Nathalie Kosciusko-Morizet et Hugues de Jouvenel débattent des avenirs possibles pour la France de l'après-crise.

Par Propos recueillis par Pierre Kupferman et Olivier Pinaud  |   |  522  mots
Allongement de la vie, retraites, changement des modes de consommation, usage des technologies numériques... La secrétaire d'Etat à l'Economie numérique et à la prospective et le directeur général du groupe Futuribles affrontent leurs visions de la France des années "10" dans un face à face publié ce lundi dans La Tribune. En voici un extrait...

Hugues de Jouvenel : Comment la secrétaire d'Etat à la prospective analyse-t-elle la crise ? Pour moi, plusieurs crises sont emboîtées. Il y a surtout une crise financière, dont certains disent qu'elle est derrière nous... Hélas car le financier va refaire n'importe quoi ! Puis une crise économique, face à laquelle tous les pays n'ont pas la même vulnérabilité. Puis, enfin, une crise de modèle de développement.

Nathalie Kosciusko-Morizet : Nous entendons souvent que nous sommes dans une crise du sens. J'inverse les termes. Quel est le sens de la crise ? C'est notre rôle à nous politiques de faire en sorte, à travers notre action, que la crise exprime son sens ou en trouve un, à supposer qu'elle n'en ait pas. A mon avis, elle en a un. Dans le travail que nous avons mené avec Daniel Cohen sur les modèles de croissance, nous avons beaucoup travaillé sur la consommation. Il y a cette idée, développée à l'époque par Edgar Morin, que nous étions dans une ère de la quantité qui aspire à devenir une ère de la qualité, où la consommation serait une recherche d'accomplissement de soi, d'épanouissement. Quelque chose qui relève beaucoup plus de l'être que de l'avoir. La bonne nouvelle, me semble-t-il, c'est qu'ici nos désirs, même s'ils sont parfois fantasmés, rencontrent nos besoins. C'est formidable d'avoir envie de ce dont on a besoin. Et le mariage de l'écologie et du numérique peut nous offrir une partie de la solution. Passer d'un système dans lequel les flux de consommation ou d'énergie sont absolument délirants pour aller dans un système où l'on satisfait les besoins au plus près géographiquement et les désirs au plus proche de ce qu'ils sont.

H de J : Le rapport de Daniel Cohen est tout à fait intéressant. Mais, à mon avis, vous auriez pu aller un tout petit peu plus loin. Si je vous suis bien, vous êtes en train de dire que nous allons passer d'une économie de la production de masse, devenue depuis une production sur mesure, à une économie de la fonctionnalité, à savoir que l'enjeu n'est plus de détenir un bien mais de disposer d'un service. A quoi par exemple nous sert-il d'avoir une voiture à temps plein ? Je crains que l'on ait amorcé trop timidement ce virage. C'est là où, pour moi, votre rapport ne va pas assez loin...

NKM : C'est pile la suite de la mission que j'ai confiée à Michelle de Bonneuil, qu'elle exprime quant à elle sous les termes "d'économie du quaternaire". Il devrait sortir bientôt. Selon elle, l'économie de la fonctionnalité réconcilie industrie et services puisqu'il s'agit de produire du service au plus près des besoins de chacun. Michelle de Bonneuil avait travaillé sur les services à la personne et se montre un peu déçue sur ce que nous avons fait par la suite, estimant que nous étions trop dans le "petit boulot". Elle propose là d'aller plus loin. J'aimerais que nous profitions du grand emprunt pour décliner un certain nombre de ses propositions.