions après le suicide, mieux vaut se les poser avant et parvenir à prévenir tout passage à l'acte. Par exemple, dans le cas d'un salarié muté sur un autre poste et/ou sur un autre lieu de travail, il est important de savoir si son intégration dans sa nouvelle équipe se passe bien. Ses nouveaux collègues le font-ils participer à leurs conversations, lui proposent-ils de venir déjeuner avec eux, ou bien au contraire l'excluent-ils provocant ainsi un sentiment d'isolement, etc ?

L'avocat souligne que si les employeurs ont progressivement pris conscience des risques du travail liés à l'utilisation de machines, aux difficultés d'un environnement particulier (comme sur les chantiers: échafaudages, grues, ...) et y ont investi des moyens financiers significatifs pour réduire les accidents du travail, les efforts n'ont pas suivi autant en matière de risques psycho-sociaux .

Les entreprises ou du moins certaines d'entre elles, peinent encore à se pencher suffisamment sur des facteurs humains tels que le taux d'absentéisme, les démissions, les demandes de mobilité ou les refus, les questions du Comité Hygiène Sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et en comprendre les causes. "Or, considérer la dimension humaine qu'ont certaines décisions est important ", s'efforce-t-elle de plaider auprès de ses clients. Considérations qui ont d'ailleurs fait l'objet, rappelle-t-elle, d'un accord national interprofessionnel récent, signé en 2008 par toutes les organisations syndicales pour prévenir justement ces risques psycho-sociaux. Sans parler d'une jurisprudence selon laquelle l'employeur a dû renoncer à la mobilité de l'un de ses salariés compte tenu des conséquences humaines qu'elle impliquait. Rappelons que chez France Télécom, la direction a décidé de geler les mutations forcées jusqu'au 31 octobre et qu'un nouveau contrat social doit être élaboré collectivement en association avec les organisations syndicales et les instances représentatives du personnel.