Comment Nicolas Sarkozy veut défendre l'industrie française

Par latribune.fr  |   |  1311  mots
Le chef de l'Etat est intervenu ce jeudi devant des ouvriers d'Eurocopter, sur le site de Marignane, près de Marseille, afin de donner ses projets pour mieux défendre l'industrie française. Il a mis en avant le problème de la parité monétaire. Le gouvernement s'est fixé pour objectif d'augmenter sa production industrielle de 25% en volume d'ici 2015. L'Etat va renforcer sa tutelle sur les entreprises dont il est actionnaire.

Le chef de l'Etat est intervenu ce jeudi devant des ouvriers d'Eurocopter (filiale du groupe européen d'aéronautique, d'espace et d'armement EADS, maison-mère d'Airbus), sur le site de Marignane, près de Marseille, afin de donner ses projets pour mieux défendre l'industrie française. Une conséquence des Etats généraux de l'industrie lancés le 15 octobre et qui ont abouti à un rapport lourd de plusieurs centaines de propositions et de copieuses annexes.

Organiser un nouveau système monétaire international

"Nous avons des problèmes structurels à régler", dont "celui de la parité monétaire, a-t-il dit. Vous construisez en zone euro et les commerciaux vendent en zone dollar. Si le dollar perd 50% de sa valeur par rapport à l'euro, comment vous voulez rattraper le gain de productivité ? C'est impossible. Donc, en tant que président du G20, à la fin de l'année, je vais essayer d'organiser un nouveau système monétaire international. On ne peut pas continuer comme ça, c'est totalement artificiel comme perte de gain de productivité".

Renforcer l'Etat actionnaire

Il souhaite que l'Etat renforce sa présence dans les entreprises dont il est actionnaire et revoit même profondément son rôle en la matière.  Il a précisé que l'Etat devrait désormais être représenté dans toute entreprise dont il est actionnaire par au moins deux administrations, d'une part l'Agence des participations de l'Etat (APE), d'autre part le ministère de l'Industrie ou le ministère du secteur concerné. Il a ajouté qu'il souhaitait que la direction de ces grandes entreprises ait deux fois par an un échange avec l'Etat actionnaire sur sa stratégie, ses investissements et ses résultats. Le président de la République souhaite améliorer les relations entre les entreprises publiques ou celles dans lesquelles l'Etat à une part importante, et leur autorité de tutelle en passant d'une tutelle simplement financière à une véritable tutelle industrielle des grands groupes publics, en premier lieu Renault, La Poste et France Télécom.

Hausse de 25% de la production industrielle d'ici 2015

Selon un document transmis par l'Elysée, le gouvernement s'est vu fixer pour objectif d'augmenter sa production industrielle de 25% en volume d'ici 2015. A cet horizon, il souhaite une hausse de plus de 2% de la part de la France dans la valeur ajoutée industrielle européenne. La part de l'industrie manufacturière dans la valeur ajoutée marchande n'est en France que de 16% contre 22% en moyenne dans la zone euro et 30% en Allemagne. L'Elysée milite aussi pour le retour à une balance commerciale positive (hors énergie) "durablement positive" d'ici 2015.

800 millions venus du grand emprunt

Pour y parvenir, la présidence de la république prône la mise en oeuvre des mesures résultant des Etats généraux de l'industrie via notamment l'innovation industrielle, le renforcement de la compétitivité des entreprises, l'amélioration des compétences et un renforcement de la structuration des industries françaises en filières. Nicolas Sarkozy a notamment annoncé que le gouvernement consacrerait à des investissements "verts" 500 millions d'euros puisés dans les sommes levées par l'emprunt national pour financer des dépenses stratégiques. "Nous allons soutenir l'investissement des entreprises dans l'amélioration de leur outil de production", a-t-il expliqué. "Ces sommes pourront aussi appuyer le lancement de produits particulièrement efficaces dans la réduction des émissions polluantes." 300 autres millions d'euros venus de l'emprunt national seront consacrés à la politique de filières.

Un nouveau produit d'épargne

Au total, c'est un catalogue de 23 mesures qu'a retenu le chef de l'Etat, inquiet  de la chute du poids de l'industrie dans les emplois marchands, de 25% en 2000 à 21% en 2009, avec la perte de 535.000 emplois depuis 2000. Depuis 2007, la balance commerciale industrielle française a basculé dans le rouge. Un nouveau produit d'épargne doit ainsi faire son apparition "d'ici septembre"."C'est un enjeu absolument majeur", a déclaré le président. La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, "ouvrira ce chantier pour proposer d'ici l'été un nouveau cadre fiscal qui encouragera vraiment l'épargne à s'orienter vers le financement en fonds propres des entreprises", a-t-il ajouté, citant la proposition de la CGT d'une "livret d'épargne industrie".

Une concurrence européenne plus souple

Nicolas Sarkozy souhaite aussi une politique européenne plus souple en matière de concurrence européenne. Pour cela, il a demandé jeudi un assouplissement afin que les entreprises européennes ne soient plus pénalisées. A ses yeux,  la question de la concurrence doit être analysée en regard du marché européen dans son ensemble et non du marché de chacun des 27 Etats membres de l'UE, ce qui est, selon lui, une "erreur majeure". "Sinon comment créer des grands groupes européens ? Quel est le grand groupe à travers le monde qui peut conquérir des marchés à l'exportation sans être dominant sur son marché intérieur ?" Plus largement, il prévoit de demander au président du Conseil européen, Hermann Von Rompuy, et au président de la Commission, José Manuel Barroso, "de prendre des initiatives pour une véritable politique industrielle européenne".

Soutien à l'export et anti-dumping

Il juge également "invraisemblable" que l'Europe interdise le soutien aux industries exportatrices. "Après avoir perdu la compétition des biens de consommation, l'Europe est aujourd'hui concurrencée sur les grands contrats. Nous ne pouvons pas être la seule zone économique mondiale qui applique unilatéralement les préceptes du libre échange, en parfaite méconnaissance du comportement de ses grands concurrents". Il demande même un renforcement de l'arsenal anti-dumping de l'Europe. La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, doit faire dans les trois mois des propositions en ce sens à la Commission européenne.

Un médiateur de la sous-traitance

Enfin, Nicolas Sarkozy a annoncé la mise en place d'un "médiateur de la sous-traitance" pour améliorer les relations entre les donneurs d'ordre et leurs sous-traitants comme il avait mis en place un médiateur du crédit, en pleine crise économique et financière, pour faciliter les relations entre les banques et les entreprises, notamment les PME, en mal de financement.

Critiques syndicales

Toutes ces mesures n'ont pas séduit les syndicats. La CGT estime que "des mesures pour les industriels ne font pas une politique industrielle". Elle estime que le sort des salariés et la question "de l'emploi qualifié, durable, de la formation et des salaires" ont été négligés. Selon son communiqué "prédomine encore une approche en terme d'aides et d'exonérations en faveur des entreprises alors même qu'elles profitent de 80 milliards d'euros d'exonération annuelles".
 

De son côté, Force ouvrière (FO) estime que ces mesures sont "saupoudrées au gré d'un discours stratégique général". Il demande la création d'une banque nationale publique de l'industrie afin notamment d'évaluer le montant actuel des aides publiques et leur efficacité. Pour FO, il faut "imposer aux industriels bénéficiant d'aides publiques des engagements sur l'arrêt des licenciements, sur le développement de l'emploi et pour des augmentations salariales".  Les industriels doivent aussi bénéficier d'un meilleur accès au crédit.
 

Moins négative, la CFTC souligne que les idées développées par le président de la République proviennent pour partie de ses propres propositions. Mais elle critique l'idée d'inciter les industriels dont l'Etat est actionnaire à localiser prioritairement leur production en France, au détriment éventuellement d'autres pays de l'Union européenne. "Si la CFTC comprend l'intérêt de revaloriser la marque 'France', elle craint qu'une politique étroitement nationale de 'Made in France' ne nous empêche d'obtenir le soutien de nombre de partenaires européens, eu égard à la volonté affichée par le président de la République de développer une politique industrielle européenne" écrit le syndicat dans un communiqué.