Retraite : le gouvernement sensible à la mobilisation d'hier

Près de 2 millions de manifestants ont participé jeudi à la mobilisation contre la réforme des retraites, selon la CFDT et la CGT, et 800.000 selon le ministère de l'Intérieur. Plusieurs personnalités au sein du gouvernement ont assuré être "à l'écoute" des inquiétudes. François Fillon s'exprime actuellement en conférence de presse sur la réforme.

Le gouvernement ne sous-estime pas la mobilisation du 24 juin contre son projet de refonte des régimes de retraite, a déclaré ce vendredi son porte-parole Luc Chatel sur RTL. "Nous avons eu hier une mobilisation réelle, elle est effectivement supérieure à ce qui s'était passé le 27 mai dernier" mais "c'est vrai qu'elle est plutôt en dessous de ce que nous avions connu il y a un an au moment des deux manifestations au plus fort de la crise économique", a-t-il commenté. "Le gouvernement prend en compte tout cela", a-t-il assuré.

Le calendrier "maintenu"

Toutefois, "le gouvernement maintient le calendrier", a affirmé Luc Chatel, précisant que s'ouvrait "une phase de débat, d'écoute". Le projet de loi sera présenté le 13 juillet en conseil des ministres, présenté à l'Assemblée nationale en septembre et au Sénat en octobre.

"Le rôle du gouvernement, maintenant, a-t-il poursuivi, c'est de répondre à un certain nombre de questions sur les carrières longues, les polypensionnés, la pénibilité. J'ai entendu hier des questions tout à fait légitimes" à ce sujet, "j'ai entendu aussi beaucoup de désinformation".

Le gouvernement doit être "plus que jamais à l'écoute" face aux "inquiétudes" qui se sont exprimées jeudi, mais il doit "essayer de garder le cap" d'une "réforme juste", a déclaré pour sa part le secrétaire d'Etat à l'Emploi Laurent Wauquiez sur RTL.

Invitée de France Inter, la ministre de l'Economie Christine Lagarde a assuré elle aussi que le gouvernement poursuivrait "le dialogue". "On n'est pas obtus", a-t-elle souligné.

"Provocation" d'Eric Woerth, les syndicats prennent date pour la rentrée

Les syndicats ont jugé hier provocatrices les propos du ministre du Travail, Eric Woerth. La mobilisation de jeudi "n'est pas un avertissement pour le gouvernement", a déclaré ce dernier. "C'est une mobilisation assez forte" mais "légèrement plus faible qu'en 2003", lors des manifestations contre la loi Fillon sur les retraites, avait-il ajouté.

Interrogé sur ces déclarations, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, a déclaré sur France Info  vendredi : "Ce type de provocation nous met au défi. Eh bien, on fera mieux qu'en 2003 et on sera plus nombreux à la rentrée".

Le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, a espéré "l'unité" syndicale en septembre pour obtenir le retrait du projet gouvernemental. FO avait défilé seul le 15 juin, mais ses militants se sont joints localement aux défilés d'hier. A la question de savoir si la prochaine manifestation serait unitaire, Jean-Claude Mailly a répondu : "Je l'espère. Et nous, on y sera sur la base du retrait du texte, c'est évident".

Le Premier ministre François Fillon, jusque-là en retrait sur la réforme des retraites, s'exprimera ce vendredi, lors d'une conférence de presse, où il sera aussi question de la situation des finances publiques, a fait savoir Matignon.

 

Les chiffres de la mobilisation :

Pour cette journée de mobilisation contre le projet de réforme des retraites, l'intersyndicale CGT-CFDT-CFTC-FSU-Unsa-Solidaires a rassemblé "1,92 million" de personnes en France, a affirmé le numéro un de la CGT, Bernard Thibault. La CGT avait recensé 1 million de personnes lors de la mobilisation précédente, le 27 mai. Selon le ministère de l'Intérieur, 797.000 personnes ont manifestées ce jeudi dans l'ensemble du pays.

La CGT a également annoncé 130.000 manifestants à Paris, contre 90.000 lors de la dernière journée d'action le 27 mai. La police en a annoncé 47.000.

Fonction publique

8,71% des agents de la fonction publique d'Etat, 13% de ceux de la fonction publique territoriale, et 12,5% de la fonction publique hospitalière, étaient en grève jeudi à la mi-journée, selon un communiqué du ministère de la Fonction publique.

Ces taux sont supérieurs à ceux du 27 mai, où la mobilisation avait atteint à la mi-journée 11,6% de grévistes dans la fonction publique d'Etat, 7,5% dans la fonction publique territoriale, et 8,24% dans l'hospitalière.

La Poste

Quelque 19,86% de postiers étaient en grève le matin, a annoncé la direction dans un communiqué. Ils étaient 12,80% le 27 mai à la même heure et 11,45% le 23 mars. 

France Télécom

La direction de France Télécom a indiqué avoir recensé jeudi à la mi-journée quelque 29,29% de grévistes dans le groupe aux 100.000 salariés.  Lors de la précédente journée interprofessionnelle, le 27 mai, la direction avait compté 21,5% de grévistes au même stade de la journée.

Dans l'enseignement

Eviron un enseignant du primaire sur trois (31,9%) était en grève jeudi matin, selon le ministère de l'Education. La moyenne pondérée sur l'ensemble des enseignants s'établit à 19,96% de grévistes, dont 31,87% dans le premier degré et 10,27% dans le secondaire.

La grève a été très peu suivie dans les lycées, où se déroulent actuellement les épreuves du baccalauréat : 3,49% dans les établissement professionnels et 1,39% dans les lycées d'enseignement général et technologique, selon le ministère. Par ailleurs, les candidats au baccalauréat en retard jeudi pourraient être autorisés avec justification à repasser leurs oraux.

Les régimes spéciaux : Air France et SNCF

Les salariés des régimes spéciaux, qui ne seront pourtant concernés qu'à partir de 2017 par le relèvement des âges de la retraite, se sont également mobilisés.

La direction de la SNCF a comptabilisé jeudi matin 39,8% de grévistes et la CGT 46%, soit une mobilisation supérieure au 27 mai (respectivement 23,2% et 28%).

Pour la journée de jeudi, ont circulé comme annoncé à la SNCF 1 TGV sur 2 au départ ou à l'arrivée de Paris et à l'international, 1 TGV province-province sur 3, 1 train sur 2 des Transiliens aux heures de pointe, 1 TER sur 2, 1 Intercités et Téoz sur 4. Pour les trains Corail le trafic sera d'1 train sur 4, a indiqué jeudi matin un porte-parole de la SNCF.

Pour plus d'informations : www.sncf.com et sur www.infolignes.com pour tous les trafics. Pour les prévisions Transilien par gare, : www.abcdtrains.com. Deux numéros ont été mis en place: 0 805 90 36 35 pour les Grandes Lignes, TER, Téoz et Intercités; 0 805 70 08 05 pour le Transilien.

Du côté du trafic aérien, à Roissy, le panneau d'affichage indiquait en début de matinée sept vols annulés à l'arrivée et trois vols annulés au départ. L'ambiance est restée calme malgré des suppressions de trains et de RER entre l'aéroport et la capitale.

La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) avait demandé aux compagnies aériennes de réduire de 15% leurs vols au départ d'Orly et de Roissy entre 7 heures et 14 heures. Air France avait prévu d'assurer 100% des vols long-courrier au départ de ces aéroports et 83% des court et moyen-courriers.

Dans les transports parisiens

La RATP a indiqué avoir constaté à 6H30 un trafic assuré à hauteur de 3 métros sur 4, 3 sur 4 également pour le RER A, 1 sur 5 aux heures de pointe pour le RER B, tandis que le service des bus et tramways était légèrement perturbé.

L'interconnexion avec la SNCF devait être maintenue à Nanterre Préfecture pou le RER A, mais les RER B opérés par la RATP (entre Saint-Rémy-les-Chevreuse -Robinson et gare du Nord) avaient pour terminus Denfert-Rochereau. Il était donc prévu qu'aucun RER B ne circule entre Denfert-Rochereau et gare du Nord.

Pour en savoir plus, un numéro vert : 0 800 15 11 11.

Dans les transports urbains en province

Le service était très affecté ce matin à Lille, Bordeaux et Clermont-Ferrand.

Des préavis de grève avaient été déposés dans 69 réseaux de transports urbains, soit près de 50% de plus que lors de la précédente journée de mobilisation le 27 mai, a recensé mardi l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP).

 

De nombreuses réactions à gauche

Les personnalités de gauche ont été nombreuses à s'exprimer dans la journée. Le PS, venu en force, a appelé le gouvernement à retirer la réforme, jugeant le ministre du Travail Eric Woerth trop "affaibli" par l'affaire Bettencourt pour la mener à bien.

Martine Aubry, première secrétaire du PS : "Je suis très heureuse qu'il [le président de la République] reçoive Thierry Henry, mais aujourd'hui, il aurait mieux fait de recevoir les organisations syndicales et même l'opposition".  "Les Français disent clairement ce qu'ils pensent de cette réforme. Ils sont descendus massivement dans la rue et croyez-bien qu'aujourd'hui ce n'est pas facile de perdre une journée de salaire".

Laurent Fabius (PS) : "Le gouvernement sera obligé de réfléchir".

Ségolène Royal (PS) : "Une autre réforme des retraites est possible, il faut l'imposer au gouvernement", a estimé l'ex-candidate à la présidentielle, qui a réitéré son appel à un "référendum d'initiative populaire" - possible avec la signature des 3/5e des parlementaires et de 10% des électeurs inscrits - sur la réforme des retraites.

Marie-George Buffet, ex numéro un du PCF : "Il faut que le gouvernement entende, il faut que maintenant tout s'arrête et qu'il revoie sa copie". "Il faut continuer à se mobiliser tout l'été, et pourquoi pas le 14 juillet, une grande fête pour défendre les acquis sociaux et démocratiques."

Jean-Luc Mélenchon, président du Parti de gauche : "C'était le jour à ne pas manquer et on tient le bon bout".

Olivier Besancenot, porte-parole du NPA : "C'est une belle journée de succès qui n'est qu'un apéritif avec, à la rentrée, de nouvelles grèves et des manifestations nécessaires avant la grève générale européenne du 29 septembre". Il faut "faire front commun pour le retrait de la loi et réclamer la démission de M. Woerth" car "comme dirait Mme Bettencourt de L'Oréal, il le vaut bien!".

Nathalie Arthaud, porte-parole de Lutte ouvrière : "Les jeux ne sont pas faits", il faut un "véritable bras de fer" avec le gouvernement car "c'est face à des mobilisations d'ampleur que le gouvernement reculera". "Ces dernières semaines, le gouvernement a fait assez fort en faisant parler de lui dans les pages people, entre les amateurs de cigares, ceux qui étaient prêts à mettre des milliers d'euros dans des jets privés, ceux qui considèrent que 15 ou 20.000 euros par mois, ça ne suffit pas. C'est ceux-là qui ont le culot de dire aux salariés qu'ils peuvent bien travailler deux ans de plus".

Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts : "Il y a une vraie mobilisation parce qu'il y a un véritable sentiment d'injustice et de réforme qui ne sert à rien. Dire aux gens qu'il va falloir travailler plus longtemps tout en laissant les jeunes au chômage, c'est incompréhensible". "On a le sentiment que cette +réforme+ des retraite s qui veut se faire pendant l'été, pendant la Coupe du monde" intervient dans un contexte de "scandales à répétition" . "La tête de l'Etat ne se rend pas compte de la différence de traitement qui existe aujourd'hui entre les ministres et le reste de la population".

 

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