Jacques Attali : "La France ne doit pas avoir de scrupules à relever la TVA "

Dans un entretien publié ce lundi dans "La Tribune", Jacques Attali le président de la Commission de la libération pour la croissance française revient sur les propositions faites dans le rapport qu'il a remis vendredi à Nicolas Sarkozy.
(Crédits : DR)

La Tribune : Quelles sont les priorités du second rapport de la commission de la libération pour la croissance française ?
- Il y a deux urgences : l'emploi et le désendettement. Pour augmenter l'un et réduire l'autre, nous faisons 25 propositions pour redonner confiance aux jeunes en leur avenir.

- Votre plan d'action a un horizon temporel de dix ans. L'urgence ne semble pas si "urgente" ?
- Si, bien entendu. Dès aujourd'hui, il faut un traitement de choc sur la dépense publique de fonctionnement et de transfert. Limité a trois ans, cette dimension de notre projet passe notamment par la poursuite de la politique de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux et par le gel du point d'indice. Nous voulons dans le même temps favoriser une politique d'investissement public et privé en Europe, stimuler l'emploi et la concurrence. Bref l'originalité de ce rapport est de proposer une stratégie intégrée de désendettement et de croissance.

- Certains commentateurs estiment que vos propositions ne sont qu'un plan d'austérité drastique. Que leur répondez-vous ?
- Que l'assainissement des finances publiques de la France n'est qu'une des dimensions des énormes réformes de structures dont notre pays a besoin pour retrouver le chemin de la croissance.

- Pour résoudre le chômage, quelle est votre principale proposition ?
- Nous proposons de créer un cadre efficace, cohérent et valorisant pour la recherche d'emploi à travers la mise en place d'un contrat d'évolution. Cette réforme est majeure. Parce que la phase de recherche d'emploi est utile à la fois au chômeur et à la collectivité, elle mérite donc d'être rémunérée et d'être organisé, sous forme d'un contrat d'activité à durée indéterminée, rémunérant l'activité de recherche d'emploi et de formation. Ce type de contrat a permis de faire reculer le chômage dans les pays Scandinaves. Nous pouvons tirer parti de cette expérience réussie.

- Le projet de loi de finances 2011 du gouvernement est-il en phase avec vos recommandations ?
- L'objectif de réduction du déficit public - prés de 2 points de PIB - représente un effort de redressement sans précédent. Si le compte y est a peu près pour l'état, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour les budgets locaux et sociaux. Il faut s'en donner les moyens dans un contexte de croissance faible.

- Dans le domaine de la fiscalité, votre rapport propose notamment de relever le taux de TVA pour abaisser le coût du travail. Cette mesure peut-elle être considérée comme du protectionnisme ?
- L'Allemagne ne s'est pas gêné pour le faire il me semble. Il faut ensuite rappeler que le taux de TVA appliqué en France se situe en dessous de la moyenne européenne. La France dispose d'une marge de manoeuvre que certains pays n'ont plus. Comme l'Allemagne. Cette mesure s'apparente en effet à une dévaluation compétitive et il faut savoir ce que l'on veut : continuer à céder du terrain face à nos concurrents ou au contraire redynamiser les exportations tricolores et donc l'emploi tout en assurant un financement plus sain de notre protection sociale. .

- Comment s'assurer que les entreprises répercuteront bien la baisse du coût du travail sur les prix de leurs produits ? En clair, qu'elles ne garderont pas pour elles le différentiel de marge ?
- La tentation serait grande effectivement. Sauf que les entreprises françaises évoluent dans un environnement extrêmement concurrentiel en Europe et dans le reste du monde. Si elles ne baissent pas leurs prix, elles continueront à voir leurs parts de marché reculer.

Elles n'ont pas beaucoup le choix. La loi du marché rappellerait à l'ordre les entreprises un peu trop gourmandes. C'est la raison pour laquelle je ne crois pas que ce relèvement du taux de TVA pèse sur la consommation des ménages.

En appliquant cette mesure, la France demanderait en somme à ses partenaires européens de financer une partie de la protection sociale de ses citoyens. N'est ce pas contradictoire avec le fait que le rapport de la commission souhaite

- Le renforcement de la politique économique européenne ?

- Je le répète, l'Allemagne n'a pas eu beaucoup de scrupules à relever son taux de TVA. Que préféreriez-vous ? Que ce soient les générations futures qui se trouvent chargés du fardeau de notre dette ?

Étant donné le climat social actuel, la réponse à cette question me semble assez évidente. Mais nos propositions dans le domaine de la fiscalité ne se limitent pas à cette mesure. Nous proposons une fiscalité de croissance pour réduire la taxation du travail et d'augmenter celles sur la pollution et toutes les formes de patrimoines. Pour financer les trois réformes majeures: l'école primaire, le contrat d'évolution et les grandes infrastructures écologique.

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