"Je veux que chaque citoyen puisse comprendre le droit"

Par Propos recueillis par Sophie Gherardi, Frédéric Hastings et Pierre Kupferman  |   |  545  mots
Réforme de l'instruction, garde à vue, prud'hommes...Six mois après son arrivée à la Chancellerie, Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, détaille ce lundi ses ambitions dans La Tribune. Extraits.

La Tribune - Que pensez-vous de la tournure que prend le débat sur l'identité nationale?
Michèle Alliot-Marie - Je suis favorable à tous les débats. Lorsqu'on en refuse certains, les Français ont tendance à se tourner vers des partis extrémistes qui, eux, les portent. Pour moi gaulliste, le débat sur l'identité nationale doit se comprendre comme un élément d'un débat plus large sur l'unité nationale. Les Français ont-ils envie de vivre ensemble et, surtout, de partager un destin commun? Pourquoi et à quelles conditions?

Comptez-vous intégrer cette réflexion sur l'unité nationale au sein même de la Justice?
Mon souci de l'unité nationale est sous-jacent à mon action à la Chancellerie. Lorsque j'ai été nommée garde des Sceaux, j'ai affirmé deux ambitions: faire de ce ministère celui du droit en général, pas seulement du droit pénal, et réconcilier la justice avec les citoyens. Le droit, ce sont les règles qui permettent aux gens de vivre ensemble: sur un terrain de sport, sans règle du jeu, vous ne pouvez pas jouer. C'est la même chose pour la famille, l'entreprise, le commerce. Mais pour être connues et acceptées par tous, ces règles doivent être compréhensibles. Or le droit ne l'est plus.
Voilà pourquoi depuis que je suis ici, j'insiste pour avoir une nouvelle écriture du droit. Systématiquement, quand on m'envoie des textes qui ne sont compréhensibles que par les initiés, je les renvoie dans les services. Je dis toujours: "Je veux une idée par phrase. Je veux que chaque article se suffise à lui-même sans qu'il soit nécessaire de se référer à dix autres articles. Je veux que chaque citoyen puisse comprendre." C'est sur ces bases que nous travaillons à la réforme du code de procédure pénale.
Aujourd'hui, les Français ne comprennent pas pourquoi, dans certains cas, on a recours à un procureur et, dans d'autres, à un juge d'instruction. Ils ne savent plus qui fait quoi. Dans un souci de simplification, j'essaie d'avoir une distinction claire entre l'enquête, confiée au Parquet, et le contrôle et la protection des droits des parties, confiés au juge de l'enquête et des libertés. Je veux aussi ouvrir les portes de la justice pour que les citoyens puissent mieux comprendre son organisation et son fonctionnement.

Vous parlez de l'égalité des citoyens face à la justice. La suppression du juge d'instruction ne va-t-elle pas permettre aux puissants proches du pouvoir de bénéficier d'un traitement plus bienveillant?
C'est le discours tenu par ceux qui ne connaissent pas la réforme. Mais c'est normal puisque je suis en train de la rédiger.

L'ancienne juge d'instruction Eva Joly n'a pas ménagé ses critiques. Estimez-vous qu'elle ne connaît pas son métier?
Non bien sûr. Mais elle ne connaît pas la réforme que je veux faire. Aujourd'hui, il y a trop de suspicion entre les juges et le monde politique. Or, pour que le citoyen ait confiance dans sa justice, il faut les lever. La procédure que j'entends mettre en place, offrira encore plus de garanties au citoyen, à la victime comme à la personne mise en cause.