Quand des produits financiers toxiques font vaciller les HLM

Pour douze des sociétés HLM auditées dans le cadre d'un rapport consulté par  "La Tribune", l'exposition aux produits financiers à risques peut aller jusqu'à 50 %.

Les collectivités locales ne sont pas les seules à s'être laissées séduire à tort par des produits financiers toxiques. Certains bailleurs sociaux se sont aussi laissé abuser. Dans son dernier rapport, dont "La Tribune" a pris connaissance, la Mission interministérielle d'inspection du logement social (Miilos) dresse un constat inquiétant : « Si en 2006 et 2007, les cas d'usage par les HLM de produits structurés dans la gestion de la dette restaient rares, 34 bailleurs étaient concernés en 2008 et 27 en 2009, soient respectivement 15 % et 22,5 % des 151 organismes contrôlés par la Miilos [sociétés anonymes d'HLM, Offices publics de l'habitat et Sociétés d'économie mixte confondus] ».

« D'ordinaire, la plupart des prêts contractés par les organismes d'HLM sont adossés au Livret A et donc indexés à 50 % sur l'inflation et sur l'Euribor, explique Daniel Dauvet, chef adjoint de la Miilos. Mais des établissements bancaires leur ont fait miroiter des taux plus bas en jouant sur des swaps de taux. Or, en réalité, en fonction de l'évolution de certains paramètres, les taux devenaient variables et, dans certains cas, n'étaient pas capés. » Or, lorsque les HLM sortent du cadre des prêts qui leur sont consentis par la Caisse des dépôts, ils ne peuvent plus continuer à bénéficier de la couverture de la Caisse de garantie du logement locatif social.

Dans certains cas, la part de ces produits financiers à risque est restée mesurée : pour 15 des organismes contrôlés en 2009, elle est inférieure à 5 % de la masse globale de leur dette. Mais pour les 12 autres bailleurs sociaux sur les 151 audités par la Miilos, ces produits à risques atteignent 10 %, 20 % et jusqu'à 50 % de leur dette. « Nous sommes inquiets, nous craignons une augmentation des sinistres liés à ces produits structurés », prévient Daniel Dauvet.

Dans certains cas, les conséquences financières peuvent en effet être très lourdes. En septembre 2009, la Sacvl, la société d'économie mixte lyonnaise spécialisée dans le logement social, avait révélé qu'elle allait accuser une ardoise de 47 millions d'euros pour avoir contracté des produits financiers toxiques. Au vu du rapport 2009, trois des organismes contrôlés par la Miilos en 2009 accusent un encours non sécurisé de 15 millions d'euros et ont dû constituer des provisions. Une SA d'HLM de Basse-Normandie est concernée pour sa part pour « des encours considérables et sur des contrats à durée longue ».

complexité

« Dans un secteur protégé, il est dommageable que des établissements financiers persistent à proposer à des organismes de logement social des produits sophistiqués traditionnellement réservés, compte tenu de leur complexité, à des sociétés privées, relève Daniel Dauvet. Nous avons même constaté que la banque nationale d'Ecosse avait proposé ce type de produits à un organisme d'HLM du nord de la France », s'indigne-t-il.

Certains bailleurs sociaux ont porté plainte devant les tribunaux. Une société d'HLM dans le Sud-Ouest a gagné en première instance contre son banquier. D'autres contentieux se sont conclus par des négociations à l'amiable. Ces dérives révèlent aussi parfois des dysfonctionnements internes, le conseil d'administration d'une SA d'HLM n'ayant ainsi pas été averti des risques pris par la direction financière. « Nous souhaitons un encadrement réglementaire précis qui garantirait une meilleure sécurité financière pour les établissements concernés », reprend Daniel Dauvet. Si les 274 offices publics de l'habitat ont l'obligation de soumettre à leur conseil d'administration des éléments sur la gestion de leur dette, cette obligation est moins contraignante dans le secteur des 277 SA d'HLM.

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