"Nos exportations d'armements se rapprochent des 8 milliards d'euros"

Chiffres records à l'export et investissements en nette hausse... Pour le ministre de la défense aura été "une année historique". Hervé Morin se félicite aussi du premier vol d'essai de l'A400M tout en exigeant d'EADS qu'il prenne à sa charge l'essentiel des surcoûts de ce programme.

L'année 2009 était une année importante pour le ministère de la Défense. Avez-vous atteint tous vos objectifs ?
En 2009, nous sommes à des niveaux record d'investissement dans l'industrie avec 18 milliards d'euros injectés dans les entreprises. Cette somme doit être comparée aux 15 milliards par an en moyenne inscrits dans la précédente loi de programmation militaire. Le ministère de la Défense n'a pas investi autant dans ses équipements depuis le début des années 1990. Parallèlement, nous avons passé toutes les grandes commandes pour les années à venir. L'année 2009 sera historique pour la défense. Le plan de relance a été réalisé à 100% ce qui démontre notre capacité à nous mobiliser et à préserver des entreprises en difficulté. Avec le contrat du 3ème BPC par exemple, nous avons donné 25% du plan de charge annuel au chantier naval de Saint-Nazaire (STX France). Ce plan a également permis le sauvetage d'un certain nombre de PME qui ont souvent des compétences uniques en France.

Le budget du ministère a-t-il été soumis à des annulations de crédits ?
Le ministère de la Défense a consommé 100% de ses crédits - budget voté mais aussi plan de relance. Nous n'avons à subir aucune annulation. Pour la première fois, l'intégralité du surcoût des opérations extérieures, soit 873 millions d'euros a été financé sans ponction sur les crédits d'équipement.

Dans le même temps, avez-vous réalisé les économies attendues ?
Nous avons démontré en 2009 la pertinence de notre stratégie c'est-à-dire que nous avons réduit nos coûts de fonctionnement et maîtrisé notre masse salariale afin d'investir plus dans les équipements. Au-delà, j'ai également décidé de mettre en ?uvre des plans d'action à l'image de ceux du privé. Par exemple, le regroupement des achats dans le domaine de la téléphonie, du mobilier de bureau ou des dépenses d'impression a permis d'économiser plus de 30% sur ces segments. Grâce aux actions lancées cette année nous économiserons 20 millions d'eruos dès 2010 et plus de 100 millions d'euros sur nos achats courants en 2012. Le ministère de la Défense a démontré que réduire la dépense de fonctionnement de l'Etat est possible.

En dépit de la crise, avez-vous pu boucler les cessions immobilière prévues?
La négociation n'est pas encore terminée avec la Caisse des dépôts. Cela ne se fera que si les intérêts patrimoniaux de l'Etat sont préservés.

Comment jugez-vous le niveau des exportations d'armements ?
En 2008, nous avions atteint près de 6,6 milliards d'euros de prises de commande, soit le meilleur résultat depuis l'année 2000. En 2009, nous devrions très largement dépasser notre objectif de 7 milliards d'euros et même nous rapprocher des 8 milliards. Et 2010, les prévisions peuvent être élevées dans l'hypothèse où la France viendrait à signer de grands contrats tels que le Rafale et les frégates Fremm.

Comment expliquez-vous ce retour en force ?
La France voyait ses positions érodées de façon considérable depuis la fin des années 90. Grâce à l'engagement de l'Etat, nous avons décidé de faire en sorte l'industrie de défense qui est l'un des fleurons majeurs de notre pays puisse retrouver sa place dans le domaine de l'export. Pour les ventes d'armements, la réussite tient à trois facteurs : un bon produit, un bon prix et un soutien politique majeur. Sous la houlette du Président de la république, la totalité des pouvoirs publics sont tendus vers l'objectif de faire réussir l'industrie française. Je consacre beaucoup d'énergie et de temps pour faire avancer les dossiers. De plus, j'ai largement fait évoluer les structures du ministère, en France et à l'étranger, pour que l'on soit plus réactifs et efficaces. Ainsi, les délais de traitement moyens pondérés des autorisations d'exportation sont tombés de 80 à 40 jours, la dématérialisation du traitement des demandes est généralisée, les agréments globaux ont triplé, un numéro vert a été créé pour aider les PME.... Tout ceci en maintenant naturellement un niveau élevé de contrôle. L'ensemble de ces mesures de fluidification des procédures a permis de faire chuter le nombre de dossiers examinés chaque mois de 1200 à moins de 600.

2010 pourrait être l'année du Rafale. Quel sera le premier contrat ferme signé ?
Il s'agit d'un sujet sensible. Comme vous le savez, nous avons des discussions avancées avec les Emirats Arabes Unis, le Brésil, mais également d'autres partenaires. Je reste résolument optimiste.

Les observateurs ont des craintes concernant le Brésil et  le Koweït, qui reste sous influence américaine. vous restez confiant ?
Au Koweït, je suis très confiant car nous avons des discussions très positives avec ce partenaire de longue date. Quant au Brésil, nous travaillons dans un très grand climat de confiance, nos rapports s'inscrivant dans le cadre d'un partenariat stratégique majeur pour nos deux pays.
Un contrat de l'ampleur de celui du Rafale ne se finalise pas en quelques semaines. Il est donc normal que les discussions se poursuivent. Par ailleurs, la procédure brésilienne de validation complète des décisions comprend plusieurs étapes. Tout ceci prend du temps, c'est normal.

La Grèce est dans une situation financière très difficile. Le contrat FREMM est-il en danger ?Le cible des six frégates est-elle maintenue ?
Les discussions continuent et je n'ai pas connaissance d'une réduction de cible. Je voudrai souligner qu'au-delà de l'achat de six frégates multi-missions, nous négocions un partenariat industriel majeur avec la construction navale grecque. Je souhaite que DCNS, qui a un carnet de commandes avec une visibilité à long terme, soit un acteur majeur de la restructuration navale européenne. DCNS, le premier acteur européen qui se dote d'une politique ambitieuse de développement, est bien positionné pour aborder cette recomposition.

La Russie s'intéresse au BPC. Ce dossier est-il réalisable ?
Les Russes nous ont posé beaucoup de questions auxquelles nous avons répondu. La partie russe est en train d'analyser nos réponses. Ce qui est clair, c'est que pour nous le bateau ne pourra être construit qu'en France. Quant au système d'armes, peu important sur ce type de bâtiment, il sera russe. Moscou pourrait se décider avant la fin de l'année mais le dossier reste complexe.

A combien d'exemplaires sera-t-il construit?
On ne parle pour le moment que d'un bâtiment, qui serait construit à Saint-Nazaire..

Avez-vous donné l'autorisation de vente ?
Il y a eu deux temps. Le Président a d'abord arbitré en faveur d'une discussion avec les Russes. Lorsque nous disposerons de toutes les informations dont nous avons besoin, la délivrance d'un agrément pour la vente du BPC sera étudiée par la Cieemg qui est l'organe interministériel compétent.

L'Inde n'est pas très favorable aux programmes français. Pourquoi ?
J'ai eu le sentiment lors de ma visite à Delhi que le gouvernement indien était attentif à ce que notre partenariat stratégique trouve un certain nombre de conclusions sur les équipements de défense. L'Inde est un grand pays, très complexe. Il existe une volonté politique pour que les discussions aboutissent avec notre pays. Rendez-vous en mars. Quant au rétrofit des Mirage, l'offre de prix a été faite et j'ai le sentiment que l'on pourrait déboucher sur un accord.

Ce n'est pas un peu l'Arlésienne, ce contrat de modernisation des Mirage 2000 indiens ?
A mon sens, ce contrat pourrait aboutir dans quelques mois. Nous avons proposé à l'Inde un partenariat stratégique, notamment sur le programme SR-Sam de co-production de missile de défense anti-aérienne qui pourrait être réalisé avec MBDA. L'Inde a fait part de son vif intérêt pour ce dossier. A la différence de certains de nos concurrents, la France propose un véritable partenariat industriel sur les missiles avec un vrai transfert de technologies.

Après son premier vol, l'400M est-il sauvé financièrement ?
Le premier vol constitue un jalon très important pour ce programme, et la négociation a d'ores et déjà abouti sur les aspects techniques et calendaires. Il reste la négociation financière qui est naturellement difficile. Nous allons nous donner jusqu'à fin janvier pour négocier et le moratoire sera prolongé à cet effet. Il faut arriver à un accord dans lequel EADS et les Etats fassent chacun un effort. Cela ne peut pas être un effort unilatéral des Etats.

Quels sont les bons chiffres, 7,5 milliards d'euros ou 11 milliards comme l'évoque Reuters ? Et comment doit se répartir l'effort entre EADS et les Etats-Clients ?
Ces chiffres ne correspondent en rien à l'effort financier qui a été demandé par EADS aux Etats. Les Etats clients ont d'ores et déjà accepté le principe d'abandon des pénalités de retard. Ils peuvent apporter une contribution financière supplémentaire au programme mais il faut qu'EADS prenne à sa charge l'essentiel des surcoûts.

EADS doit donc réduire fortement ses demandes financières actuelles ?
En tous cas, il ne faudrait pas que ces débats durent trop longtemps. A force de trop tirer sur la corde, les Britanniques pourraient quitter le programme alors que je suis parvenu une première fois à les faire rester.

Avez-vous pris une décision sur les drones ?
Nous sommes en train d'analyser les différentes options pour les drones Male (moyenne altitude longue endurance, ndlr)  futurs. Il existe plusieurs possibilité de coopération, notamment avec l'Allemagne, y compris en installant des systèmes européens sur une plate-forme existante. Je prendrai une décision sur ce sujet avant l'été.

Estimez-vous que les échanges d'actifs ambitieux entre Safran et Thales vont se conclure ?
Le ministère a donné une orientation clé en leur demandant de se réorganiser afin de regrouper leurs activités dans un certain nombre de domaines à forte intensité de recherche et développement tels que l'optronique ou la navigation. Nous attendons de Safran et Thales qu'ils nous fassent une proposition correspondant à cette orientation.

Les discussions sont-elles terminées entre DCNS et ThyssenKrupp Marine Systems ?
Non, je continue à croire qu'un rapprochement franco-allemand dans l'industrie navale a du sens. Le ministre allemand m'a indiqué qu'il était ouvert à la poursuite d'une discussion entre DCNS et TKMS. Nous y sommes prêts. Nous verrons au cours des mois prochains si l'industriel allemand est réellement intéressé.

Etes-vous favorable à la montée de Thales au capital de DCNS ?
Thalès dispose de temps pour exercer cette option de montée au capital de DCNS. Je ne suis naturellement pas hostile à ce principe.


Avec qui Nexter peut-il s'allier ? Les Allemands ?

J'ai rappelé à mon homologue allemand que j'étais aussi favorable à ce que Nexter discute avec les industriels allemands du secteur terrestre. Mais nous avons également d'autres options, notamment avec les Britanniques dans l'hypothèse où ils seraient intéressés par une coopération sur le VBCI.

Ces dossiers sont lents...
... c'est vrai que cela n'avance pas assez vite. Mais je continue à insister auprès de mes homologues pour que ces rapprochements se concrétisent et j'évoque ces dossiers avec eux à chacune de nos rencontres. C'est là la clé essentielle pour que les Européens ne soient pas, dans dix ou vingt ans, sous tutelle et dépendance américaine pour nos fournitures d'armement, compte tenu de la faiblesse des budgets de défense européens. C'est avant tout une question d'indépendance.

Pourquoi les Allemands ne veulent-ils pas s'allier avec nous ? En raison du statut de nos entreprises publiques ?
Non. Nous sommes très ouverts sur ce sujet là. Je pense qu'il faut une prise de conscience des Européens de la nécessité de nous allier. Le gouvernement allemand semble favorable à cette recomposition.

Vous recevez le ministre vietnamien. Qu'en attendez-vous ?
La France a une histoire commune avec le Vietnam. Nos relations reprennent. Le Premier ministre vient de signer, lors de sa visite en novembre, un nouvel accord de coopération dans le domaine de la défense. La visite de mon homologue s'inscrit dans cette démarche, au moment où le Vietnam s'ouvre de plus en plus. J'aborderai les moyens de renforcer notre coopération militaire et d'armement, notamment dans le domaine des hélicoptères.

La rumeur vous donne partant de votre ministère. Allez-vous partir ?
Je suis très heureux au ministère de la Défense. J'ai très envie de continuer la réforme que j'ai menée depuis deux ans et demi.

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