Diplôme d'ingénieur : la proposition de créer un label universitaire inquiète les écoles

Par Clarisse Jay  |   |  567  mots
Une récente étude propose de créer un modèle de formation universitaire d'ingénieurs.

C'est un petit pavé jeté discrètement dans la marre des écoles d'ingénieurs. Alors que ces 200 écoles (qui accueillent 122.000 étudiants) sont une spécificité française (modèle en cinq ans, ou en trois ans après une classe préparatoire), une étude que vient de publier l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) propose de mettre en place un référentiel pour la formation universitaire au métier d'ingénieur afin de labelliser des "masters en ingénierie".

L'objectif de ce "cursus d'ingénierie" serait de rendre plus lisible et mieux encadrée une offre universitaire déjà existante (environ 4.000 diplômés de master ingénierie par an hors écoles, soit 13% des diplômés d'écoles) mais très dispersée et peu visible du fait d'un éventail "énorme des (micro) spécialités" . Il s'agirait aussi de proposer une alternative au modèle des écoles qui attire "plus particulièrement les forts en maths", est adapté à la formation de "certaines catégories d'ingénieurs de haut niveau" mais ne "couvre pas tous les besoins d'un marché en ingénieurs très multiforme".

"Arguments infondés"

De quoi hérisser le poil des représentants des écoles et la commission des titres d'ingénieurs (CTI) qui accrédite, depuis 1934, toutes les formations d'ingénieur. La CTI, échaudée par la volonté de l'AERES de l'absorber en 2008 et non consultée pour le rapport, estime ce document "partiel et partial dans la mesure où, s'il pose de vraies questions, il est mal fondé", estime son président Bernard Remaud. Selon lui, l'offre universitaire est suffisante puisque quarante universités sont habilitées à délivrer le titre d'ingénieur et que l'on compte douze écoles Polytech internes aux universités (2.900 ingénieurs diplômés par an). La conférence des grandes écoles (CGE) soutient la CTI, estimant "étrange" l'idée d'un référentiel de formation universitaire et jugeant le rapport "contradictoire". De son côté, le Bureau national des élèves ingénieurs (BNEI) juge "les arguments de l'AERES infondés". "La demande en ingénieurs du marché n'est déjà pas couverte par les écoles et celles-ci ont largement diversifié leurs voies d'accès, notamment en lien avec les universités. Aujourd'hui, seulement 40 % des élèves sont issus des classes préparatoires", indique le président du BNEI, Guillaume Perrin. Pour Paul Jacquet, président de la conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI), "il ne faut pas banaliser le titre d'ingénieur. Les universités dans lesquelles devraient se développer ces masters labellisés abritent souvent déjà une école d'ingénieur. Nous allons discuter avec la ministre de l'Enseignement supérieur et l'AERES et demander à ce qu'il n'y ait pas d'ambiguïté."  Contactée, l'AERES, qui exclut toute vélléité d'accréditer ou de labelliser des diplômes, objecte que ce projet de référentiel a pour seul objectif de faciliter l'évaluation des masters en ingénierie existants

Plus largement, selon Bernard Remaud,  le problème de fond est surtout la désaffection des jeunes pour ce secteur, la démographie déclinante et la faible attractivité de l'offre de masters en ingénierie.  Un contexte tendu donc, qui rend les écoles d'autant moins enclines à accepter une plus grande concurrence de la part des universités.