Eric Woerth s'explique sur la réforme des retraites au micro de LCI

Par latribune.fr  |   |  2276  mots
Dans l'entretien qu'il a accordé à Christophe Barbier sur LCI, le ministre du Travail, Eric Woerth est entré un peu plus dans le détail de la réforme sur les retraites. Il y évoque notamment le cas des régimes spéciaux. Il assure que la réforme de 2007 ira à son terme.

CHRISTOPHE BARBIER : Eric WOERTH, bonjour.

ERIC WOERTH  : Bonjour.

(coupure son) ? légal de départ en retraite ?


Mais je l?avais dit, comme le président de la République d?ailleurs, à plusieurs reprise, qu?il fallait travailler plus longtemps. Votre vie professionnelle, elle va être plus longue parce que vous vivez, tout simplement, plus longtemps. Donc, c'est une option?


Oui, le départ réel, mais le départ légal, on pouvait ne pas y toucher.


C'est une option logique du gouvernement, c'est tout-à-fait logique que le gouvernement suive cette option. On va repousser l?âge légal. On verra dans quelles conditions, on verra quel nouvel âge adopter, tout ça c'est encore soumis évidemment à discussions et aucune décision n?est prise, mais c'est logique, dans tous les pays on l?a fait. Vous avez une vie professionnelle, vous avez une vie tout court, votre vie tout court elle augmente et il est logique que votre vie professionnelle, à un moment donné, elle augmente, et c'est? Je n?a pas vu, d?ailleurs, dans les propositions qui ont été faites, on a beaucoup discuté, beaucoup concerté, je n?ai pas vu de propositions convaincantes, alternatives à celle-là, en termes tout simplement de soutenabilité de notre régime par répartition, on doit le faire.


Si c?était aussi évident, aussi logique, pourquoi l?avoir caché pendant des semaines ? Est-ce que ce n?était pas une concertation bidon pour éviter la colère sociale ?

Oui, j?ai entendu ça. Non non, je veux dire, j?ai d?abord une concertation très approfondie et puis deuxième point, on n?a rien caché du tout. Dans le document d?orientation qu?a fait le gouvernement il y a une semaine, une semaine, dix jours, il est clairement indiqué qu?il y a deux options sur la table : l?option de l?augmentation de l?âge légal et l?augmentation de la durée des cotisations. C'est donc très clair que le gouvernement a fait un certain nombre de choix. Que la question après, la vraie question après, c'est quel est l?âge, comment tout ça se construit, comment articuler ça avec la durée de cotisations, tout cela reste totalement indéterminé.

Est-ce que ce sera dès 2011, quel que soit l?âge, 61, 62 ?

Oui, bien sûr. Enfin, la réforme, c'est en 2011, la réforme c'est à partir de 2011, il y a urgence. Notre système de retraite il n'est pas financé, les Français doivent le savoir, il n'est pas financé. La crise est passée par là, elle fait gagner, si je puis dire, 20 ans, 20 ans d?avance sur les déficits, il faut répondre à cela, c?est notre responsabilité d?hommes et de femmes d?Etat. Le président de la République s?est complètement engagé pour cela, 20 ans d?avance, ce n?était pas le cas il y a deux ans, donc il faut absolument répondre et il faut soutenir, garantir nos régimes de retraite.

62 ans est un minimum, 65 ans en 2030 est possible, c'est l?UMP qui dit cela, Arnaud ROBINET, secrétaire national chargé des retraites?

Ce n'est pas l?UMP qui dit ça?

C'est lui.

C'est Arnaud ROBINET

Ah, c'est quand même le spécialiste. Est-ce que c'est votre ligne ?

Non non, ce n'est pas notre? Moi, je ne veux pas rentrer dans un débat sur l?âge, il y aura des décisions le moment venu.

C?est trop, ça, 62, 65 ?

Je ne rentre pas du tout là-dessus. Ce que je veux dire, c'est que tout cela est progressif, quelles que soient les décisions, c'est progressif, et ce matin, Martine AUBRY, dans une autre radio?

Sur RTL.

A menti, enfin elle?

Elle dit : « Ceux qui ont 58 ans, eh bien ils vont rempiler ».


Elle a menti aux Français, enfin, je veux dire, elle le fait sur les recettes, elle le fait sur un pseudo projet qui ne répond pas au problème des retraites. Toute réforme des retraites, toute réforme des retraites est progressive. Vous prenez un trimestre, etc., enfin, tout cela peut être très construit, très progressivement?

Ça sera votre méthode : un trimestre de plus par an à partir de 2011.

On verra combien, mais c'est très progressif, ce que je veux dire c'est que vous ne passez pas du blanc au noir ; vous passez au blanc, puis vous mettez au fur et à mesure les choses se renforcent, vous changez la couleur au fur et à mesure du temps, très progressivement, vous passes très progressivement aux choses. Quelqu?un qui a 58 ans ou quelqu?un qui a 59 ans aujourd'hui, il voit quasiment pas la différence, c'est fait au fur et à mesure du temps, génération par génération. La réforme de monsieur BALLADUR elle a mis 15 ans pour s?appliquer. 93, elle a été appliquée définitivement, les 25 meilleures années dans le secteur privé, en 2008. Donc tout ça est très progressif. Moi, je veux rassurer les Français là-dessus, il y a bien un?il y aura bien progressivité de la réforme, oui on va sauvegarder et garantir notre système par répartition, et oui on va prendre en compte les carrières longues, les gens qui ont commencé à travailler de bonne heure. Je l?ai dit, dès le début.

Ils pourront continuer à partir à 60 ans, s?ils ont commencé à travailler à 18 ans ?

Nous verrons quelles seront les conditions, mais on va bien continuer à prendre en compte le fait que l?on ait commencé plus tôt à travailler. D?ailleurs, nous l?avons fait en 2003, la réforme de 2003, de François FILLON, elle a fait en sorte que l?on prenne en compte les carrières longues, le parti socialiste n?a pas voté pour. Quand je vois madame AUBRY se pavaner, en réalité, pour dire : « Il faut faire attention, les gens qui ont commencé tôt », elle a voté contre, elle a voté contre en 2003, donc nous on est tout-à-fait cohérents, la réforme de 2003 elle s?applique et la réforme de 2003 c?était aussi les carrières longues, il n?y a pas que ça, mais il y avait des carrières longues, et dans la réforme de 2010, nous allons bien sûr prendre en compte les carrières longues et la pénibilité, l?usure au travail. Nous l?avons mis sur la table tout de suite et on va le faire.

Si vous attendez pour donner les détails de cette progressivité, c'est peut-être parce que vous craignez la colère sociale, vous modulerez en fonction de la mobilisation de la rue, dès demain.

Moi, je ne crains rien. La seule chose que je craigne, c'est pas de répondre à la question posée et la question posée, et celle à quoi le président de la République m?engage à répondre et à lui faire des propositions, comme au Premier ministre, c'est sauvegarder le système de retraite par répartition, c'est le patrimoine social des Français, c'est la garantie pour les jeunes d?avoir une retraite solidaire, une retraité généreuse, une retraite par répartition, avec la solidarité entre les générations. C'est ça l?essentiel, il n?y a pas d?autres sujet et je pense que les Français sont en train de le comprendre, d?ailleurs, au fur et à mesure des sondages, ou voit?

Ils se résignent.

Non, je ne crois pas, enfin, je, enfin, vous voyez, se résigner, il faut regarder la vie en face, sinon on passe à côté de la vie. La vie est merveilleuse parce qu?on vit plus longtemps. Et on fait comme tous les autres pays, quand on vit plus longtemps, à un moment donné, on travaille plus longtemps.

Confirmez-vous que les cheminots seront épargnés par cette réforme, comme l?affirme une note interne de la SNCF ?

Je n?ai pas vu cette note interne. Ce que nous disons dans le document d?orientation, c'est que nous respecterons à la lettre les engagements qui ont été pris en 2007.

Pour les régimes spéciaux, ils sont tranquilles jusqu?en 2018.

La peinture, elle est à peine fraiche. C'est le même gouvernement, c'est les mêmes partenaires sociaux, c'est les mêmes entreprises?

Mais la crise est arrivée depuis, pour eux aussi.

Donc les régimes spéciaux ont été réformés, et considérablement réformés, donc ça veut dire qu?ils convergent aujourd'hui vers la Fonction publique, donc évidemment, les critères de la réforme s?appliqueront, mais ils s?appliqueront dans le respect du calendrier et dans le respect du calendrier des régimes spéciaux, voilà, tout simplement.

Pour les fonctionnaires, justement, est-ce que leur cotisation retraite s?alignera sur celle du privé ?

Mais, il y aura des mesures de convergence entre le privé et le public, il y en a eu en 2003, les socialistes s?y sont d?ailleurs tout-à-fait opposés, nous allons continuer à en avoir. On est en train de discuter avec les fédérations de fonctionnaires. Hier, Georges TRON les recevait, on est en train d?en discuter, il y a plusieurs solutions et plusieurs pistes. Quand il est normal de considérer que l?on est fonctionnaire, ce n'est pas la même chose que d?être salarié du privé, il y a donc des règles qui sont différentes, de rémunération, d?entrée dans la carrière, on en tient compte au moment de la retraite et donc il est logique qu?il n?y ait pas tout-à-fait le même système, parce que ce n'est pas le même métier, ce n'est pas la même chose. Quand on n?arrive pas à expliquer les différences, c'est là-dessus évidemment que l'on doit faire des réformes, qu?on doit faire bouger les choses.

Une mère qui a eu au moins trois enfants, dans la Fonction publique, après 15 ans de service, elle peut partir à la retraite.

Ce n'est pas le cas dans le privé aujourd'hui, c'est une règle historique, il faut qu?on regarde les choses?

Il faut la changer.

Non, je ne dis pas ça comme ça, je pense qu?il ne faut pas être trop brutal. Je pense que c'est trop facile de stigmatiser aujourd'hui les fonctionnaires, en disant : « regardez, ils ont plein d?avantages alors que moi j?en ai pas ». Nous allons regarder, nous sommes en train de le faire, évidemment, de façon très détaillée, d?où viennent toutes ces mesures, quelle est leur histoire, comment elles s?appliquent à la Fonction publique d?aujourd'hui et lorsqu?on considèrera que ce n'est pas juste entre le privé et le public, parce qu?au fond ils sont dans la même situation mais pas traités de la même manière, alors nous changerons les choses, mais quand nous considèrerons qu?ils ne sont pas traités de la même manière parce que c'est juste qu?ils ne le soient pas, parce que ce n'est pas les mêmes métiers, eh bien on conservera les différences.

A quoi ressemblera la taxe promise sur les hauts revenus ? Ça commence où les hauts revenus ?

Ecoutez, on va le fixer. Tout ce que l?on a dit c'est qu?il faut des ressources supplémentaires et ce n'est pas le c?ur du dispositif, c'est d?abord la démographie, parce que le régime par répartition, c'est de la démographie, il y a que Martine AUBRY qui veut pas le voir et qui essaie de l?éviter, mais nous aurons des recettes supplémentaires, donc soit sur les? enfin, les hauts revenus, les revenus du capital, nous verrons comment fixer tout cela, mais on a encore un mois. Moi j?ai indiqué que nous annoncerons la réforme d?ici le 15 ou 20 juin, c'est un délai qu?on s'est?

Comme ça les syndicats tiennent leurs congrès tranquillement.

C'est un délai qu?on s?est fixé dès le mois d?avril ou dès le mois de mars, c'est un délai normal pour discuter et pour concerter. Il n?y a jamais eu autant de concertation sur une réforme, je tiens à le dire, et je tiens notamment à le dire à ceux qui considèrent qu?il n?y a pas de concertation, parce que ceux qui considèrent qu?il n?y a pas de concertation, c'est parce que leurs idées ne sont pas retenues, mais souvent il n?y a pas d?idée, je veux dire, le Parti socialiste, il n?y a pas d?idée, c'est juste des?

15 % d?impôts supplémentaires sur les banques !

C'est des idées d?impôts, c'est des idées d?impôt, elle se trompe d?un zéro, le Parti socialiste a même été incapable de calculer le montant de l?impôt sur les sociétés, mais je ne vais pas revenir là-dessus, mais c'est faux.

Vous ferez payer les retraités, par exemple ?

Non, bien sûr que non.

Qui ont bien sûr des retraites confortables.

Non, le Parti socialiste le propose, la machine à penser du Parti socialiste, Terra Nova, propose que l?on taxe les retraités. Nous disons : non, on ne doit pas taxer les retraités.