Le personnel judicaire descend dans la rue

Par latribune.fr  |   |  618  mots
Une vingtaine d'organisations de magistrats et de personnels du monde judiciaire et pénitentiaire appellent à manifester ce mardi à Paris contre le projet de réforme de la procédure pénale qui supprime notamment le juge d'instruction.

Le raz-le-bol est grand dans les rangs des professionnels de la justice. Ce mardi, une vingtaine de syndicats les appellent tous (magistrats, avocats, personnel pénitentiaire,...) à manifester ce mardi leur opposition au projet de réforme de la procédure pénale. Consultés depuis une semaine sur l'avant-projet de réforme préparé par la Chancellerie, associations et syndicats déplorent que "l'essentiel" ne soit pas négociable.

La suppression du juge d'instruction sans modification du statut du parquet figure en tête des nombreux griefs engendrés par ce  projet de réforme lequel envisage de confier toutes les enquêtes aux procureurs, les magistrats du parquet subordonnés à la Chancellerie. De nombreux magistrats et avocats dénoncent une volonté de mettre la justice "aux ordres" et d'enterrer les dossiers gênants. Le ministère de la Justice s'en défend en assurant que le "juge de l'enquête et des libertés", autre magistrat du siège, sera mis en place pour veiller à ce qu'aucune affaire ne soit étouffée.

Les protestations visent également la garde à vue. Dénonçant l'explosion de leur nombre à cause d'une "politique du chiffre", les avocats exigent d'assister, dès le début, aux interrogatoires des personnes gardées à vue. Ils regrettent que la réforme de la procédure pénale, qui leur donne plus de place, n'aille pas assez loin. Certains syndicats de la profession estiment même que l'"audition libre" de quatre heures prévue par la réforme instaurerait une période de "non droit" pire que tout.

Les opposants à la réforme s'en prennent également à la réforme de la carte judiciaire, qui, au nom de larationalistation des moyens, a supprimé 178 tribunaux d'instance sur 473 au début 2010 et prévoit la fermeture de 23 tribunaux de grande instance (TGI) sur 181 début 2011. Pour les opposants, c'est un mauvais coup porté à la justice de proximité.

La manifestation est également motivée par le manque chronique de moyens de la justice, qui s'est aggravé selon les syndicats avec la "révision générale des politiques publiques" du gouvernement (RGPP). Les syndicats d'éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) pointent en particulier du doigt les suppressions de postes et réduction de dispositifs de prise en charge de certains jeunes. Pour s'en défendre, le gouvernement rappelle généralement que le budget de la justice pour 2010 est en hausse de 3,5% et que des postes sont créés dans l'administration pénitentiaire. Le ministère de la Justice envisage la fermeture d'une soixantaine de prisons vétustes d'ici 2017 et la construction de 18 nouveaux établissements, dans le cadre d'une rénovation générale de l'immobilier pénitentiaire. Mais la CGT-Pénitentiaire proteste contre "la fermeture d'établissements de taille raisonnable au profit d'énormes usines pénitentiaires gérées par le privé".

Quant à l'aide juridictionnelle, censée aider les personnes à revenus modestes à assurer leur défense, elle est jugée insuffisante insuffisance criante de l'aide juridictionnelle. Mais une réforme sur son financement est à l'étude au ministère de la Justice.

Ce mouvement est soutenu par l'ensemble de l'opposition, à commencer par l'ex-ministre de la Justice Elisabeth Guigou (PS) "révoltée" par ce projet. Selon elle, il y a "une mobilisation absolument sans précédent de l'ensemble des personnels de la justice" contre le projet du gouvernement. Pour le président du Modem, François Bayrou, "C'est l'expression d'une solidarité profonde avec le monde de la justice qui pour la première fois, unanimement, dans toutes ses composantes - avocats, magistrats , personnel judiciaire et pénitentiaire - manifeste sa révolte et son opposition à la manière dont on le traite".