Le Sénat a approuvé les nouvelles bornes d'âge de la retraite - 62 ans pour l'âge possible de départ, 67 ans pour les départs sans décote de pension - mais les syndicats continuent de croire en la mobilisation sociale ce mardi.

Cette journée est "tout sauf un baroud d'honneur", a déclaré le numéro un de la CGT, Bernard Thibault. "Ce qui importe, c'est que l'action soit reconduite", a-t-il affirmé mardi dans le Parisien-Aujourd'hui en France, estimant que "c'est cela qui nous assurera un succès à terme".

Les syndicats misent donc sur une grève de "grande ampleur" et, afin d'élargir leur public, ont déjà programmé une manifestation samedi. Il est vrai que les récents sondages montrent que les Français soutiennent le mouvement (à 69%, selon un sondage CSA). Des secteurs stratégiques comme les transports et les raffineries devraient être particulièrement touchés, des préavis reconductibles ayant été déposés.

Le ministère de l'Intérieur a annoncé 500.000 manifestants à la mi-journée, un chiffre en hausse par rapport à la précédente mobilisation.

François Fillon inflexible

A l'annonce de ces chiffres, le Premier ministre François Fillon a déclaré, devant les députés du groupe UMP à l'Assemblée nationale, que le gouvernement avait été "au bout de ce qui était possible" en termes de concessions sur la réforme. Il a également jugé "irresponsable que l'extrême gauche et une partie du PS mette les jeunes dans la rue" en appelant les lycéens à se joindre au mouvement.

Peu après,  le Premier ministre, répondant dans l'Hémicycle aux questions d'actualité, a lancé : "Je le dis très solennellement à cette heure devant l'Assemblée nationale, nous sommes décidés à mener cette réforme à son terme, [...] parce que c'est une réforme qui est raisonnable. Porter l'âge légal de la retraite à 62 ans quand la quasi totalité des pays européens la portent à 65 à 66 à 67 voire à 68 ans, c'est un choix raisonnable".

La contestation par secteurs :

EDUCATION ET FONCTION PUBLIQUE

Dans l'éducation, la contestation lycéenne contre le projet de réforme gagne du terrain : 360 lycées étaient perturbés ce mardi, sur 4.302 (8,3%), selon le ministère de l'Education nationale. L'Union nationale lycéenne (UNL), première organisation lycéenne, a appelé à manifester aux côtés des salariés. "Au plus fort des mouvements, on a recensé 90 lycées bloqués. A 11h30, la plupart des blocages étaient levés", a précisé le ministère, qui a dénombré 24 lycées perturbés à Paris.

Parmi les enseignants du secondaire, le taux de grévistes est de 19,56%, selon l'Education nationale, contre 22,38% lors de la grève du 23 septembre, et de 45% selon le SNES, principal syndicat d'enseignants du second degré.

Le taux de grévistes des enseignants du premier degré (écoles maternelles et primaires) est estimé à 28,74% par l'Education nationale, contre 33,53% lors de la grève du 23 septembre, et à 47,9% par le SNUI-PP, premier syndicat du premier degré.

Dans les universités, le principal syndicat étudiant, l'Unef, a appellé à une journée "facs mortes". Sud-Etudiants a aussi invité à la mobilisation dans toutes les universités.

Dans la fonction publique d'Etat (enseignants compris), quelque 19,20% des agents étaient en grève à la mi-journée, en légère baisse par rapport au 23 septembre (19,77%) ; le taux étant en hausse pour les agents territoriaux (15,13% contre 15,04%) et hospitaliers (15,16%contre 12,14%), selon le ministère de la Fonction publique.

A La Poste, près de 16,53% des salariés étaient grévistes à 10 heures, un chiffre identique à celui du 23 septembre (16,5%) et inférieur au 7 septembre (22,07%), a indiqué la direction. Le syndicat Sud-PTT annonce, lui, plus de 30% de grévistes. 

ENERGIE ET TRANSPORTS MARITIMES

Toutes les raffineries de Total en France sont touchées par la grève ; dans cinq des six raffineries, entre 50 et 80% du personnel posté a cessé le travail. Dans la sixième, où la CFDT est majoritaire, la mobilisation serait plus réduite. Dans deux raffineries, à Donges (Loire-atlantique) et Grandpuits (Seine-et-Marne), la grève a été votée pour 48 heures, a-t-on appris auprès de la CGT. Sur les autres sites, le mouvement est programmé pour 24 heures reconductibles. 

La direction du groupe a indiqué que  cela n'aurait pas d'incidence sur les approvisionnements en carburants. Cette grève s'ajoute à celle des terminaux pétroliers de Marseille, entrés ce mardi dans son 16e jour. Près de 56 pétroliers étaient bloqués à Fos-Lavera ou Marseille, dont 37 transportant du pétrole brut ou des produits raffinés, a annoncé le port de Marseille. Aucune avancée sur le dossier de la pénibilité au travail, au coeur des revendications, n'a été observée mais les discussions se poursuivent avec les syndicats, a précisé une porte-parole du port.

Plus généralement, dans les transports maritimes, la CGT Ports et Docks a lancé un appel à la grève reconductible dans tous les ports, dans tous les secteurs. La Fédération nationale des syndicats maritimes (FNSM) CGT a également appelé les marins du commerce et de la pêche à des mouvements reconductibles à compter de ce mardi.

Dans les secteurs du gaz et de l'électricité, cinq syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE/CGC) ont appellé à la grève et la CGT a déposé un préavis de grève illimitée qui pourrait engendrer des débrayages chez EDF et GDF Suez , des baisses de charges et des coupures ciblées sur certaines entreprises ou sur des bâtiments publics.

La direction d'EDF a relevé mardi à la mi-journée 17,9% de grévistes, contre 21,3% lors de la précédente journée d'action, le 23 septembre.

TRANSPORTS DE VOYAGEURS, TOURISME

A la RATP, la régie des transports parisiens, le trafic est meilleur que prévu, avec une douzaine de lignes de métro normales ou quasi-normales et plus de RER A que prévu. En revanche, comme toujours, les RER B sont quasi inexistants (un sur cinq). Le trafic bus est quasi normal (3 sur 4 circulent) de même que le réseau des tramways.

Par ailleurs, les assemblées générales des réseaux de bus, métro et RER ont largement reconduit la grève pour mercredi, a annoncé mardi la CGT de la RATP.

A la SNCF, la direction a indiqué avoir recensé 40,4% de grévistes (contre 37% le 23 septembre et 42,9% le 7 septembre). La CGT a annoncé pour sa part 53,75% de grévistes. Dans les deux cas, la mobilisation est donc en hausse de 3 à 5 points par rapport à la dernière grève.

En moyenne, 1 TGV Paris-province sur 3 circule, 1 TGV province-province sur 5, près de 4 Transiliens sur 10 aux heures de pointe et 4 services TER sur 10 (parfois remplacés par des bus). Le trafic international est moins affecté.

Mardi en fin d'après-midi, les cheminots s'acheminaient vers la reconduction de la grève pour mercredi. Un certain nombre d'assemblées générales doivent encore se tenir mercredi matin et diront ce qu'il en est.

En province, les transports urbains sont affectés à des degrés divers. A Marseille, où la grogne sociale est très forte, le trafic des bus, métros et tramways est assuré en moyenne à 50%. A Lyon, 80% du réseau fonctionne et 14% des agents sont grévistes. La fédération CGT des transports a déposé un préavis de grève du 12 au 30 octobre. Sur certains réseaux d'autoroutes, elle a également déposé un préavis de grève de 24 heures.

Dans les airs, la DGAC a recommandé d'annuler 50% des vols à Orly et 30% à Roissy et Beauvais. Cela se traduit à Nice par l'annulation de 36 vols au départ (23%) et autant à l'arrivée.

Enfin, même les touristes ne couperont pas à la grève : la Tour Eiffel a dû être fermée en début d'après-midi, une partie du personnel étant en grève, a indiqué a direction de la Société d'exploitation de la Tour Eiffel (Sete).